Pétain « grand soldat », « pays réel », « nation organique » : Macron, le nauséabond glissement vers la rhétorique d’extrême-droite

Stratégie électorale dangereuse ou conviction nauséabonde profonde ? Emmanuel Macron adopte la rhétorique d’extrême-droite. La polémique « Pétain » de ce weekend suite au tweet de Mathilde Panot, est l’occasion d’effectuer une série de rappels factuels. Une série de déclarations d’Emmanuel Macron avec lesquels la macronie est visiblement mal à l’aise. 7 années d’appels du pied, de sourires complices et de clins d’œil appuyés : La République “construite sur un malentendu” ; « le grand absent de la politique est la figure du roi » ; « Pétain “grand soldat” ; rhétorique maurrassienne “pays réel” contre “pays légal” ; Napoléon “le premier des romantiques”, “infiniment libre” ; reprise du concept fasciste de « nation organique » le jour de l’anniversaire de la prise de la Bastille.

Alors, stratégie électorale dangereuse ou conviction nauséabonde profonde d’Emmanuel Macron ? La question reste ouverte. Le résultat est certain : celui qui promettait bruyamment qu’il n’y aurait “plus de raison de voter pour le Front national” est devenu son meilleur marche-pied. L’insoumission retrace pour vous 7 ans d’appels du pieds d’Emmanuel Macron à l’extrême-droite. Notre article.

Juillet 2015 : le « grand absent de la politique » est « la figure du roi »

Juillet 2015, les tendances anti-républicaines de celui qui allait s’autoproclamer Jupiter (le Roi des dieux romains), qui allait plus tard rendre hommage à Napoléon et participer à la réhabilitation de Charles Maurras et Philippe Pétain, éclatent pour la première fois au grand jour.

Dans une interview donnée au journal Le 1, le ministre de l’Économie de François Hollande fait tomber pour la première fois le masque : “Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort.” Cette première sortie lui vaut les hommages du très monarchique Lys Ardent. Badaboum, le voilà catapulté “jeune prodige” et “sémillant ministre” dans cette feuille de chou numérique dont la devise est quand même : “Il faut décorer le Lys Ardent pour rendre à la France sa couleur d’antan”. Plus réac, tu meurs. 

2017, lancement de campagne pour le fils parricide du traître à la gauche François Hollande

Après la reprise des mots des courants les plus réactionnaires de l’histoire de France, vient le moment de l’appropriation des symboles réactionnaires dès sa prise de pouvoir. Macron revient aux traditions les plus crassement monarchique  : les chasses “présidentielles”. Qui ne sont en fait que la poursuite des chasses royales. « Il ne faut pas être honteux, il faut les reconnaître comme un élément d’attractivité. C’est quelque chose qui fascine partout, ça représente la culture française, c’est un point d’ancrage« . Fascinant pour qui ? La question est vite répondue.

Anecdotique ? “Juste” un symbole ? Que nenni. La politique se nourrit des symboles et les symboles bornent le dicible et le faisable du politique. Reprendre les symboles de la monarchie, c’est ouvrir la voie à des législations du bon vieux temps de l’Ancien Régime.

Du symbole à la législation, Macron ne se fait pas attendre. Dès septembre 2017, il lance ses troupes de députés au “garde-à-vous” dans le terrible projet de loi “asile-immigration”. L’objectif : empêcher les personnes qui fuient la mort de trouver asile dans la patrie des Droits de l’Homme. Le Monde étrille un texte “tout répressif”. Le Président ni droite ni gauche (une rhétorique abondamment utilisée par l’extrême droite fasciste depuis son origine) chasse bel et bien sur les terres les plus conservatrices de France. 

Qui sera le plus dur avec les plus démunis de notre pays ? Le bal est lancé. Il aboutira quatre ans plus tard à un débat télévisé où le ministre de l’Intérieur du parti se réclamant « progressiste » accusera la cheffe du principal parti d’extrême droite, fondée par des Waffen SS, d’être « trop molle ».

A partir de 2018, les gestes en direction des nostalgiques du régime de Vichy se multiplient depuis l’Elysée.

Bicentenaire de l’armistice de la guerre de 14-18. Le président se laisse aller à son admiration pour le maréchal Pétain. Polémique, outrage des défenseurs de la République et des associations antiracistes et de luttes contre l’antisémitisme. France info décrypte cette opération de séduction des réactionnaires et amoureux du chef de Vichy.

Tout commence avec une note sur l’agenda du ministère de l’Éducation Nationale : 

Dimanche 11 novembre, Hôtel national des Invalides

Cérémonie organisée par l’état-major des armées et le gouverneur militaire de Paris, en présence du président de la République. Il s’agira de rendre hommage aux huit maréchaux qui ont dirigé les combats pendant la Première Guerre mondiale.

Problème, pour arriver à 8, il faut aller bien au-delà des cinq maréchaux honorés au Panthéon. France info nous donne la liste : “Joffre, Foch, Fayolle, Franchet d’Espèrey, Gallieni, Lyautey, Maunoury… et Pétain.”

Un hommage justifié par le Président lui-même qui assume haut et fort de rappeler aux Français que le Maréchal qui serrera la main d’Hitler était “un bon soldat” 

Qui retrouve-t-on en défense de son cher Président ? Elisabeth Borne, alors ministre des transports, sur le plateau de France 2 : « Écoutez, c’est une polémique incroyable. Il n’a jamais été question de rendre hommage au maréchal Pétain. Il y a un hommage à six maréchaux de la Grande Guerre. Mais jamais au maréchal Pétain. Donc, il n’y a pas de rétropédalage. » Euh… Comment dire sans vous traiter de menteuse Madame la future Première ministre ? Si. C’est même très exactement le terme dans ce cas là : rétropédalage. 

La note d’agenda sera supprimée face au tollé médiatique. Le bon mot du Président envers le traître à la patrie Pétain, lui, reste comme une tâche indélébile faîte à l’honneur de la République Française. Une tâche bien loin de déplaire aux réactionnaires monarchistes, napoléoniens ou vichystes qui n’en n’ont jamais voulu de cette République. 

Après cette tentative pour réhabiliter un militaire antisémite et antidreyfusard bien avant la Première Guerre, dont le statut de “bon soldat” a aussi été vivement critiqué puisque le “vainqueur de Verdun” s’est surtout illustré dans sa capacité à envoyer des milliers d’hommes à la boucherie sans jamais approcher un champ de bataille, toutes les digues ont sauté. Emmanuel Macron se lance à corps perdu dans la drague lourdingue des franges les plus réactionnaires de l’électorat.

2019, Macron susurre des confidences dans la poubelle à ordures d’extrême droite, le journal Valeurs Actuelles. Impossible d’accéder au contenu sans donner de l’argent à cette clique raciste. Les Inrocks nous livrent des extraits de cette conversation puante.  A propos d’une manifestation contre l’islamophobie à Paris le 19 octobre, Emmanuel Macron déclare ainsi : “La manifestation du samedi 19 octobre pour le voile, place de la République à Paris : c’était du tiers-mondisme non-aligné aux relents marxistes.”

Nouvelle levée de bouclier des défenseurs de l’égalité républicaine. Mais qui écoute encore dans une France de plus en plus zemmouro-bollorisée ?

Islamogauchisme, séparatisme, Maurras, Pétain, Vichy. Le débat politique penche de plus en plus à droite sous la double poussée de CNews et de Radio-télé Macron. 

Après la révolte des Gilets Jaunes qui impose au Président de souder les puissances autoritaires autour de lui pour garder le pouvoir, Jupiter est en roue libre. La liste des nostalgiques de Vichy s’allongent au Panthéon macroniste.

Selfie avec Elie Hatem, admirateur de Charles Maurras lors d’une remise de Légion d’Honneur. 

elie hatem lepen

Légion d’honneur toujours, cette fois-ci directement décernée à un partisan du renversement de la République. Sous Emmanuel Macron, M. Joseph ESTOUP retrouve les ors de la République, 60 ans après en avoir été banni suite au putsch manqué contre le Général de Gaulle le 21 avril 1961

Autre symbole de la nostalgie monarchique d’Emmanuel Macron : le rejet de la laïcité 

La rupture avec la laïcité républicaine est un des marqueurs des nostalgiques de la monarchie. Le président Macron est catholique. Et il aime le faire savoir. C’est pourtant formellement interdit par la constitution de la République Française. Mais qui croit encore, arrivé ici de la lecture, qu’Emmanuel Macron y accorde une quelconque importance ?

Aux premières loges à l’église de la Madeleine pour Johnny Hallyday puis en visite à Lourdes, le chef d’un État laïque s’essuie tranquillement les pieds sur la séparation de l’Église et de l’État. Après avoir injurié et stigmatisé les musulmans, Macron continue les appels du pied. Nouvelle polémique, encore une fois sur sur les terres de l’extrême-droite : le 9 avril 2018, Emmanuel Macron affirme vouloir « réparer » le lien entre l’Église et l’Etat qui « s’est abîmé ». La laïcité et le progrès de l’Égalité en droit de tous les citoyennes et citoyens attendront.

« Nation organique », « pays réel » : quand Emmanuel Macron réhabilité Charles Maurras, le fondateur de l’Action Française

C’est d’abord la distinction “pays réel” et “pays légal” que le Président emprunte à Charles Maurras, penseur antisémite inspirateur de Pétain. Cette doctrine radicalement antiparlementaire nourrit toutes les ligues d’extrême droite qui tentent d’abattre la République en février 1934. Tout récemment, lors de son discours du 14 juillet 2022, Emmanuel Macron réhabilite le terme de “nation organique”, rhétorique fondatrice des États fascistes en Italie et en Allemagne. Une idée reprise ensuite fidèlement dans la doctrine de Vichy “Travail, Famille, Patrie” et la Révolution Nationale du maréchal fossoyeur de la République Française entre 1940 et 1945. 

Emmanuel Macron, la glissante pente autoritaire

Des Gilets Jaunes à la crise sanitaire, le chantre du modèle libéral a montré qu’il pouvait facilement se complaire dans une pente autoritaire.

Et « en même temps », le Président s’est toujours prétendu être le rempart à l’extrême droite. Fidèle à son slogan, Emmanuel Macron a toujours souhaité s’afficher comme celui qui apporte de la nuance. De la nuance dans la mémoire des traitres à la patrie, des écrivains antirépublicain et antisémite, tout un programme. Il serait erroné de dire que Emmanuel Macron leur rend fermement hommage. Non, il garde une posture critique mais il nous explique que c’est plus compliqué que cela, qu’ils ont fait des choses terribles mais qu’il faut regarder le tableau d’ensemble, bref, il se pose en adversaire « respectueux » des idées et de l’histoire des collabos.

Résultat : Macron installe le débat sur les thèmes chers à ceux qui regrettent Pétain et Vichy

On voit bien que le projet d’extrême-droite ne fait pas fondamentalement peur à Emmanuel Macron. Sinon, il n’aurait pas fait du gringue à tout ce que la France compte de réactionnaire et de nostalgique de Vichy. Non. Si Macron se montre en pourfendeur de l’extrême droite, c’est parce qu’il pense que c’est un adversaire moins redoutable que la gauche. 

Pourquoi Macron craint-il plus la gauche que l’extrême droite ? 

Parce que la gauche est porteuse d’un véritable contre-projet politique. Un projet émancipateur des individus. Un projet de mise en commun des biens nécessaires à l’intérêt général humain contre l’accaparement des richesses par une caste parasite. Ce projet est capable de fédérer le peuple, quand l’extrême droite n’est bonne qu’à le diviser en fonction de la couleur de peau ou de la religion.

L’extrême droite ne sait que mythifier le passé, elle n’invente rien, elle ne promet que le retour au “c’était mieux avant”. Sauf que c’était pas mieux avant. Peut-être tout juste un peu moins pire dans certains cas. L’espérance de gauche est donc dangereuse pour tous les partisans de l’ordre établi si indécemment favorable aux ultra-riches. L’espoir d’un monde radicalement plus juste, plus fidèle à la devise de la Révolution « Liberté, Egalité, Fraternité » peut permettre au peuple de surmonter sa peur de la répression, sa peur du changement pour renverser les puissants.

C’est pourquoi Emmanuel Macron a toujours favorisé un débat avec l’extrême droite. Et pour cela, il faut parler avec ses mots, concentrer le débat sur la sécurité et l’immigration. Tout sauf parler de la question sociale, du partage des richesses, de conquête de nouvelles libertés individuelles et collectives. Débattre de Pétain et de Maurras plutôt de Marx et Bourdieu. Garder une certaine distance avec Napoléon mais créer la polémique autour de sa mémoire pour que jamais, non jamais, le nom de Robespierre ne revienne dans le débat public (c’est raté, grâce à Antoine Léaument).

Dans tous les cas, c’est certain, ça ne fait pas peur à Emmanuel Macron de participer à la montée de l’extrême droite, voir à son arrivée au pouvoir. Il s’en fiche, lui. Ses proches, ses amitiés avec le grand capital, seront tout autant choyés si les enfants de Pétain prennent le contrôle de l’État. Comme la grande bourgeoise libérale de l’entre-deux guerres, Emmanuel Macron préférera toujours Hitler au Front Populaire.