Écrans publicitaires. Sur fond de crise de l’énergie et de la nécessité d’une bifurcation écologique, la régulation des écrans publicitaires s’ajoute à la liste des échecs environnementaux de la macronie. À cet habituel barrage par une alliance de la droite et de l’extrême droite face aux mesures écologiques, s’ajoute une mélodie à laquelle la minorité présidentielle nous a habitués. En effet, comme pour les Uberfiles et autres, l’on apprend que ce blocage s’est fait par un accompagnement soigneux des lobbies au sein de l’hémicycle (Mediapart). Retour sur une occasion gâchée, survenue début avril 2023. Notre article.
Publicité mensongère partout, sobriété énergétique nulle part
Réputés coûteux et énergivores, les panneaux numériques, ont fait l’objet d’une proposition d’interdiction dans l’espace public par des députées écologistes comme Delphine Batho, ce pour la troisième fois depuis 2019. Selon Mickaël Correia (Mediapart), la proposition de loi étudiée le 28 mars 2023 en commission a été tellement vidé de sa substance, que ses autrices ont préféré tout bonnement la retirer ce 5 avril 2023.
D’une mesure ambitieuse, recommandée même par le Réseau de transport d’électricité (RTE), la Commission du développement durable à l’Assemblée nationale a accouché d’une souris. Les élus opposés à la mesure peuvent remercier la FESPA (Organisation professionnelle des métiers de la communication visuelle), de leur avoir mâché le travail. En effet, ils « ont repris au mot près les éléments de langage du secteur publicitaire ».
La FESPA a juste eu à envoyer dans la boîte mail des députés ses arguments, que certains de nos représentants ont repris tels quels, affirmant que ces écrans auraient un bilan carbone moins important que l’affichage classique. Les études scientifiques et d’impact pouvant facilement varier en fonction des données prises en référence, l’impartialité d’études menées par une entreprise dudit domaine, n’est peut-être pas la plus grande preuve de rigueur.
RTE et L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) encouragent pourtant à la disparition progressive de ces outils dans un souci de sobriété. En effet, ces derniers connaissent une croissance d’environ 20% par an.
Alors que les foyers français ont du mal à se chauffer, souffrent d’une inflation galopante, de l’énergie, ces panneaux toujours plus énergivores vont continuer à être construits. En terme d’émissions de gaz à effet de serre (mesuré en équivalent CO2), selon l’ADEME, un seul de ces écrans LCD consomme 245 kg CO2. Si l’on regarde la consommation d’énergie, d’après son rapport, au bout de dix ans d’utilisation, chaque panneau aura consommé 20 477 kWh, soit la dépense énergétique annuelle de quatre foyers.
Pour aller plus loin : Pourquoi se battre contre la retraite à 64 ans est un combat écologique
L’extrême droite et la bataille écologique
Une nouvelle occasion pour le Rassemblement National (RN) de prouver son imposture et sa démagogie dans le combat contre le dérèglement climatique. Sans les voix de ce groupe parlementaire pour faire blocage, la proposition de loi n’aurait pas été enterrée en commission. Ces prises de position à l’Assemblée sont un rappel de la position de l’extrême droite sur l’écologie qui ne dépasse pas le « greenwashing ».
L’amour du RN pour l’énergie, pour le nucléaire et sa haine pour les éoliennes, transparaissant dans les différentes prises de positions des lepénistes, trahissaient déjà une arnaque écologique. Avec un programme et une action digne d’un Monsieur Burns, le Rassemblement national reste encore et toujours sur le bas côté de la lutte sociale pour le climat.
Écrans publicitaires : lobbying et conflits d’intérêts
Cette affaire vient une nouvelle fois poser des questions importantes pour notre démocratie. Avant tout, celle de l’accès incontrôlé et structuré des lobbies industriels dans les sphères de décision, mais également celle de la transparence et des conflits d’intérêts. En effet, les lobbies avaient déjà un soldat à l’intérieur des murailles. Stéphane Buchou, élu de la majorité en Vendée, n’est autre que l’ex-Directeur adjoint de Cocktail Vision, entreprise leader du secteur en France.
L’intéressé explique que cela fait de lui un expert dans ce domaine, avec la montagne de conflits d’intérêts que cela peut susciter. Le député a ainsi repris sans vergogne les éléments de langage de son ancien employeur (Mediapart)
L’histoire ne s’arrête pas là. On apprend sur le compte Twitter du grand patron de Cocktail Vision, Stéphane Frimaudeau, que la dernière usine « 4.0 » de l’entreprise, aurait vu le jour en bénéficiant de fonds du plan de relance français (France Relance), encore mieux, cela au titre d’investissements verts. On pouffe.
Ce n’est pas sans faire tristement écho à l’affaire des amarrages pour yacht en Corse, financés par le Fonds vert du Gouvernement. La séparation entre la mission d’intérêt général de nos pouvoirs publics et les intérêts privés, mériterait, elle, un peu plus d’énergie dans les plans sobriétés de nos représentants.
Par Emmanuel Pothier
Crédits photo : Nettoyage d’un panneau publicitaire à Beauvais le 10 juillet 2015, Lionel Allorgue, Wikimedia commons, CC BY-SA 3.0