Tribune. À quelques jours du premier tour des élections législatives, et alors que la question pourtant existentielle du bouleversement climatique semble être passée au second plan dans cette campagne, le journal La Croix publie dans ses colonnes une tribune de soutien au Nouveau Front populaire sur cette question.
Jean Jouzel, Dominique Méda, Jézabel Couppey-Soubeyran… Ils sont une trentaine, pour la plupart scientifiques, enseignants-chercheurs ou représentants d’ONGs, à prendre la plume pour soutenir le programme du Nouveau Front populaire, selon eux seul à même de répondre aux enjeux liés à l’écologie et à la catastrophe climatique. Ils rejoignent ainsi les intellectuels du monde entier ayant apporté leur soutien à la coalition et à Jean-Luc Mélenchon, les intellectuels français ayant dénoncé dans Politis le bashing anti-Mélenchon, et les 300 économistes ayant annoncé soutenir le programme du NFP.
« Seul le bloc de gauche porte un programme dont l’ambition est à la hauteur des enjeux. Il contient des mesures structurelles qui témoignent de la volonté de s’attaquer aux racines de la catastrophe écologique et éviter ainsi un emballement dévastateur du climat ainsi qu’une crise économique et financière de grande ampleur » affirment-ils.
L’Insoumission relaye dans ses colonnes leur tribune.
Tribune – « Sur le climat, seul le Nouveau Front populaire soutient un programme crédible »
L’année 2023 a été de loin l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre, avec des manifestations des changements climatiques qui s’amplifient dans leur fréquence et leur intensité. Cette urgence climatique attend une réponse, qui, en France, n’est pas venue lors des derniers quinquennats et ne viendra pas de l’extrême droite. Entre retours en arrière, stagnation ou progrès, les élections du 30 juin et du 7 juillet représentent une opportunité majeure pour engager pour de bon la transition juste et écologique.
Après un premier quinquennat contrasté, marqué notamment par une condamnation de l’État pour inaction climatique et une loi climat issue d’un processus de concertation qui n’a pas été respecté, le président Emmanuel Macron s’est fait réélire avec la promesse d’un « quinquennat qui sera écologique ou qui ne sera pas ».
Mais, en deux ans, les nombreux appels de la société civile organisée et de la rue ont été ignorés, les militants criminalisés et les mobilisations réprimées. L’ambition a été oubliée et les réformes allant dans le sens du climat et de la justice sociale et fiscale ont été rejetées. Cette inaction renforce la montée des inégalités et des injustices sociales qui enflent, en conséquence de l’ensemble des politiques menées depuis quelques années.
La droite se dérobe
L’analyse des programmes et des mesures votées sous la présidence d’Emmanuel Macron ne laisse aucun doute quant à l’ambition de chacun des trois blocs en matière climatique. La droite et la majorité présidentielle proposent une stagnation des politiques climatiques, à travers la mise en « pause réglementaire ». Cette dernière permettrait d’appliquer uniquement les lois déjà adoptées, mais celles-ci sont insuffisantes pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Alors que le climat se dégrade, la majorité présidentielle se dérobe.
L’extrême droite promeut quant à elle des retours en arrière inconséquents, à rebours des engagements nationaux et internationaux de la France. On retrouve notamment dans ses votes la proposition de baisse des objectifs de déploiement des énergies renouvelables, le rejet des parcs éoliens, ou encore la baisse des fonds dédiés à l’aide publique au développement et le renoncement aux engagements climatiques européens.
Un programme à la hauteur
Seul le bloc de gauche porte un programme dont l’ambition est à la hauteur des enjeux. Il contient des mesures structurelles qui témoignent de la volonté de s’attaquer aux racines de la catastrophe écologique et éviter ainsi un emballement dévastateur du climat ainsi qu’une crise économique et financière de grande ampleur.
Ces mesures représentent un coût qui est largement à notre portée, notamment grâce à une politique fiscale et budgétaire plus juste. Il se chiffre à un niveau bien plus faible que celui de l’inaction, quand celle-ci ne fera qu’accroître les coûts humains et économiques, en particulier pour les ménages les plus précaires. Comme les votes des membres des partis qui composent le Nouveau Front populaire le démontrent, son programme est crédible alors que les partis de droite et d’extrême droite sont décrédibilisés par leur bilan ou leurs promesses.
Précarité et finance
Deux exemples.
Le premier porte sur la lutte contre la précarité énergétique, un enjeu tout aussi crucial pour le climat qu’il l’est dès à présent pour les milliers de ménages qui peinent à se chauffer l’hiver et souffrent de la chaleur l’été.
Alors que le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a acté en février 2024 une coupe significative dans les budgets dédiés à la rénovation des bâtiments (1), le Nouveau Front populaire propose pour sa part de renforcer les aides pour les ménages afin d’isoler les logements et d’accélérer la rénovation des bâtiments publics. Quant au Rassemblement national, il suggérait, dans son programme pour les élections européennes et lors de prises de parole la semaine dernière (2), de revenir sur les normes en matière de rénovation des bâtiments et qui permettent notamment de rendre illégales les locations de passoires thermiques.
Deuxième exemple : la finance. Souvent oubliée des programmes électoraux, elle ne l’est pas dans celui du Nouveau Front populaire qui propose notamment de faire cesser les financements aux énergies fossiles, en commençant par les nouveaux projets reconnus incompatibles avec nos objectifs climatiques. Cette mesure n’est pas nouvelle. Elle est plébiscitée par les scientifiques du GIEC et les experts de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) depuis des années, et a déjà fait l’objet d’une proposition de loi avant d’être rejetée en commission des finances par les députés de droite et d’extrême droite en mars 2024.
Ni l’extrême droite ni le camp présidentiel ne sont aujourd’hui force de proposition pour s’attaquer à l’urgence climatique. Pour ces élections législatives, seul le programme du Nouveau Front populaire constitue une réponse crédible aux enjeux de l’urgence climatique et nous resterons mobilisés après les élections pour que les promesses de performance écologique soient tenues.
(1) Mise à jour 20/06/2024 : Le programme du parti présidentiel prévoit désormais de rénover les logements à travers une taxe sur les rachats d’actions. Cette taxe, fixée à 1 % en 2023, avait pourtant été supprimée par le gouvernement lors de l’adoption du budget par 49-3. Après la taxe, les crédits dédiés à la rénovation avaient été rabotés. Libération, Rachats d’actions : pas de taxe pour les grands groupes, 19 octobre 2023.
Liste des signataires de la tribune :
Jean-François Julliard. Directeur général de Greenpeace France
Jean Jouzel. Chercheur émérite
Dominique Méda. Professeure d’Université
Lucie Pinson. Fondatrice et directrice générale de Reclaim Finance
Claude Henry. Professeur honoraire à l’École Polytechnique et à Columbia University
Flore Berlingen. Cofondatrice de l’Observatoire du principe pollueur-payeur
Laura Thieblemont. Coprésidente des Amis de la Terre France
Marie Cohuet. Coprésidente des Amis de la Terre France
Anna Creti. Directrice de la Chaire Économie du Climat
Frédéric Hache. Directeur du Green Finance Observatory
Marie-Jeanne Husset. Présidente d’Agir pour l’environnement
Swann Bommier. Responsable du plaidoyer de l’association BLOOM
Jean-Michel Servet. Professeur honoraire IHEID
Jérôme Blanc. Sciences Po Lyon
Jézabel Couppey-Soubeyran. Maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Conseillère scientifique à l’institut Veblen, responsable scientifique de la chaire énergie et prospérité
Julien Lefournier. Expert associé Institut Veblen
Christophe Revelli. Professeur de finance durable et d’impact
Laurence Scialom. Professeure des Universités
Dominique Bourg. Professeur honoraire de l’Université de Lausanne
Laurent Babikian. Expert en finance durable et économie régénérative
Manuel Mercier. Chercheur à l’université Aix-Marseille
Maxime Combes. Économiste
Mehdi Guelmamen. Doctorant en économie à l’Université de Lorraine
Noam Leandri. Économiste
Pierre-Louis Lions. Professeur au Collège de France
Sakina Ayata. Maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université
Viviane Baladi. Chercheur CNRS
Yamina Tadjeddine. Professeure d’économie à l’Université de Lorraine
Gabriel Malek. Président d’Alter Kapitae
Muttiah Yogananthan. Fondateur et Gérant de l’entreprise à mission Métamorphose
Vincent Edin. Journaliste indépendant
Gilliane Le Gallic. Présidente d’Alofa Tuvalu
Léa Geindreau. Coordinatrice – Action Justice Climat Paris
Marion Rivet. Porte-parole du Réseau « Sortir du nucléaire »
Nicolas Dufrêne. Directeur de l’institut Rousseau