«Le Maire, Runacher, reconvertissez vous en chauffeur de corbillard » : l’ultra violence ordinaire à Saint Claude

La violence ordinaire. Celle qui ne fait jamais les grands titres mais qui brise pourtant des familles entières, des couples, qui ravage des vies. Alors que cette violence sociale fracasse d’une violence inouïe le pays depuis des mois, la diversion identitaire et sécuritaire bat plus que jamais son plein sur les plateaux. Les fermetures d’usines stratégiques s’enchaînent dans un silence fracassant. Nouvel exemple avec le drame de la fermeture de l’usine MBF Aluminum à Saint Claude. Notre article.

« Un massacre, tout simplement ». La nouvelle vient de tomber : l’usine MBF Aluminium de Saint Claude met la clé sous la porte. Malgré des mois de lutte. 284 salariés sacrifiés. La principale source de revenus de cette commune du Jura de 9 000 habitants se tarit. Ce sont près d’un millier d’emplois indirects qui sont liés à l’activité de la fonderie qui seront impactés par cette décision. Spécialisée dans la production des carters de moteurs et des pièces de boîtes de vitesse, l’usine était le premier employeur de Saint-Claude, une ville déjà impactée par des années de délocalisations et de fermetures. En 10 ans, elle accuse une perte de 2 000 habitants.

Le tribunal de commerce de Dijon a prononcé ce mardi 22 juin la liquidation judiciaire de l’entreprise. Ses 284 salariés étaient en grève depuis 83 jours pour tenter de sauver leur usine et quelques-uns s’étaient déplacés devant le tribunal. L’offre de l’unique repreneur vient d’être rejetée. « Une trahison, on prend ça comme un couteau dans le dos ». Les syndicats qui ont assisté aux discussions en ressortent la gorge nouée : « un massacre tout simplement, un massacre avec l’État comme principal acteur ». Reste à annoncer la nouvelle aux salariés qui ont fait le déplacement depuis Saint Claude jusque devant le tribunal de commerce où la décision vient de tomber.

« Dites quelque chose ». Le silence, les larmes, laissent place à la colère : « Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher, au lieu de rester ministres, reconvertissez-vous en chauffeurs de corbillard, c’est ce que vous êtes exactement ». Les désormais ex-salariés de MBF retournent une voiture sur laquelle a été marquée en lettre rouge : « État assassin ». Et montrent les pièces de la carrosserie construites de leurs propres mains : « ça c’est MBF ».

Une salariée témoigne en larmes : « Quelqu’un a tout fait pour reprendre MBF, mais l’État n’en a rien à foutre. Il s’en fout complètement. J’ai 45 ans, mon mari a 50 ans, on retrouve comment du travail à notre âge ? ». Une autre salariée : « J’ai la haine contre l’État. Je suis toute seule. J’ai une fille. »

Plus loin la colère éclate. « Pendant ce temps-là ils délocalisent, ils vont nous dire qu’il faut travailler jusqu’à quel âge ? ». Un autre salarié alerte : « 200 emplois en moins pour le bassin ? C’est l’Hôpital qui va suivre derrière, ça va être une catastrophe ».

La troisième fonderie en France à être placée en liquidation judiciaire en l’espace de quelques jours. Peu importe que ces usines et l’expertise de leurs salariés soient essentiels à la bifurcation écologique. Cette ultra violence n’intéresse pas les médias. Peu importe qu’elle soit omniprésente et qu’elle ravage le pays. La question sociale est étouffée. La diversion identitaire et sécuritaire bat son plein. Pendant que les médias des milliardaires parlent des faits divers, la crise sociale continue à fracasser le pays dans un silence assourdissant.

Par Pierre Joigneaux.