Journée spéciale en direct du contre sommet de l’ubérisation à Bruxelles

Grand jour. C’est aujourd’hui, mercredi 27 octobre 2021, que se tient le Forum transnational des alternatives à l’uberisation. Plus de 100 travailleurs, juristes, syndicalistes et experts de l’ubérisation venus de toute l’Europe et du monde entier se retrouvent à Bruxelles à l’invitation du groupe de la gauche au Parlement européen et à initiative de Leïla Chaibi, l’eurodéputée insoumise figure mondiale de la lutte contre l’ubérisation. Un combat mené pour chacune et chacun d’entre nous : ce statut ubérisé, les plateformes rêvent en effet de l’étendre à toute la société. Journée spéciale sur l’insoumission en direct de Bruxelles. Article sur les enjeux de ce combat crucial contre cet esclavage à la sauce numérique, pour notre avenir à tous.

Au cours des six dernières années, les plateformes ont su s’implanter et devenir incontournables. En 2020, des milliers de livreurs ont parcouru les rues pendant les confinements. Tels des fantômes, ils livraient nos courses dans les rues vidées par la pandémie. Dépendants, sans sécurité sociale, sans assurance, sans droit de retrait. 

Un jour sans aller pédaler, c’est un jour sans revenu. Ils sont donc allés affronter l’extérieur pendant que le monde apeuré était confiné chez soi. 

Actuellement, se déroule au niveau européen des négociations autour d’un texte législatif relatif aux droits des travailleurs de plateformes en vue de la (potentielle) proposition de directive de la Commission européenne le 8 décembre 2021 portée par Nicolas Schmit, commissaire à l’emploi et aux affaires sociales. 

Alors que le Covid-19 a mis en lumière les difficiles conditions de travail des livreurs et chauffeurs, Uber fait la tournée des popotes européennes. Son PDG, Dara Khosrowshahi est allé frapper à la porte des commissaires et élus pour vendre son rêve de tiers-statut : entre indépendant et salarié, ce statut ne donnerait aux travailleurs, ni les avantages du salariat (protection sociale, droit du travail) ni les avantages de l’indépendance (choix des tarifs et des horaires notamment), mais les inconvénients des deux. Pour les plateformes, le beurre et l’argent d’Uber.

Pourtant dans tous les pays où se sont implantés les plateformes numériques de travail, trois Cours de justice sur quatre affirment qu’il y a un lien de subordination exercé par les plateformes sur les travailleurs. Le 16 septembre 2021, le Parlement européen a pris une position similaire au travers de l’adoption d’un rapport indiquant ce que doit être la proposition législative de la Commission européenne. 

Dans ce texte, le Parlement refuse fermement le tiers statut et se positionne en faveur de la présomption de relation de travail (« presomption of employment relationship ») liée au renversement de la charge de la preuve. Cette présomption signifie que les travailleurs sont considérés comme des salariés dès le premier jour de la relation de travail. Cela ne signifie pas que tous les travailleurs des plateformes sont salariés : ceux qui travaillent pour des plateformes qui respectent les prérogatives du statut d’indépendant pourront bien évidemment rester indépendants. Dans le cas d’un litige, ce sera désormais à la plateforme d’apporter les preuves qu’elle n’exerce aucun lien de subordination et non plus au travailleur. C’est le renversement de la charge de la preuve. Uber, Deliveroo et autres Glovo, KO au premier round.

Leïla Chaibi en tant que rapporteure fictive du groupe politique La Gauche au Parlement européen, et avec un arc de force large, ont réussi à infliger une défaite en rase campagne aux lobbys des plateformes numériques. Les émissaires d’Uber, Deliveroo et autres Glovo, sont désormais vent debout contre ce rapport. Et ce après avoir sorti l’artillerie lourde de lobbying pour tenter de légaliser la situation actuelle de fraude massive reposant sur le statut de faux indépendant. 

Si le premier objectif de cette bataille est de sortir de la précarité les livreurs de repas, chauffeurs VTC et tous les faux indépendants travaillant via une plateforme numérique de travail, l’enjeu va bien au-delà. Ce combat est mené pour l’ensemble du monde du travail : si aujourd’hui nous permettons à Uber d’avoir des travailleurs sous ses ordres sans assumer sa responsabilité d’employeur, demain l’ensemble des salariés verront leur statut menacé de remplacement par celui de faux indépendant. Car si cela devient légal, pourquoi les entreprises ne substitueraient-elles pas leurs salariés par des travailleurs ubérisés, généralisant ainsi cet esclavagisme à la sauce numérique ?

Le vote de ce rapport marque une étape importante dans le rapport de force européen quant à la protection des travailleurs des plateformes. Une étape car le combat continue. Les forces libérales et conservatrices préparent déjà la contre-offensive.  La présidence française de l’Union européenne au 1er semestre 2022 sera notamment un moment clé. Les plateformes le savent, Emmanuel Macron est leur principal VRP en Europe. Et Macron, de son côté, a bien identifié ces plateformes comme des alliées, car elles représentent un véritable cheval de Troie pour détricoter le droit du travail.

Le tiers-statut que veulent imposer les plateformes, est dénoncé par toutes les forces politiques y compris par celles et ceux qui sont désignés par le gouvernement de Macron pour l’imposer. Le 30 septembre 2021, les forces de gauche comme de droite de l’Assemblée nationale française se sont affirmées pour la présomption de salariat.

Alors même que le rapport approuvé par le Parlement européen a été rédigé par Sylvie Brunet, députée européenne Renew, lors du débat à l’Assemblée nationale, les députés nationaux LREM n’y ont accordé aucune importance et attendent le texte de la Commission européenne. En bons VRP des plateformes, les députés LREM à l’Assemblée nationale font mine de ne pas avoir compris le message envoyé par le Parlement européen comme ils ont mis sous le tapis le rapport de Jean-Yves Frouin. 


Pas de loi Uber en Europe ! Les plateformes doivent assumer leurs obligations d’employeurs et cesser de se cacher derrière l’usage frauduleux du statut de travailleur indépendant. C’est pour faire entendre ce message qu’une centaine de livreurs, chauffeurs VTC, juristes, syndicalistes et experts de l’ubérisation de toute l’Europe se réunissent aujourd’hui à l’occasion du “Forum transnational des alternatives à l’ubérisation #2”.

Face au lobbying privé intensif des Uber, Deliverro et autre Glovo, le véritable lobby populaire des travailleurs, appuyé par les élus de La Gauche au Parlement européen, est bien décidé à se faire entendre par les institutions européenne ! Ne laissons pas Uber écrire la loi en Europe ! Forçons la Commission européenne à respecter les intérêts des principaux concernés !