Retraite. Taux de chômage élevé, chômage des seniors, précarité, carrières longues, injustice de trimer des années supplémentaires avant la retraite : en 30 secondes, Emmanuel Macron énumère des arguments battant en brèche… sa propre réforme. Une pépite qui date d’avril 2019. « Si on fait une réforme comme d’habitude, comme on fait depuis 20 ans, et qu’on dit : on va décaler l’âge de départ à la retraite ? Je ne ferais pas ça. C’est profondément injuste ». Le chef de l’État défend aujourd’hui bec et ongles la retraite à 64 ans. Un sacré retournement de veste, digne du traître Olivier Dussopt. Peut-être songer à les inscrire tous les deux aux championnats du monde de contre son camp (CSC).
Après 5 journées de mobilisations très réussies, l’intersyndicale appelle « à mettre la France à l’arrêt ». Voilà sûrement la seule façon de faire entendre raison à Emmanuel Macron : faire perdre des milliards d’euros au capital, chaque jour de blocage de l’économie à partir du 7 mars. Une radicalisation du mouvement social, face à l’extrême radicalité d’un président qui veut passer en force contre l’avis de 93% des actifs, qui progresse dans la société : 67% des Français soutiennent le blocage de l’économie, un chiffre en hausse de 9 points en une semaine. Un bras de fer décisif pour la suite du quinquennat se prépare. Notre article.
Décaler l’âge légal de départ ? « C’est profondément injuste », selon Macron
Décaler l’âge légal de départ pèsera sur ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt. Une situation injuste résumée à l’époque par le chef de l’État : « Parce que quand vous avez commencé à travailler à 16 ans, si je vous décale votre âge de départ à la retraite, alors même que généralement quand vous avez commencé à travailler à 16 ans, vous avez moins de diplômes, vous êtes dans des métiers plus pénibles, c’est profondément injuste ».
Pour aller plus loin : Retraites : 43 ou 44 annuités ? C’est tellement compliqué qu’on n’a même pas réussi à faire un titre
« Profondément injuste » : l’expression est lâchée. Aujourd’hui, tout naturellement, le chef de l’État défend un réforme des retraites qui décalera l’âge légal de départ à 64 ans. Pire, celle-ci est à la fois incohérente et injuste. D’ailleurs combien d’annuités faut-il accumuler pour partir à taux plein ? 43 ou 44 ? C’est simple : chiffre pair, tu perds. Si on commence à travailler à 16 ans, on a besoin de 44 annuités pour partir à taux plein. À 17 ans, 43 annuités. À 18 ans, c’est… 44 annuités. À 19 ans ? 43 annuités. Le fameux travailleur commençant à 16 ans pris en exemple par Emmanuel Macron en 2019 va devoir accumuler davantage d’annuités que celui qui débutera dans la vie active à… 17 ans.
Au-delà d’une entrée plus tôt dans le monde travail, les personnes aux métiers les plus pénibles sont ceux qui vont le plus souffrir d’une retraite décalée à 64 ans : une réforme de classe, faisant fi des corps brisés par des années de travaux pénibles. Nous avions lancé un appel à témoignages adressé à des personnes aux métiers difficiles qui ne pourraient pas bosser 2 ans de plus. Des témoignages poignants nous sont arrivés, comme celui d’Alex, 44 ans ou Anne, 57 ans.
« Cela fait 25 ans que je travaille en restauration, depuis 1996. 8 ans serveur puis cuisinier. 3 diplômes en restauration. Pas de vie sociale, de famille aux amis, tout le temps à travailler quand les autres se divertissent. Les heures sup’ non payées, donc pas dans les annuités, des heures décalés etc. Payé au lance pierre, j’ai le corps tendu à 44 ans. La plupart des collègues sont usés à 55 ans voir avant, voir décédés. » : extrait du témoignage d’Alex, 44 ans, travaillant dans la restauration rapide depuis 25 ans.
« Péniblement, j’essaie d’atteindre l’âge de retraite à 62 ans, entre congés longue maladie, mi temps thérapeutique ou congé maladie ordinaire fractionné. Car malgré mon handicap, je n’arrive pas à obtenir un poste adapté. Donc l’allongement de l’âge de la retraite est vécue pour ma part comme une agression physique et morale. Enseigner est un métier que j’ai fait avec passion. Je n’ai jamais compté mes heures durant ma carrière. Je n’ai jamais cherché une reconnaissance de mon administration car seule comptait pour moi la petite lumière qui scintillait dans le regard de mes élèves. Aujourd’hui, mon corps me fait souffrir mais le pire c’est de subir le mépris de mon institution et de ce gouvernement qui ne cherche qu’à nous détruire. » : extrait du témoignage d’Anne, 57 ans, enseignante en situation de handicap.
« Il y a encore beaucoup de chômage, beaucoup de chômage des seniors »
Encore aujourd’hui, le problème est loin d’être réglé. D’abord concernant le chômage de manière générale. La macronie fanfaronne, et se targue, grâce à sa politique, d’avoir ramené le chômage à un niveau historiquement bas. Mais leurs discours bien huilés passent difficilement au travers d’une analyse statistique fine. Déjà, les radiations des listes de Pôle Emploi ont atteint un record depuis leur création en 1996 : 52 900 personnes ont été supprimés de listes en 2022. Trop de chômeurs ? Plus de chômeurs !
Ensuite, concernant la baisse du chômage en elle-même, le camp présidentiel ne vante uniquement les chiffres des chômeurs de catégories A (aucun travail dans le mois), sans trop parler sur la catégorie B, dont les effectifs explosent : +8,88% en un an ! Elle représente des personnes qui ont travaillé au moins… 78h dans le mois, soit un tout petit peu que 3 jours. Les macronistes considèrent vraiment ces personnes précarisés comme de retour dans l’emploi ? Enfin, l’injuste réforme de l’assurance-chômage, ayant fait reculer la durée d’indemnisation de 25% (l’humanité), nombre de chômeurs disparaîtront des statistiques de Pôle Emploi sans avoir retrouvé une activité.
Le problème du chômage est loin d’être réglé, tout comme celui des seniors plus précisément. 30% d’entre eux… Le chef de l’État le disait lui même en 2019 « Si on décale l’âge légal, on dit aux gens ‘restez plus longtemps au chômage.’ C’est pas correct ! ». Effectivement, ce n’est pas correct. Il est urgent que les Français travaillent moins dans la vie, et non davantage comme le veulent néolibéraux. À quoi bon travailler chacun davantage alors que de nombreux compatriotes sont au chômage ? Il est nécessaire de travailler moins, pour travailler tous et mieux.
« Je ne ferais pas ça » : sur les retraites, Macron a retourné sa veste et avance désormais à contre-sens
Et, finalement, il retourna sa veste. Une trahison de haut niveau, digne d’Olivier Dussopt. On tient nos deux champions de France du but contre son camp. Quelle est sa légitimé à passer en force contre 80% des Français, 93% des actifs et une intersyndicale unie ? Même les économistes néolibéraux, habituellement béat d’admiration devant le président des riches dézinguent son projet de retraite à 64 ans !
Comme un seul homme, ministres parlementaires répètent que le décalage de l’âge légal de départ était inscrit dans son programme. Cependant, ils savent bien qu’Emmanuel Macron n’a pas été élu sur son programme. Lui-même le sait. C’est pourquoi, au soir du second tour, il a souligné que le vote des nombreuses personnes n’étant pas d’accord avec lui, mais qui lui ont permis de gagner, « l’obligeait ».
Depuis, Macron a revu sa copie. L’âge légal ne va pas être décalé à 65 ans. Grand seigneur, ce ne sera finalement « que »… 64 ans. Deux ans de trop. Une réforme présentée comme indispensable, comme un dernier recours avant que notre système de retraites ne s’écroule. Un discours mensonger, battu en brèche par le sérieux Conseil d’Orientation des Retraites (article COR Macron). Alors que les Français devraient travailler moins longtemps pour travailler tous, parce que la réduction du temps de travail dans la semaine, dans la journée et dans la vie est consubstantielle à la classe salariés, tout en s’inscrivant dans le sens de l’Histoire.
Prochaine date de mobilisation : le 7 mars, pour lequel l’intersyndicale appelle « à mettre la France à l’arrêt ».
Par Nadim Février