L’extrême droite renoue avec les pires heures de son histoire. À Valenciennes, une enseignante voulait faire visiter à sa classe un camp d’exilés à Calais. Son nom a été révélé par des soutiens d’Éric Zemmour. De ce fait, elle a été victime d’une campagne de menaces et d’insultes sur les réseaux sociaux, venue de l’extrême droite. À tel point qu’elle a demandé à l’Éducation nationale la protection fonctionnelle. Un scandale. Le rectorat de l’Académie a préféré annuler la sortie scolaire. Le 30 novembre, il a annoncé porter plainte.
Éric Zemmour et Reconquête ont lancent une offensive au sein de l’Éducation nationale. Un réseau de « Parents vigilants » a été créé pour surveiller les soi-disant dérives qui auraient lieu au sein de nos écoles. Des sortes de milices parentales. Par ces méthodes, l’extrême droite crée un climat d’insécurité et de menaces pour nos enseignants. Cette situation est très grave. Battu à plate couture aux élections présidentielle et législatives, le parti d’Éric Zemmour ne doit pas être enterré pour autant : il continue de sévir. Derrière lui, le pire de l’extrême droite. Comme le Rassemblement National (RN), il doit être combattu sans relâche. Notre article.
Une enseignante a voulu faire visiter un camp d’exilés à sa classe, l’extrême droite l’a harcelée et menacée
S.D. est philosophe et chercheuse, enseignante en classes préparatoires à Valenciennes. Elle est « autrice de plusieurs ouvrages de référence sur la question des migrations et fondatrice de l’association Migraction59 pleinement engagée dans le soutien aux migrants à Calais » (Le Monde). Dans le cadre d’un projet pédagogique baptisé « exil et frontières », elle avait organisé une visite d’un camp d’exilés à Calais, prévue le 2 décembre 2022.
Le réseau « Parents vigilants », lancé par le parti d’Éric Zemmour, a immédiatement embrayé lorsqu’il en a eu connaissance (voir ci-après). L’information a mis en ébullition la fachosphère. Reconquête a mis les pieds dans le plat. Le délégué départemental Reconquête ! du Nord, Simon Flahaut, a publié sur les réseaux sociaux un courrier écrit de sa main adressé au rectorat de l’Académie de Lille. Éric Zemmour s’est aussi joint au lynchage numérique : « Le grand endoctrinement au service du grand remplacement. Est-ce l’école que nous voulons ? », a-t-il tweeté.
Les médias conservateurs, comme CNEWS et Valeurs Actuelles s’en sont donnés à coeur joie : ils ont pu à la fois vilipender l’Éducation nationale et l’immigration. Le RN s’est joint à la polémique : le député d’extrême droite Sébastien Chenu a dénoncé une enseignante qui aurait soi-disant agi « en militante et pas en éducatrice ».
Les partisans d’Éric Zemmour ont vomi leur haine sur les réseaux sociaux. « Un hashtag #sophiedjigo est lancé, des photos d’elle et de ses actions circulent. Injures et menaces fusent par centaines », rapporte Le Monde. Le rectorat de l’Académie de Lille a préféré annulé la sortie scolaire. Le 30 novembre, il a annoncé porter plainte pour diffamation. L’enseignante a annoncé également porter plainte pour « cyberharcèlement et menaces de mort ». Tout cela s’inscrit dans une offensive plus large lancée par le parti d’Éric Zemmour au sein de l’Éducation nationale.
L’offensive du parti de Zemmour au sein de l’Éducation nationale
Revenons quelques mois en arrière. Depuis septembre, le parti d’Éric Zemmour, Reconquête !, finance et anime une campagne intitulée « Protégeons nos enfants » (Le Journal Du Dimanche). Son but ? La création d’un réseau de « Parents vigilants », veillant et transmettant au parti toutes les soi-disant dérives de l’Éducation nationale (selon leurs standards). Reconquête revendiquait 25 000 « Parents vigilants » fin septembre. Des sortes de milices parentales.
De doux noms en apparence, n’est-ce pas ? Quel parent ne se doit pas être d’être vigilant envers ses enfants ? Qui ne voudrait pas protéger des enfants ? Mais les mots de Reconquête ! sont fourbes. Là encore, l’extrême droite prétend vouloir protéger les enfants contre… ses propres fantasmes. « Manuels scolaires inspirés par l’extrême gauche, enseignement de la « théorie du genre », interventions d’associations pro-immigration et LGBT, wokisme, repentance historique et détestation de la France… » : un bingo de l’extrême droite.
Comme avec S.D., les mêmes méthodes pourraient se répéter à nouveau. Délation, harcèlement et menaces de morts… parce qu’un professeur, selon un soi-disant « parent vigilant » ou un délégué départemental de Reconquête !, ne serait pas dans leurs clous. L’extrême droite crée un climat d’insécurité et de menaces pour les enseignants. Cette situation est très grave. Elle nous ramène aux heures les plus sombres de notre Histoire et devrait tous nous alerter. À nous d’être « vigilants ».
Reconquête, un parti à ne pas enterrer trop vite
« J’ai parlé beaucoup du débat des idées (…) mais il y a un autre registre qui ne m’est pas habituel, c’est le registre de Reconquête, qui est celui de l’action », expliquait Éric Zemmour lors du Grand Rendez-vous (Europe 1 / CNEWS) du 9 octobre 2022. Reconquête est déjà passé à l’action. Ce ne sera sûrement pas la dernière fois. Battu à plate couture lors de l’élection présidentielle, sans députés suite aux élections législatives, le parti de Zemmour n’en est pas faible pour autant.
Pour aller plus loin : Extrême-droite : qui se cache derrière Marine Le Pen et Éric Zemmour ?
Samedi dernier, Reconquête ! réunissait 4 000 personnes en meeting. Bien loin des 13 000 personnes réunies à Villepinte le 5 décembre 2021. Ce chiffre n’est pas négligeable pour autant. Le parti revendique 130 000 militants et 500 élus (Sud-Ouest) et est financé. Le parti de Zemmour ne doit pas être enterré trop vite. Derrière lui, il y a le pire de l’extrême droite : monarchistes de l’Action française, des anciens de Génération Identitaire et de la Ligue du Midi. Comme le RN, il doit être combattu sans relâche. Comme le RN, ils ne passeront jamais.
Par Nadim Février