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Portrait – Benjamin Duhamel : l’héritier au service du pouvoir

Dans la famille Duhamel, on demande le fils : Benjamin Duhamel. Nouvelle coqueluche du service politique de BFMTV, il est le descendant de la plus célèbre dynastie de l’éditocratie à la française : les Duhamel/Saint-Cricq. Fils de Nathalie Saint-Cricq (ancienne responsable du service politique de France 2) et de Patrice Duhamel (ancien directeur général de France Télévision) ; neveu d’Alain Duhamel (que l’on vous présente ici) ; cousin germain de l’inénarrable Amélie Oudéa-Castéra, Benjamin Duhamel fait honneur à la famille.

Car s’il n’est là que depuis peu, il est l’incarnation chimiquement pure du journalisme de Cour, entre reproduction de classe et défense de l’ordre bourgeois néo-libéral. Avec lui, la nouvelle génération des chiens de garde a de beaux jours devant elle.

Les éditorialistes de plateaux, loin, très loin de l’objectivité affichée, sont des militants politiques déguisés en journalistes. Chaque jour, ils défendent une idéologie en direct aux heures de grandes écoutes. Les éditorialistes sont des acteurs de la bataille culturelle. Révéler d’où ces acteurs parlent, quels sont leurs parcours, leurs liens avec le capital, les 9 milliardaires qui possèdent 90% des médias du pays, est une œuvre nécessaire pour éclairer le débat démocratique. Fin d’un mythe : non, les éditorialistes ne sont pas des journalistes neutres. Pour qui militent-ils ? 

Douzième épisode de notre série pour démasquer les éditorialistes que vous voyez chaque jour à la télé. Portrait de Benjamin Duhamel.   

Benjamin Duhamel, l’héritier

S’il fallait objectiver la reproduction de classe et le népotisme du journalisme français, ou, plus généralement, de la caste au pouvoir, Benjamin Duhamel serait l’exemple parfait.

Né en 1995, il fréquente de prestigieuses écoles parisiennes avant d’intégrer Sciences Po Paris dont il sort diplômé en 2017. À en croire son profil LinkedIn, il effectue dès 2014 un stage à New-York au sein de France-Amérique Magazine, et un autre en 2017 au service politique de RTL, qui l’embauche dès la fin de ses études. Il rejoint par la suite LCI en 2018, avant d’intégrer BFMTV l’année suivante. Il en est aujourd’hui l’une des figures de proue.

Vous rendez-vous compte ? Tout cela dans une profession réputée difficile d’accès, et à moins de 30 ans ! La méritocratie probablement ? Et bien… Pas tout à fait.

Car Benjamin Duhamel ne vient pas de nulle-part, loin de là. Il est en fait le produit de l’alliance de deux grandes familles de la presse française : les Saint-Cricq, et les Duhamel. Benjamin porte en effet le nom de Patrice Duhamel, son père, ancien directeur général de France Télévisions, et de son oncle, Alain Duhamel, admirateur assumé d’Emmanuel Macron, qui hante les plateaux de télévisions depuis le temps de l’ORTF (nous vous en réalisions ici le portrait).

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Crédits : Blast.

Côté maternel, Benjamin Duhamel est le fils de Nathalie Saint-Cricq. Elle aussi diplômée de Sciences Po Paris (quel hasard !), elle est l’ancienne directrice du service politique de France 2, et ne rate pas non plus une occasion de dire son admiration pour Emmanuel Macron. Elle est par ailleurs la fille de Jacques Saint-Cricq, ancien président du conseil de surveillance du journal la Nouvelle République, poste aujourd’hui occupé par Olivier Saint-Cricq, frère de Nathalie. Elle est aussi la petite fille de Jean Meunier, plusieurs fois ministres sous la IVème République. Vous suivez toujours ?

Côté paternel, Benjamin Duhamel est aussi le cousin germain d’Amélie Oudéa-Castéra, ce qui ne manque pas de poser des questions sur le traitement médiatique des affaires ayant visé l’ancienne ministre de l’Éducation, toujours membre du gouvernement.

Mais bien-sûr, Nathalie Saint-Cricq est persuadée que la carrière de son fils s’est faite « sans piston ».

Si cette généalogie a pu sembler quelque peu éprouvante, elle est nécessaire pour comprendre l’esprit de classe qui anime le journalisme militant de Benjamin Duhamel, de sa famille, et de la plupart de ses collègues. Benjamin Duhamel est un journaliste militant, défenseur d’un ordre social tout entier dirigé pour les intérêts de sa classe. Dans ce cadre, il n’hésite pas à diaboliser la France insoumise pour réhabiliter le Rassemblement National.

Défenseur de l’ordre bourgeois néo-libéral

La carrière de Benjamin Duhamel est encore courte. Pourtant, il ne fait déjà aucun doute qu’il représente la relève de l’éditocratie à la française, défenseuse zélée de l’ordre bourgeois néo-libéral.

Il est par exemple l’un des 10 éditorialistes reçus en secret par Emmanuel Macron à l’Élysée en pleine bataille contre la réforme des retraites à 64 ans. S’il est compréhensible qu’un journaliste réponde favorablement à une telle invitation, rien n’obligeait Benjamin Duhamel, sinon peut-être sa loyauté profonde, à y puiser directement les éléments de langages à répercuter sur BFMTV. Ainsi, dès le lendemain du déjeuner et sans jamais citer directement Emmanuel Macron, Benjamin Duhamel évoquait un exécutif qui « ne croit pas à la victoire de l’irresponsabilité, ni à un pays à feu et à sang, comprenez : totalement paralysé ».

Mais outre cette rencontre secrète symptomatique d’un journalisme au service du pouvoir, ce sont ses questions elles-mêmes qui trahissent le militantisme de Benjamin Duhamel. Ces dernières ne sont en fait pas tant de véritables questions, que des réponses sur sa vision du monde.

Dans le cadre de la bataille contre la réforme des retraites à 64 ans, il parlait par exemple des amendements portés par la France insoumise (LFI) comme d’une « bordélisation ». Il faisait ainsi un spectacle de ce qui était pour des millions de Français une lutte, ne valant pas à ses yeux la discussion des représentants du peuple. Il louait du même coup l’autoritarisme de la Vème République.

Vidéo du député insoumis François Piquemal qui le reprend en direct sur la partialité de son usage du terme de « bordélisation »

Ce 4 février, face au député LFI Manuel Bompard, Benjamin Duhamel s’est fait le défenseur grotesque du libre-échange face aux souffrances des agriculteurs.

Porte-parole de la diplomatie gouvernementale au Moyen-Orient

Benjamin Duhamel est aussi un acteur à part entière d’un traitement médiatique orienté, calqué sur le gouvernement français, a minima indulgent avec le projet génocidaire de l’extrême droite israélienne.

Ainsi Benjamin Duhamel posait la question suivante à Jean-Luc Mélenchon le 28 janvier 2024 : « Pourquoi un tel décalage entre vos messages politiques dans la foulée de la décision de la Cour Internationale de Justice et vos messages dans la foulée du 7 octobre ? ». « Je ne vous permets pas de dire qu’il y a un décalage parce que c’est une manipulation à mon sujet. C’est une manière de faire croire que je suis indifférent à la souffrance des civils qu’on massacre. Non Monsieur ! Il y a une limite à ce qu’on peut supporter comme homme, aux accusations que l’on peut porter contre soi. Je n’ai jamais accepté aucune forme d’acte terroriste, jamais », avait répondu Jean-Luc Mélenchon.

Plus récemment encore, Benjamin Duhamel interrogeait Manuel Bompard sur la présence d’une délégation parlementaire insoumise à Rafah, titrant mot pour mot comme la chaîne d’extrême droite CNEWS : « LFI à Rafah, pas en Israël : 2 poids, 2 mesures ? ». Bien-sûr, personne ne l’a jamais entendu interroger le camp présidentiel sur ses parades aux côtés de criminels de guerre israéliens, et sur son absence de visite de soutien aux Palestiniens.

Normaliser l’extrême droite : une affaire de famille

Mais vis-à-vis de l’extrême droite aussi Benjamin Duhamel incarne le positionnement historique de la bourgeoisie : plutôt Hitler que le Front Populaire. Ainsi, alors qu’il n’a de cesse de participer aux discours d’exclusion de LFI de « l’arc républicain », le Benjamin Duhamel étudiant, considérait important d’inviter Jean-Marie Le Pen à Sciences Po, et interrogeait ce dernier, tout sourire, sur la poitrine de l’influenceuse Nabilla.

Sur son compte Instagram personnel est d’ailleurs encore présente une photo où il tend un micro à Jean-Marie Le Pen, accompagnée du commentaire : « Mon mardi supérieur à ton mardi ».

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Mais il faut dire qu’en termes de normalisation de l’extrême-droite, Benjamin Duhamel a de qui tenir.

Ainsi Alain Duhamel, son oncle, était déjà dans les années 80 l’un des premiers à militer pour l’invitation de Jean-Marie Le Pen sur les plateaux de télévision, amorçant la normalisation de l’extrême droite en France. En 2019, sa mère, Nathalie Saint-Cricq, se fendait d’une tirade qui se passe même de commentaire :  « [Marine Le Pen] je l’ai trouvée assez efficace, j’ai trouvé qu’elle avait travaillé […], qu’elle était dans le constat ce qui lui permet plus facilement d’arrondir les angles. Elle n’est pas contre les riches, elle est pour les pauvres. Elle aime bien les bons gilets jaunes, mais elle défend aussi les policiers. […] elle a travaillé et elle n’est plus excessive comme elle pouvait l’être avant, ni pas très professionnelle. ».

Le jeune visage des vieux chiens de garde

Derrière son jeune âge, Benjamin Duhamel représente d’abord et avant tout le renouveau des chiens de garde de plateau. Il accompagne et supporte déjà la nouvelle génération de l’oligarchie au pouvoir. Il incarne le journalisme de cour à la française, et prolonge mieux que quiconque sa tradition de népotisme et de reproduction sociale.

Membre de la même caste que les tenants du pouvoir institutionnel, héritier, il est défenseur de l’ordre bourgeois parce que c’est lui qui nourrit.

Pas plus qu’aucun éditorialiste de plateau, il ne peut se targuer d’une once de neutralité. Par son appartenance de classe et par la défense de ses intérêts, il n’est pas seulement la deuxième peau du système capitaliste, il est le système.

Par Eliot