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Alliance Macron & Le Pen : le retour des années 30 ?

Pour battre la NUPES, la minorité présidentielle fait alliance avec la droite et… l’extrême-droite. Un franchissement de seuil gravissime est advenu hier à l’Assemblée nationale : les députés macronistes ont voté pour les candidats d’extrême-droite à la vice-présidence de l’Assemblée nationale. Comme un parfum des années 30. Plutôt Hitler que le Front Populaire à l’époque, plutôt l’extrême-droite que la NUPES aujourd’hui. Emmanuel Macron a choisi son camp depuis bien longtemps. Pendant 5 ans, ses ministres ont préféré s’attaquer à l’« islamo-gauchisme » plutôt qu’à l’extrême-droite. Pendant 5 ans, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de faire monter l’extrême-droite. Au point de refuser d’appeler au barrage républicain contre l’extrême-droite aux législatives. Et aujourd’hui, le président de la République préfère gouverner en tendant la main à l’extrême-droite. Notre article.

Élisabeth Borne refuse donc de se soumettre au vote de confiance du Parlement, la nouvelle vient de tomber ce mercredi matin. Ce gouvernement foule au pied cette tradition républicaine. Qui est ambigu avec la République ? Ce contournement du pouvoir législatif constitue une nouvelle preuve du profond mépris de la macronie pour la démocratie. Problème pour l’Élysée : le parti présidentiel ne disposant pas de la majorité à l’Assemblée nationale, ce gouvernement s’expose à des motions de censure des oppositions parlementaires.

La France insoumise (LFI) devrait en effet déposer une motion de censure. Le gouvernement ne peut éviter la censure qu’au prix d’une abstention du groupe RN, du groupe LR, ou des deux groupes. En clair : au prix d’une alliance avec le poison que la macronie prétendait combattre. Car c’est bien ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux ébahis : une alliance entre Emmanuel Macron & Marine Le Pen pour gouverner. Les deux y trouvent leur compte. Macron peut gouverner et continuer à défendre les intérêts du capital (contrairement à une alliance avec le programme de rupture de la NUPES). Marine Le Pen peut tailler son costume de respectabilité, de femme d’État pour 2027.

L’alliance tacite entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen a éclaté aux yeux de tous au moment de l’entre deux tours des élections législatives. Dans 55 des 61 duels opposants la NUPES au RN, la macronie a refusé d’appeler à faire barrage à l’extrême-droite. Le message est bien passé dans les troupes macronistes : les électeurs de LREM ont préféré voter RN ou s’abstenir plutôt que d’aider un candidat NUPES. Le fameux « barrage républicain » contre l’extrême-droite, parti en vacances.

Emmanuel Macron semble oublier qu’il a été élu par défaut, justement pour empêcher l’accession de Marine Le Pen au pouvoir. Pour rappel, le projet d’Emmanuel Macron n’a rassemblé que 21% des inscrits au premier tour de l’élection présidentielle. Son projet est ultra minoritaire dans la société. Emmanuel Macron semble oublier qu’il a été élu grâce aux électeurs de gauche, si ardument dragués durant l’entre deux tours de la présidentielle.

Mais ce n’est pas la première fois que le capital choisi l’extrême-droite plutôt que la gauche. Dans les années 30, la bourgeoisie avait choisi son camp : « plutôt Hitler que le Front Populaire ». Le philosophe Frédéric Lordon l’avait annoncé : entre Mélenchon et Le Pen, le système capitaliste choisira toujours l’extrême-droite. Le RN ne menace pas les intérêts du capital, contrairement au programme de rupture de la NUPES. Mélenchon ou Le Pen ? La question est vite répondue pour les actionnaires.

Jean-Luc Mélenchon a alerté hier soir : « L’étude sérieuse et approfondie des années trente reste un besoin incontournable pour comprendre ce qui se passe en ce moment et y trouver sa place utile (…) Comprendre comment le « Zentrum », extrême centre de l’époque avant-guerre, organisa la catastrophe en Allemagne est un besoin urgent pour comprendre comment évoluent des gens comme ceux que nous avons au pouvoir ».

À force de jouer avec le feu, Emmanuel Macron s’est brûlé aux législatives. À force de jouer avec le feu, l’extrême-droite a défoncé le plafond de verre du palais Bourbon. 89 députés du RN. Avec un premier aperçu nauséabond hier : un éloge de l’Algérie française pour ouvrir la première séance de l’Assemblée nationale.

À force de jouer avec le feu, entre course à l’échalotte à la stigmatisation des musulmans et de la gauche, chasse à un « islamo-gauchisme » imaginaire, interview donnée à Valeurs actuelles, réhabilitation de Pétain et Maurras, proximité affichée avec Éric Zemmour, Marine Le Pen qualifiée de « trop molle » sur l’islam par Gérald Darmanin… Emmanuel Macron s’est brûlé. L’extrême-droite a fracassé un premier plafond de verre, celui de l’Assemblée nationale. Si on ne veut pas que le fascisme arrive au pouvoir dans 5 ans, il va peut-être falloir s’attaquer au poison qui ne cesse de lui servir de trampoline.

Par Pierre Joigneaux.