Madame la Présidente.
Madame la Première Ministre,
Collègues,
Le Président a été élu sans mandat, et voici venue sa Première Ministre sans confiance.
Ce mercredi 6 juillet est une date à marquer d’une pierre noire pour la démocratie.
Madame Élisabeth Borne vous devenez officiellement la Première Ministre d’un gouvernement minoritaire. Vous êtes, bel et bien, chargée de conduire la politique de la Nation par le seul fait du prince. Vous ne devez votre place qu’à un Président de la République lui-même élu par défaut.
Il faut le dire, l’exercice auquel nous nous prêtons ici est une mascarade. Nous parlerons chacun une dizaine de minutes, avant que vous ne rentriez tranquillement à Matignon. Ainsi, vous avez fait l’aveu de votre faiblesse : vous ne vous soumettrez pas au vote de confiance, de peur de ne pas l’obtenir. Jamais, depuis 30 ans, une Première ministre ne s’était défilée ainsi.
Vous avez été battue aux élections législatives, vous avez perdu 100 sièges, vous êtes classée dernière d’Europe en représentativité populaire : seuls 26% des votants et 12% des inscrits se réclament de votre parti aux dernières élections. Mais vous faites comme si de rien n’était.
Dans ces circonstances, un vote de confiance s’imposait. Mais vous avez choisi la fuite.
Le mercredi 6 juillet restera comme ce jour où vous avez, de nouveau, piétiné le vote des français.
Vous stratégie désormais c’est « sauve qui peut ». Et vous êtes prêts à tout. Jamais de compromis mais toutes les compromissions.
Nous avons vu la semaine dernière l’étendue de votre forfait moral et politique. « Tout sauf la NUPES » était votre crédo. Vous vous êtes livrés à toutes sortes de combines et de renvois d’ascenseurs. Le RN s’est retiré de la course à la présidence à l’Assemblée, permettant à Mme Braun-Pivet d’accéder à son trône. Le lendemain, des députés de vos rangs ont élu 2 membres d’un parti fondé par des SS comme vice-présidents de l’Assemblée. Vous ne vous en êtes pas cachés : plutôt la peste brune que le contrôle fiscal. Quoi de plus normal quand vous partagez un programme libéral au service de l’oligarchie ?
Alors, oui, nous déposerons une motion de défiance. C’est ce qui se produit lorsque l’exécutif n’écoute que lui-même. Il est temps de vous apprendre le sens du mot démocratie que vous détestez quand elle ne vous ai pas favorable. En 1966, votre prédécesseur Georges Pompidou, qui s’était soustrait, comme vous, au vote de confiance, s’exprimait ainsi :
« La lettre et l’esprit de la Constitution de 1958 veulent en effet que le gouvernement soit entièrement libre de demander ou non un vote de confiance et qu’il appartienne de préférence à l’Assemblée de mettre en jeu la responsabilité ministérielle par la procédure la plus normale et la mieux adaptée, je veux dire la motion de censure. »
Alors, votre porte-parole nous conseille de vous écouter avant de préjuger de quoi que ce soit. Nous vous avons écoutée . Mais surtout nous vous avons déjà vue à l’œuvre. Vous n’en êtes pas à votre premier méfait. Vous avez été l’artisan zélé de la casse du service public ferroviaire et de la casse de l’assurance chômage, qui a permis de réaliser 2 milliards d’euros d’économies sur le dos des plus pauvres.
Vous n’avez jamais dévié : vous souhaitez, toujours, gouverner contre le peuple. Sauf que voter pouvoir est en voie de décomposition.
Depuis le 19 juin 2022, vous avez tout fait pour dissimuler votre pouvoir en effraction.
Vous avez d’abord lancé une opération de sauvetage. Le Président de la République a proposé des alliances « texte par texte », ou un gouvernement d’Union nationale. Mais il ne s’agit surtout pas pour lui d’infléchir son programme de maltraitance sociale et d’irresponsabilité écologique. Non, puisqu’il a reçu, dit-il : « une légitimité claire sur le fondement d’un projet clair ».
Là encore, vous refaites l’histoire. Emmanuel Macron n’a pas été élu par adhésion à son projet, il a été élu face à l’extrême-droite. Les citoyens avaient le choix entre le pire, et le pire du pire. Ils ont choisi le pire.
Malgré tout, Emmanuel Macron ne veut rien lâcher de son programme impopulaire. Dorénavant, tout sera comme auparavant. Pour lui, l’élection législative n’a jamais eu lieu.
Comme toujours en Macronie, l’essentiel est de simuler la démocratie pour mieux la bafouer. Le Président a feint d’engager la discussion. Désormais, la balle serait dans le camp de l’opposition. Il nous incomberait à nous, de nous situer par rapport au parti majoritaire, qui n’est, à présent, plus majoritaire.
En d’autres termes, soit nous avalisons la guerre sociale, la retraite à 65 ans et le conditionnement du RSA au travail gratuit, soit nous sommes une minorité de blocage. Soit nous sommes de votre côté, c’est-à-dire contre le peuple, soit nous sommes pour l’intérêt général, donc, pour vous, hors du champ républicain.
Votre Ministre de l’Intérieur nous désigne comme « ses ennemis ». Là encore, vous avez en horreur tout ce qui s’apparente à une opposition démocratique et qui permet de faire vivre l’alternative dans ce pays.
Ce sera vous ou le déluge. Nous disons que quand c’est vous, c’est le chaos.
Nous savons que pour vous, pendant si longtemps, la terre ne tournait pas autour du Soleil, mais autour de Jupiter.
En vérité, la Macronie peine à faire le deuil des 5 années passées. Elle traîne une nostalgie enfantine : les Play mobiles lui manquent. Qu’il était doux ce temps où 300 députés appuyaient de concert sur un bouton sans prendre la peine de lire les textes ! Le pouvoir est désormais en disgrâce, impropre à la démocratie.
Alors la Macronie se replie sur elle-même. Elle grogne, elle boude. Ses pulsions d’éviction du champ républicain lui reprennent. Le sectarisme revient au galop. Hors de question de signer la proposition de loi constitutionnelle de la NUPES visant à protéger le droit à l’avortement. Le pouvoir minoritaire fera sa propre proposition, même si elle n’est inscrite nulle part à l’ordre du jour de cette session. Peut être parce que vous avez préféré mettre ce texte au placard pour acheter la complaisance du Rassemblement National.
Il va falloir vous y faire : vous n’êtes plus le centre de gravité politique. Vous êtes battus.
Après tout, pourquoi nous ferions vous confiance ?
Madame Borne, il faut le dire : vous êtes une rescapée. Vous êtes la Première ministre la moins bien élue de la Vème République. Vous avez maintenu un gouvernement à trous et en sursis : 3 de vos ministres ont été défaits aux législatives. La Ministre des Outre-mer a tenu 36 jours, avant de prendre la fuite. Que dire du Ministre accusé de plusieurs viols, maintenu en poste jusqu’à lundi, ou de celle visée pour des viols gynécologiques, toujours en fonction à ce jour ? Le camouflet électoral des législatives porte votre nom. Mais vous voilà toujours là !
À un gouvernement chaotique en succède un autre. Vous promouvez les amis qu’il vous reste. Rares sont ceux qui veulent monter à bord du Titanic. Alors l’équipe de volontaires ressemble à s’y méprendre à un fond de tiroir. Dans ce gouvernement darmanisé, on croise des hommes, essentiellement : 11 hommes Ministres contre 5 femmes. En revanche, 1 homme Secrétaire d’Etat contre 9 femmes. Renaissance a ressuscité la Manif pour tous. Le Ministère de la Jeunesse est sous la tutelle du Ministère des Armées. Les Outre-mer dépendent de l’Intérieur. La planification écologique a disparu au profit d’un Ministère piloté par un novice. Votre nouveau monde est une machine à remonter le temps.
Pourquoi nous ferions-vous confiance à vous, qui découvrez les profiteurs de guerre, mais ne faites rien quand Total engrange 16 milliards de bénéfices. Vous, qui présentez des « mesures sociales » inférieures au niveau de l’inflation. Vous, à nouveau épinglés par le Haut conseil pour le climat pour votre inaction climatique. Vous, qui ne faites confiance qu’aux riches et aux grands pollueurs. Vous, qui n’avez rien fait pour enrayer la crise des urgences dans le pays.
Nous ne vous faisons pas confiance, mais au fond, peu vous chaut.
Madame la 1ère Ministre, soyons clairs. Croyez-vous que notre modèle de production et de consommation doive bifurquer
pour lutter contre le dérèglement climatique ? Nous, oui, vous, non. Croyez-vous que le marché et les incantations soient en incapacité de régler tous les problèmes ? Nous, oui, vous, non. Trouvez-vous indigne que 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté quand 5 milliardaires possèdent autant que 27 millions de Français? Nous oui, vous, non.
Que cela vous plaise ou non, il va falloir vous habituer. Cela s’appelle la démocratie.
Madame la Première ministre, il faudra vous soumettre ou vous démettre.
Nous ne croyons pas une seule seconde à une Macronie qui retrouve la raison. Vous avez présenté votre feuille de route. Voici la nôtre.
Cette semaine, nous avons présenté notre 2ème proposition de loi commune à la Nouvelle union populaire écologique et sociale. Smic à 1 500 euros net, blocage des prix des produits de première nécessité et de l’énergie, revalorisation de 10 % des aides au logement et du point d’indice des fonctionnaires, garantie d’autonomie à 1 100 euros par mois, augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé, gel des loyers.
Voilà des mesures qui seraient de nature à débloquer le pays. Car la minorité de blocage à la vie digne, à la redistribution des richesses, à la sauvegarde de nos écosystèmes : c’est vous !
Mathilde Panot