Jean-Luc MELENCHON lors du dernier meeting de la France Insoumise au Grand palais de Lille pour la campagne des elections europeennes de mai 2019 - Lille, 24 mai 2019.

De la dissuasion nucléaire à la dissuasion spatiale ? Mélenchon ouvre le débat

Dissuasion nucléaire ou spatiale ? Le débat est posé par les députés insoumis Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud dans une tribune publiée par le journal Le Monde ce mardi 11 janvier 2021. Réponse à leur collègue LREM Fabien Gouttefarde, cette tribune a le mérite de tenter d’amener un enjeu crucial dans cette campagne présidentielle. Notre article.

Dissuasion nucléaire : un débat LFI & LREM par tribunes interposées

« La dissuasion est ancrée dans l’avenir. L’avenir, car nul, y compris M. Mélenchon, ne saurait comment la remplacer dans son acception actuelle ». Ces mots sont ceux de Fabien Gouttefarde, député LREM, membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, dans une tribune publiée ce 31 décembre. Pourquoi diable parler dissuasion nucléaire le jour de la Saint Sylvestre ? Car l’enjeu est vital. Explications.

« Oui, la dissuasion nucléaire a encore un sens », la tribune de Fabien Gouttefarde publiée par le journal Le Monde le jour du réveillon, est une réponse à des propos de Jean-Luc Mélenchon le 25 novembre 2021 sur BFM-TV. Le favori de la gauche dans la course à la présidentielle a donc tenu, avec son collègue Bastien Lachaud, membre de la commission défense, à remercier le député LREM de l’Eure d’avoir accepté la discussion avec le sérieux qu’exige le sujet. Les deux députés insoumis lui ont donc répondu à travers une tribune passionnante, dont voici les grandes lignes.

La stratégie de la dissuasion nucléaire fonctionne… pour l’instant

Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud résument d’emblée leur position : la dissuasion nucléaire fonctionne, mais elle comporte des limites. Et pas des moindres. Première limite : sur un territoire comme la France, une seule attaque nucléaire portée par un ennemi peut rayer notre pays de la carte. Une frappe sur nos installations nucléaires civiles ou nos installations chimiques serait mortel. Les députés insoumis alertent : « La riposte serait toujours posthume ».

Seconde limite : les stocks d’armes nucléaires possédés par la Russie et les États-Unis. Ces stocks suffiraient en effet à anéantir plusieurs fois la planète, sans oublier les pollutions radioactives irréversibles. Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud le rappellent : une guerre nucléaire ne pourrait être gagnée, « elle se terminerait nécessairement par un anéantissement mutuel total ».

Les députés insoumis d’avertir : les États-Unis, la Russie et la Chine développent des techniques remettant en cause la crédibilité de la dissuasion nucléaire française. Pour Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud, les intentions de ces pays sont claires « disposer d’un avantage décisif et neutraliser les moyens nucléaires de leurs rivaux ».

Appuyer la dissuasion sur d’autres armes moins dangereuses que le nucléaire ?

Partant de ce constat, l’extrême danger que fait peser la dissuasion nucléaire au dessus de nos têtes, celui de l’anéantissement pur et simple d’un territoire, les députés insoumis rappellent l’impératif du désarmement nucléaire global. Mais les deux hommes ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Ils posent le débat : une dissuasion qui s’appuierait sur d’autres armes, moins dangereuses que le nucléaire, est-elle possible ?

Et c’est là que ça devient intéressant : la dissuasion nucléaire pourrait-elle se transformer en une dissuasion spatiale, beaucoup moins dangereuse pour l’humanité ? Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud ont une proposition : « les armes hypervéloces, atteignant des vitesses plusieurs fois supérieures à la vitesse du son passant par l’espace, pourraient être utilisées d’une façon offensive. Elles pourraient être si rapides qu’il serait impossible de savoir de quel pays elles proviennent, ni décider de la riposte ».

Le raisonnement des députés insoumis est limpide : vérifier en permanence la capacité de nos armes à être indétectables (comme pour les sous-marins) et donc non neutralisables. Ensuite, rechercher des moyens de dissuasion aussi efficaces que le nucléaire mais dont les effets soient moins irréversibles. Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud vont même plus loin, cherchant des moyens de dissuasion « moins létaux et même non létaux ».

Un nouveau venu dans la dissuasion : le spatial

Face à l’épée de Damoclès que fait peser la dissuasion nucléaire au dessus des peuples, les députés LFI mettent en avant un nouveau venu dans la dissuasion : le spatial. « Des tirs de la Terre vers l’espace peuvent neutraliser les communications entre les humains et avec leurs objets. Ils ont ainsi la capacité de paralyser totalement un pays et son armée. Nous savons d’ores et déjà que plusieurs Nations sont capables d’un tel tir : Chine, Inde, Etats-Unis et Russie ».

Le raisonnement est le suivant : il est clair qu’il peut y avoir une dissuasion spatiale. La destruction des stocks nucléaires serait alors possible sans compromettre les capacités de défense. La dissuasion spatiale aurait l’avantage d’être beaucoup moins meurtrière et irréversible. Elle pourrait alors contribuer à diminuer le risque à terre. Un monde d’où l’arme nucléaire serait bannie, ne serait-il pas un monde plus sûr ?

Par Pierre Joigneaux.