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La loi séparatisme est utilisée pour… bâillonner les militants pour le climat

Jean-Marie Girier, préfet de la Vienne, est le premier à utiliser la loi séparatisme pour bâillonner une association de lutte pour l’environnement. Cette dérive possible et même probable de cette loi avait été pointée du doigt par les insoumis dès l’examen du projet de loi. Le gouvernement n’en n’avait tenu aucun compte. Est-ce vraiment surprenant ? Lorsqu’on veut imposer des réformes injustes dont le peuple ne veut pas, c’est quand même bien pratique une loi qui permet de s’attaquer à toutes les organisations qui protestent, quand bien même elles s’appuieraient sur des droits garantis par la Constitution ou la Cour européenne des droits de l’Homme. La macronie a décidemment bien du mal avec l’opposition. La dérive autoritaire en marche. Notre article.

Ce qui devait arriver arriva. On a beau le savoir depuis le début de l’examen du projet de loi, grâce aux multiples alertes données par des journalistes, des associations de défense des droits de l’homme, et des collectifs de lutte environnementale qui dénonçaient une « loi baillon » et par les députés insoumis à l’Assemblée, ça fout quand même un coup quand ça arrive : moins d’un an après sa promulgation, la loi séparatisme permet à Jean-Marie Girier, Préfet de la Vienne de faire retirer des subventions pourtant déjà accordées par la ville et la métropole de Poitiers à Alternatiba.

L’association de défense de l’environnement organisait un Village des alternatives pour faire connaitre et diffuser des belles idées, des innovations ou des redécouvertes d’anciennes pratiques. Cette initiative s’inscrit dans ce mouvement climat qui cherche à avancer vers un modèle de société plus respectueux de notre planète afin d’augmenter un tout petit peu les chances de survie de la nouvelle génération d’être humains. A priori, rien de très condamnable, plutôt un sujet consensuel.

Qu’est ce qui permet au Préfet d’exiger le retrait a posteriori de 15 000 euros de subventions (3/4 du budget total) à ce Village des alternatives ? La réponse tient en trois mots : la loi séparatisme.

En plus d’alimenter la haine envers les personnes de confession musulmane en entretenant l’illusion d’un lien entre la religion qu’ils pratiquent et le terrorisme, cette loi séparatisme a été dénoncée dès le départ comme mal conçue, mal délimitée, (si ce n’est délibérément flou pour permettre aux autorités administrative de l’utiliser contre les collectifs de lutte sociale et environnementale). En effet, elle oblige toutes les associations à respecter « le contrat d’engagement républicain ».

Ce « contrat » contient une clause, particulièrement problématique pour les syndicats, le mouvement climat, tous les collectifs de lutte en général. « Entreprendre ni inciter aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public » est désormais un motif de rupture du contrat d’engagement républicain et donc une raison pour couper une subvention, voir d’interdire une association. Si l’intention pourrait sembler louable, le flou sur le cadre permet finalement d’empêcher toute contestation du système, quand bien même celui-ci serait contraire aux valeurs de la République : Liberté, égalité, fraternité.

Car c’est bien de cela dont il s’agit là. La loi n’est pas toujours conforme aux principes énoncés dans la Constitution. C’est pour le respect de ces principes fondamentaux que se construisent l’essentiel des luttes. Des luttes qui sont donc parfois susceptibles de déroger à une loi si celle-ci est contraire à la norme républicaine suprême. Pensons à Rosa Parks qui refusa la ségrégation imposée par la loi de son État malgré une charte des droits fondamentaux (Bill of rights) supposée supérieure et dont le 14ème amendement interdit clairement toute différence de traitement entre les citoyens américains.

Le comportement de Rosa Parks était-il condamnable ? C’est ce qu’affirme la loi séparatisme.

Retour à notre affaire : Pour quelle raison le Préfet a-t-il pu utiliser la loi séparatisme et son contrat d’engagement républicain pour s’attaquer à un Village des alternatives ? On voit mal les troubles graves à l’ordre public d’un atelier de construction en bois-terre-paille ou d’une session d’analyse du dernier rapport du GIEC.

Dans le viseur, des formations à la désobéissance civile. La justification de Jean-Marie Girier : « l’objet de ma saisine était qu’il n’est pas logique que deux collectivités financent un événement incitant à commettre des infractions. » Quand on regarde le contenu des formations, la première partie de cette formation revenait sur l’histoire de la désobéissance civile, retraçant le parcours et les actions de personnalité ultra-controversée (presque mis au ban de l’Histoire pour leurs incitations à enfreindre la loi) comme Gandhi ou Martin Luther King.

La deuxième partie consistait en une « simulation » d’une action pacifique : « L’accrochage d’une banderole sur les locaux d’une entreprise qui pratiquerait de manière évidente du greenwashing ». Car oui, la désobéissance civile est bien une action pacifiste, une manière de lutte sans utiliser la violence physique et c’est pourtant déjà trop en France en 2022. Combien de droits sociaux et environnementaux n’ont vu le jour que grâce à des actions autrement plus violentes et contraire à la loi de l’époque. Aurions-nous obtenus la liberté d’association, les congés payés ou l’interdiction des OGMs si la loi séparatisme avait existé alors ?

La loi séparatisme avait été rebaptisé pour un nom plus positif selon le gouvernement : «  confortant les principes de la République ». Pourtant, le 4 février 2021, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) répondait que cette mesure risquait « de fragiliser les principes républicains au lieu de les conforter ». Le Préfet de la Vienne vient de confirmer cette prévision. Il est grand temps d’abolir cette loi abjecte avant que d’autres collectifs de lutte pour l’intérêt général humain ne tombent sous le couperet de ses dispositions infâmes.