Les droits formels des femmes avancent mais le sexisme ne recule pas. L’État ne cesse de légiférer sans parvenir à faire évoluer les pratiques réelles ni la mentalité des hommes. Telles sont les conclusions du deuxième Baromètre Sexisme publié lundi 23 janvier 2023 par le Haut conseil pour l’égalité (HCE). Les chiffres sont alarmants dans tous les domaines sur les discriminations subies par les femmes. L’insoumission.fr en détaille 6 pour vous. Notre article.
23% des femmes ont déjà vécu un écart de salaire avec un collègue homme
80% des gens perçoivent l’inégalité femmes-hommes dans le monde professionnel. Plus d’un tiers des femmes (37%) affirment avoir déjà subi des discriminations sexistes dans leur choix d’orientation professionnelle et à poste ou compétences égaux, 23% des femmes ont déjà vécu un écart de salaire avec un collègue homme. Ce taux grimpe à 34% pour les cadres. Cela peut s’expliquer par le fait que les inégalités salariales sont plus importantes dans cette catégorie socio-professionnelle (19,1% en équivalent temps plein) que dans les catégories plus populaires.
Au total, 93% de la population constate des inégalités de traitement entre hommes et femmes. Vue l’ampleur des discriminations subies par les femmes dans tous les aspects de la vie sociale, n’est-il pas alarmant que 7% des gens ne voient toujours pas le problème du sexisme et de l’oppression exercée par les hommes sur les femmes ?
Seulement 36% de temps d’antenne dans les médias
C’est le chiffre qui a retenu le plus notre attention. On imagine l’immense travail que cela nécessite d’arriver une telle révélation. La visibilité des femmes augmente dans les médias. Problème : leur temps de parole augmente moins vite ! Résultat : à la télé, les spectateurs les voient, à la radio, les journalistes peuvent plus souvent citer fièrement les prénoms paritaires des invités. Sans pour autant solliciter les femmes pour qu’elles donnent leur avis autant que les hommes.
43% de présence à l’antenne, vu de là où on partait, c’est pas mal. Mais pour seulement 36% de temps de parole, cela impose aux professionnels médiatiques une urgente et massive remise en question de leur pratique du 4ème pilier de la démocratie.
80% des femmes déclarent avoir vécu des actes sexistes
Aucune tendance à la baisse. Les femmes sont toujours 80% à déclarer avoir vécu des actes sexistes. 57% des blagues ou des remarques sexistes, 41% des sifflements 33 % des contacts physiques non consentis 15% des coups par leur conjoint 14 % des actes sexuels imposés.
Les numéros verts mis en place pour le gouvernement n’y changent visiblement rien. Étrangement. Alors que Macron en a fait la grande cause de son quinquennat pour la deuxième fois d’affilée. Aucune avancée notable dans la réalité. Comme pour le climat, Macron c’est toujours beaucoup de joli blabla et beaucoup moins d’actes concrets pour lutter contre les fléaux qui menacent la sécurité des gens. Même pour ce qui relève de la criminalité : toujours pas de trace du milliard pour lutter contre les violences sexistes et sexuels.
27% des hommes ne considèrent pas problématiques d’insister pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe
En matière de comportement sexiste, on voit combien les femmes ont massivement pris conscience du problème alors que de très nombreux hommes restent bloqués dans une mentalité oppressive. Seuls 73% des hommes considèrent comme problématique le fait d’insister pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe, et seuls 12% déclarent l’avoir déjà fait. 10% ont déjà eu un doute sur le consentement de leur partenaire. Les hommes « peinent à se sentir concernés et n’engagent pas leur responsabilité personnelle », note le Haut Conseil à l’Égalité.
23% des hommes considèrent que pour être respecté il faut être parfois violent
Le HCE détaille les résultats par tranche d’âge et relève que la perception des jeunes hommes sur la masculinité est bien plus toxique que celle de l’ensemble de la population.
Est-ce les prémices d’un backlash mené par une nouvelle génération qui refuse que le mouvement #Metoo remette en cause leurs privilèges ? C’est ce qu’affirme le HCE. Comme de nombreuses autres révélations de ce Baromètre Sexisme, il convient de poursuivre la réflexion et le travail. La différence montrée par le tableau ci-dessus est tout à fait frappante. Elle permet d’ouvrir une discussion fondamentale pour toutes les études sociologiques : l’impact de l’œil de l’enquêteur. En effet, ces résultats sont déclaratifs. Dans l’exemple ci- dessus, peut-on imaginer que les hommes plus âgés aient seulement appris à répondre « la bonne réponse » ?
Ainsi, sans avoir nullement changé d’avis ou de mentalité, tout en continuant à faire des blagues bien lourdes après un petit coup dans le pif ou à se sentir très forts et très virils en sentant vrombir leur gros moteur sous leurs fesses, les messieurs plus expérimentés auraient simplement conscience que ce ne sont plus des comportements majoritairement valorisés dans la société. Notons que s’ils ont honte d’être des bourrins, c’est déjà ça. Mais cela ne semble pas suffire à diminuer les comportements sexistes ni à limiter les risques de backlash. Seule la lutte permanente menée par des collectifs militants constamment vigilants immunise contre la régression sociale.
Le rapport contient autant de réponses qu’il ouvre des pistes pour approfondir notre compréhension
L’enquête est principalement déclarative. Ainsi, le sujet d’étude qui s’ouvre immédiatement après la lecture de ce rapport est le suivant : dans les domaines où apparait une hausse de la perception des inégalités, par exemple dans le monde professionnel, est-elle due à une hausse des inégalités ou bien une hausse de la prise de conscience. Dans quelle mesure sommes-nous en train d’ouvrir les yeux collectivement sur l’ampleur du gouffre d’inégalité qui sépare les femmes des hommes ou bien sommes-nous encore en train de le creuser ?
73% des Français font confiance aux associations pour prévenir et lutter contre le sexisme juste devant les soignants à 65%
D’où viendra le progrès ? D’après le rapport, ce sont les personnels soignants (65%) et les associations spécialisées (73%) auxquels les Français accordent leur confiance pour prévenir et lutter contre le sexisme. Loin, loin sont le gouvernement et les pouvoirs publics. Même l’école et l’enseignement supérieur ne sont totalement efficaces que pour 6% des gens.
Le Haut Conseil à l’Égalité propose « un plan d’urgence massif » et dix pistes d’amélioration pour lutter contre le sexisme.
- Augmenter les moyens financiers et humains de la justice, pour former en plus grand nombre les magistrats chargés de traiter les violences intra-familiales
- Instaurer une obligation de résultats pour l’application de la loi sur l’éducation à la sexualité à l’école
- Réguler les contenus numériques pour lutter contre les représentations dégradantes des femmes, en particulier les contenus pornographiques
- Rendre obligatoire les formations contre le sexisme par les employeurs
- Généraliser l’égaconditionnalité (conditionner des subventions à une contrepartie en terme d’égalité)
- Créer une Haute Autorité indépendante pour lutter contre les violences sexistes en politique
- Conditionner les aides publiques à la presse écrite à des engagements pour l’égalité
- Evaluer annuellement la représentation des femmes dans les manuels scolaires
- Interdire la publicité pour les jouets genrés (comme cela existe en Espagne)
- Institutionnaliser la journée nationale de lutte contre le sexisme le 25 janvier
Pour aller plus loin : https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_-_rapport_annuel_2023_etat_du_sexisme_en_france.pdf
Par Ulysse