Aurélie Trouvé

Agriculture : la députée LFI Aurélie Trouvé démolit l’axe Macron & Bruxelles

Aurélie Trouvé est montée à la tribune de l’Assemblée nationale ce vendredi 4 novembre 2022. Elle a démoli l’agriculture productiviste promue par l’axe Macron & Bruxelles, dont l’unique objectif est de produire n’importe quoi, n’importe comment et n’importe où, tant que cela se vend sur les marchés internationaux.

Contre ce modèle réactionnaire, la députée insoumise, ancienne co-présidente et porte-parole d’ATTAC défend un autre modèle d’agriculture. Des prix régulés, plus rémunérateurs pour les producteurs, un développement massif et soutenu de la demande en produits locaux, une bifurcation agroécologique. Le gouvernement a utilisé le 49.3 pour refuser le débat et balayer ces propositions pourtant cruciales pour notre avenir.

Discours d’Aurélie Trouvé à l’Assemblée nationale du mercredi 2 novembre 2022

Madame la Présidente.

Chers collègues,

Je vais vous parler d’Edgar Pisani qui était ministre de l’Agriculture, comme vous le savez, de 61 à 66, qui fut un des artisans du modèle agricole promu après la Seconde Guerre mondiale. Un modèle productiviste, comme il le dit lui-même, qui visait l’augmentation de la production par travailleur, par hectare et par bête. Un modèle qui atteignit ses objectifs ! La production augmenta fortement, la France et l’Europe devinrent exportateurs nets.

Mais 40 ans plus tard, Pisani lui-même l’affirme, ce modèle productiviste doit cesser : il est tout sauf moderne. 

Il ne répond plus aux grands enjeux, aux nouveaux enjeux de ce XXIᵉ siècle. Un tiers des eaux de surface et souterraines sont affectées par des pollutions diffuses d’origine agricole. La biodiversité dans les champs s’effondre, en lien avec la diminution des haies prairies, avec une utilisation toujours plus grande des produits phytos et tant d’autres pratiques de ce modèle productiviste qui s’emballe.

40 ans plus tard, Pisani l’affirme aussi : soumettre l’agriculture à la libéralisation des marchés est une catastrophe.

En 20 ans, on a vu disparaître la moitié de nos exploitations, et ça continue. Celle qui reste ne cesse de s’agrandir et de s’endetter. En 20 ans, on a perdu 300 000 équivalents temps plein dans l’agriculture, et ça continue. Les agriculteurs subissent des prix de plus en plus volatils, soumis à des marchés chaotiques. 

La France a accepté que la PAC, la politique agricole commune, soit dépecée, que soient dérégulés les secteurs des céréales, du sucre, du lait et bien d’autres. La France et votre gouvernement, et celui d’avant ont accepté ou signé bien trop d’accords de libre échange. Il est temps de tourner la page du productivisme et du néolibéralisme si nous voulons sauver notre agriculture. Qu’elle soit à nouveau créatrice d’emplois dignes et qu’elle puisse en même temps préserver notre environnement, la planète et notre santé. Et c’est de la responsabilité de l’État d’en donner les moyens aux agriculteurs. 

Car Pisani le disait : nous devons enclencher une vaste bifurcation agroécologique et mettre, au service de cela, les moyens de l’État, ceux de ses services déconcentrés, ceux des organisations professionnelles comme la France avait su le faire après la Seconde Guerre mondiale. 

Ce gouvernement, comme le précédent, se complaît dans le XXᵉ siècle, incapable de sortir et du modèle productiviste, et du carcan néolibéral. La preuve en est de l’application française de la PAC : 9 milliards d’euros d’aides non liées aux prix, non liées aux revenus et qui ne règlent en rien leur volatilité. Des milliards d’euros versés selon la surface et qui favorisent donc le capital foncier plutôt que le travail. Des milliards bien trop peu conditionnés sur le plan environnemental et social. À tel point d’ailleurs que la Commission européenne a demandé à la France de revoir sa copie pour répondre davantage aux objectifs du Green New Deal. 

Nous aurions apprécié d’en débattre dans l’hémicycle, mais tout a été décidé par le gouvernement avec Bruxelles. 

Alors concentrons-nous sur le budget qui nous est proposé. Ce budget, bien entendu, n’est pas en mesure manifestement de soutenir la bifurcation agroécologique dont nous avons besoin. Il en est même très loin. 

Des moyens bien trop dérisoires pour soutenir une agriculture plus autonome, plus économe, qui consomme moins de machines, moins d’engrais, moins de pesticides et de concentrés alimentaires. Des moyens bien trop dérisoires pour relocaliser notre alimentation, pour les circuits courts, les marchés de producteurs ou encore les cantines bio et locales. Ceci alors même que ce gouvernement, votre gouvernement, est dans l’échec et ne remplit pas ses objectifs, par exemple de développement du bio. Quant aux moyens des opérateurs de l’État, essentiels pour soutenir toute bifurcation, ils diminuent encore 12 % et c’est encore moins de techniciens et moins d’ingénieurs de l’État qui sont pourtant indispensables à la conduite d’une politique sérieuse. 

Quant aux rares augmentations de budget, elles confirment là encore l’orientation de ce gouvernement productiviste et néolibéral.

Ainsi, ce gouvernement prolonge d’une année supplémentaire un dispositif qui aurait déjà dû disparaître les exonérations de cotisations sociales pour les employeurs agricoles pour des salaires inférieurs à 1,2 Smic. Toutes les études sérieuses indépendantes le démontrent. C’est une gigantesque trappe à pauvreté pour les saisonniers qui voient leur salaire plafonnés même quand ils sont qualifiés et en responsabilité. Et ça plombe le budget de 427 millions d’euros. 

Cela dit beaucoup du projet de ce gouvernement : laisser faire la concurrence internationale, s’y adapter toujours plus par la baisse des salaires. Cette même baisse des salaires qui empêchera les salariés d’acheter des produits locaux et de qualité.

Nous, nous voulons un autre avenir pour notre agriculture. C’est une question de volonté politique. Des prix régulés, rémunérateurs pour les producteurs, un développement massif et soutenu de la demande en produits locaux, une bifurcation agroécologique. Ce que vous ne faites pas à travers ce budget, mais ce que nous ferons quand nous gouvernerons.