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Retraites : grande marche à Paris le 21 janvier pour lancer la bataille

Retraites. C’est la grande bataille de la rentrée. Emmanuel Macron n’en finit plus de reculer par peur de la résistance populaire. Il faut dire qu’il s’était déjà cassé les dents à l’hiver 2019-2020. Ce devait être pour mi-octobre, puis mi-décembre, c’est maintenant le 10 janvier que la réforme doit être officiellement présentée. Les organisations de jeunesse ont publié un appel unitaire pour une grande marche pour sauver nos retraites le 21 janvier à Paris.

Le 10 décembre, la France insoumise a répondu à cet appel de la jeunesse par la voix d’Aurélie Trouvé, députée insoumise , ancienne porte-parole d’ATTAC et figure du dernier mouvement social des retraites, et d’Hadrien Clouet, député insoumis et sociologue du travail. Trois ans après la grande victoire populaire contre la précédente attaque d’Emmanuel Macron contre les retraites, quatre ans après le début du mouvement des Gilets Jaunes, focus sur le grand sujet de la rentrée 2023. Notre article.

Le système des retraites est « en danger » selon la minorité présidentielle ? Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) dit l’inverse

Pour la cinquième fois depuis 30 ans, un gouvernement veut réformer le système des retraites. Les discours se suivent et se ressemblent depuis des décennies : « notre système de retraite est en danger », « il faut le réformer pour le sauver, car il est gravement déficitaire ». En somme, « cela fait 30 ans qu’on nous vend des réformes des retraites, qui nous sont présentées comme le seul moyen de sauver le système, mais dont la principale caractéristique est qu’elles ne sauvent pas du tout le système, puisqu’il faut en refaire une tous les 6 ans en moyenne, pour le sauver de nouveau, alors qu’on avait promis six ans plus tôt qu’il serait sauvé », résume le journaliste Sébastien Fontenelle pour Blast.

Notre système de retraite serait en danger, selon la minorité présidentielle. Ce n’est pas l’avis du Conseil d’Orientation des Retraites (COR). Créé en 2000, le COR est une structure rattachée à Matignon, difficilement soupçonnable de positions gauchistes. Son rapport annuel est attentivement scruté par l’ensemble de la classe politique. Dans son dernier rapport, sorti en septembre, on peut y lire écrit noir sur blanc : « les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». Le gouvernement et les députés Renaissance (ex-LREM) l’ont-ils lu ? Vu leurs discours alarmistes sur notre système de retraite, on est en droit d’en douter.

Le faible déficit constaté par le COR est en partie fictif

Néanmoins, le déficit constaté dans le rapport est en partie fictif, comme l’explique l’économiste Éric Berr : « Ce déficit provient en partie d’une modification des hypothèses retenues en matière de chômage par le gouvernement dans le programme de stabilité qu’il remet tous les ans à la Commission européenne ». En 2021, le gouvernement prévoyait un taux de chômage de 8,4% en 2027. Cette année, il prévoit 5% de chômage pour 2027, c’est-à-dire le « plein-emploi » selon les libéraux.

Dans ces projections, le COR doit se baser sur les estimations gouvernementales jusqu’en 2027. Au-delà, il peut établir ses propres hypothèses. Puisque le COR prévoit, lui, 7% de chômage en 2032, il est obligé de simuler une récession entre 2027 et 2032 dans ses calculs. « C’est cette récession fictive qui explique en partie le déficit du régime des retraites constaté sur cette période et sur lequel le gouvernement s’appuie afin de justifier sa réforme », conclue Éric Berr. Pour justifier son coup d’État social en nous faisant travailler jusqu’à 65 ans, le gouvernement agite le chiffon rouge d’un déficit certes existant, mais faible, maitrisé, et en partie fictif.

Financement du système de retraite : un problème de recettes, et non un problème de dépenses

Une autre phrase dans le rapport du COR nous rassure sur la maitrise des dépenses de retraite : « À plus long terme, de 2032 jusqu’à 2070, malgré le vieillissement progressif de la population française la part des dépenses de retraite dans la richesse nationale serait stable ou en diminution ». Le faible déficit des retraites à venir n’est pas la conséquence d’une dynamique incontrôlée des dépenses mais d’un manque de ressources.

L’octroi de primes (non-soumises à cotisation), comme la « prime Macron » est monnaie courante dans le camp présidentiel depuis plusieurs années. De même pour les exonérations sur les bas salaires accordées aux entreprise. Préférer des primes et des exonérations à des hausses de salaires participent à une baisse des cotisations retraites. À cela s’ajoute les « mesures d’économie sur la masse salariale de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière », faisant mécaniquement baisser les cotisations, détaille Eric Berr.

À 62 ans, un quart des hommes les plus pauvres sont déjà morts

Ces chiffres ne sont pas dans le rapport du COR. Pourtant, ils existent. À 62 ans, 25% des 5% des hommes les plus pauvres sont déjà morts (Libération). Il faut attendre l’âge de 80 ans pour que cette proportion soit atteinte pour les 5% les plus riches. À l’âge de départ actuel, déjà, certains ne voient même pas le début du quart de leur retraite, brisés par des années de travail jusqu’à la mort. Quelle est cette vie que de devoir travailler toujours plus longtemps, jusqu’à en mourir, le corps brisé par des années de travail ?

Qu’en est-il pour ceux qui sont encore en vie ? Les travailleurs les plus modestes (les 40 % ayant les revenus les moins élevés de 48 à 55 ans) ont aujourd’hui 30 % de risques d’avoir une retraite de moins de 10 ans (toujours selon l’économiste Eric Berr). La réforme voulue par la minorité présidentielle diminuerait de près de deux ans en moyenne leur durée de retraite, déjà fracassée par la précarité.

En 2021, moins d’une personne sur deux était en emploi à 61 ans, un quart était en retraite anticipée et un quart « sans emploi ni retraite ». La réforme du gouvernement aura pour conséquence d’allonger la précarité que vivent déjà de nombreux seniors. Une réforme injuste et cruelle.

Pas besoin de travailler quelques années de plus même si nous vivons plus longtemps

Livré de manière brute, l’argument « il faut travailler davantage car on vit plus longtemps » semble tomber sous le sens. Mais il n’en est rien. Au-delà des progrès de la médecine, nous vivons plus longtemps parce que nous travaillons moins longtemps. Dès lors, cet argument ne tient pas debout : il ne tient pas compte du nombre de richesses produites par les travailleurs. À lui seul, un travailleur français produit trois plus de richesses en 2022 qu’il y a 50 ans. La question du financement des retraites pose avant tout l’enjeu de la juste répartition des richesses. On pourrait ainsi financer davantage notre système de retraite avec autant de travail.

900 millions d’euros d’excédent ont été dégagés en 2021, malgré la crise sanitaire. Celui-ci est de 3,2 milliards d’euros pour cette année. « La situation financière du système de retraite se détériorerait avec un déficit allant de -0,5 point de PIB à -0,8 point de PIB » dans les 10 prochaines années, peut-on lire dans le rapport du COR. Cela représente environ 10 milliards d’euros par an, soit moins de 3% du budget des retraites qui est de 340 milliards d’euros. Un déficit faible et contrôlé, « qui serait moindre à l’horizon 2032 » (rapport du COR).

La mobilisation contre la réforme des retraites de la minorité présidentielle se prépare. Le 1er décembre 2022, de nombreuses organisations de jeunesse comme L’Alternative, La Jeune Garde, Les Jeunes Insoumis.es ou La Voix Lycéenne ont appelé à une mobilisation unitaire le 21 janvier 2023 à Paris. « Dès demain, nous devons organiser la riposte […] pour mettre un coup d’arrêt à ce gouvernement avec toutes les forces qui souhaiteraient nous rejoindre dans la bataille », ont elles écrit.

Le 5 décembre, de nombreuses organisations dont la CGT, la CFDT, FO ou l’UNSA se sont dites « prêtes à la mobilisation » dans un communiqué commun. « Le gouvernement, en s’entêtant, porterait l’entière responsabilité d’un conflit social majeur », ont elles dénoncé. Et les fausses consultations d’Elisabeth Borne ne sont pas de nature à diminuer la volonté de lutte des syndicats.

Comme un cheval devant un obstacle trop haut pour lui, Emmanuel Macron renâcle. Depuis septembre, le président minoritaire ne cesse de repousser cette réforme à laquelle 77% des Français sont opposés. Ce devait fin septembre, puis mi-octobre, puis mi-décembre. Ce serait maintenant pour le 10 janvier. A moins que la main de plus en plus fébrile du monarque républicain ne rature une nouvelle fois sa propre décision et décide de repousser encore un peu plus cette réforme injuste et inutile.

Dans ses vœux, Emmanuel Macron a assuré que la réforme des retraites s’appliquerait à partir de la fin de l’été 2023. C’est ce qu’on verra. A l’hiver 2019-2020, la résistance populaire l’a déjà empêché une première fois de saccager le système de retraites de répartition. Vus la colère sociale et le front politique et syndical uni qui se constitue notamment grâce à l’appel de la jeunesse à une grande marche le 21 janvier à Paris, le rapport de force penche de moins en moins en faveur du Président et de sa clique de libéraux acharnés.

Affaire à suivre, aussi bien à l’Assemblée nationale que dans la rue.