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Devoir de vigilance : au Parlement européen, le RN défend les multinationales plutôt que les droits humains et la nature

Le Rassemblement national (RN) tente péniblement de se présenter comme le parti du peuple, de l’écologie patriotique et de la lutte contre la mondialisation sauvage. Mais au Parlement européen comme à l’Assemblée nationale, quand vient l’heure des choix, l’extrême-droite défend toujours les patrons et les lobbys plutôt que les peuples et la planète. Dernier exemple : sa position concernant le devoir de vigilance des multinationales au Parlement européen. Notre article.

De la nécessité du devoir de vigilance

Jordan Bardella a beau jeu, lors grand raout de Valeurs Actuelles du 13 avril dernier, de fustiger « la mondialisation libérale, sauvage, dérégulée » et de se morfondre du « modèle économique qui vise à faire produire en Chine par des esclaves, pour vendre en Europe à des chômeurs et pour ensuite faire recycler en Afrique ». Car, deux semaines plus tard, au Parlement européen, à l’occasion d’un vote sur le « devoir de vigilance des multinationales », le RN choisissait le camp du capital contre celui des travailleurs et de la nature. Comme d’habitude.

Le devoir de vigilance vise précisément à contrecarrer les effets mortifères de la « mondialisation sauvage » dont Marine Le Pen et Jordan Bardella se lamentent à longueur de journée. Le cœur de ce projet législatif européen est de combler une faille juridique majeure qui permet aux multinationales d’exploiter les travailleurs et de ruiner l’environnement sans en être responsables devant les tribunaux. 

La plupart des multinationales opèrent à travers le monde via des “chaînes de valeur”. Apple, Samsung et consorts, par exemple, ne récoltent pas directement les minerais rares dont ils ont besoin au fond des mines meurtrières du Congo. Pour ce faire, ces entreprises opèrent par l’intermédiaire de filiales locales, de sous-traitants et de fournisseurs juridiquement distincts de la marque. Et lorsqu’un drame arrive, comme l’effondrement d’une mine ou la pollution d’un cours d’eau, l’entreprise se défausse de toute responsabilité sur ses intermédiaires.

Or les drames ne manquent malheureusement pas. Du recours par les marques textiles du travail forcé des ouïghours en Chine, à l’expropriation de dizaine de milliers d’habitants pour la construction de l’oléoduc EACOP de TotalEnergies en Ouganda et Tanzanie en passant par les milliers d’ouvriers exploités jusqu’à la mort sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar.

Le RN, allié du capital

Le devoir de vigilance offre un recours face à ces désastres. Il consiste à obliger légalement les grandes entreprises qui opèrent sur le territoire européen à identifier, prévenir, faire cesser et réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes de valeur. Si elles manquent à leur devoir, elles sont passibles de très lourdes amendes et sont tenues de réparer les dommages subis par les victimes.

Bien sûr, la Commission européenne n’en a pas eu l’idée spontanément. Cette proposition de loi est notamment le fruit du travail de la députée insoumise Manon Aubry depuis son élection au Parlement européen en 2019. À son initiative, le Parlement européen adopte un rapport en mars 2021 exigeant de la Commission européenne une proposition de directive. À l’époque, le RN tente déjà de tuer le projet dans l’œuf et vote contre la demande d’une législation européenne.

Pour aller plus loin : Jordan Bardella (RN) vote contre la taxe super-profits au Parlement européen

Sous la pression, la Commission européenne propose une directive européenne. Pendant près de 120 heures de négociations, Manon Aubry pour le groupe de La Gauche, ainsi que ses alliés verts et socialistes, ont défendu les droits des travailleurs et de l’environnement. Le représentant du RN, Gilles Lebreton, n’est venu que deux fois en quatre ans, délivrer des interventions pour la forme.

Surtout, lors du vote de la commission parlementaire sur le rapport en première lecture du Parlement européen, le 25 avril 2023, le RN a voté contre toutes les dispositions du texte. Enfin, leurs députés Gilles Lebreton et Virginie Joron se sont abstenus sur le vote final, quand même la majorité des députés de droite, bon gré mal gré, votaient pour.

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Tout n’est qu’imposture au Rassemblement national. Les droits des travailleurs ne sont pour eux qu’un paillasson et l’écologie un papier peint verdâtre mal collé sur un fond brun. Seuls comptent pour Marine Le Pen et ses sbires la prise du pouvoir et la mise en place d’un programme raciste, en bonne entente avec le capital.

La position du Parlement européen contre l’impunité des multinationales fera l’objet d’un vote final en assemblée plénière le jeudi 1er juin. Comme en commission, il y a fort à parier que le Rassemblement national ne soutiendra pas ce texte.