Hallucinant. Deux youtubeurs d’extrême droite en treillis militaires tirent des rafales de balles et poignardent sauvagement un mannequin représentant un électeur de gauche. La vidéo d’appel au meurtre, expliquant comment se procurer un « calibre 12 » pour « abattre ces fils de pute », devient virale et est propulsée en tête des tendances France sur Twitter toute la journée d’hier. Pourtant, la grande majorité du champ médiatique ne semble pas choquée.
La vidéo d’appel au meurtre de Papacito, youtubeur d’extrême droite proche d’Éric Zemmour, a été publiée ce dimanche 6 juin. On y voit celui que Zemmour qualifie d’être « sympathique » et « intelligent » poignarder à 14 reprises avec une incroyable rage un mannequin. Ce mannequin représente les « électeurs de Jean-Luc Mélenchon ». Ce mannequin représente 7 millions de Français. Mais le champ médiatique parle de… « diversion » et de « contre feu » des insoumis. Le fait que les médias ne prennent pas la mesure de la gravité de la situation est peut-être encore plus glaçant que les images du mannequin férocement poignardé.
L’angle médiatique ce lundi 7 juin sur les chaînes d’information en continue était le suivant : Jean-Luc Mélenchon se sert de cette vidéo de Papacito pour faire oublier la polémique l’accusant de complotisme suite à ses propos dans « Questions politiques » ce dimanche 6 juin. L’insoumission démontrait hier que le nouveau bashing « complotisme » anti-Mélenchon est sans fondement. Le leader des insoumis est loin d’être le premier à dénoncer l’instrumentalisation politique des attentats et des faits divers dans la dernière semaine des campagnes présidentielles. Les mêmes qui accusent aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon de complotisme, ont produit hier des articles soulignant cette instrumentalisation politique.
Mais le candidat de loin le mieux placé à gauche dans la course à la présidentielle a une nouvelle fois osé s’attaquer aux médias. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé ce dimanche au micro d’Ali Baddou la concentration capitalistique des médias dans les mains de 9 milliardaires. Rien de nouveau sous le soleil. Mais le leader des insoumis a également rappelé le puissant pouvoir des médias de faiseurs de Rois dans une campagne présidentielle, comme cela a été le cas avec Emmanuel Macron en 2017. Et oser rappeler ça, c’est s’exposer à un retour de foudre. Et ça n’a pas manqué.
Ce lundi 6 juin, la quasi intégralité du champ médiatique est tombé sur Jean-Luc Mélenchon dans une charge d’une rare violence. L’accusant pêle-mêle de « complotisme » et de « nier la menace terroriste » et « la douleur des victimes », la grande majorité des médias a mélangé les propos de Jean-Luc Mélenchon sur le pouvoir des médias de créer un nouveau « mini Macron », et sa dénonciation de l’instrumentalisation des attentats et des faits divers par la droite et l’extrême droite dans la dernière ligne droite des campagnes présidentielles. Sortir la planche de surf et imposer une omniprésence de la surenchère sécuritaire dans les dernières heures avant le scrutin ? C’est pourtant ce qui s’est déroulé dans les dernières semaines des campagnes présidentielles en 2017, en 2012 et en 2002. Mais peu importe les faits, le champ médiatique marche sur la tête.
Le philosophe Frédéric Lordon avait annoncé la couleur. Face au processus près-fasciste en cours en France, face aux trois blocs de droite (LREM – LR _ RN) et à leur imposition de la surenchère sécuritaire et identitaire à l’agenda médiatique, Jean-Luc Mélenchon va concentrer tous les coups en 2022. On vient d’en avoir un violent aperçu depuis dimanche. Mais la campagne ne fait que commencer et elle s’annonce particulièrement nauséabonde : les trois blocs de droite, soutenus par les médias aux mains des 9 milliardaires et par une partie de la « gauche » qui veut se démarquer de son candidat de loin le mieux placé dans les sondages, vont tout faire pour alimenter la diversion sécuritaire et identitaire et accuser Jean-Luc Mélenchon l’islamo-gauchiste complotiste de tous les maux. Un refrain commence même à se faire entendre, fredonné hier par Raphaël Enthoven : plutôt Marine Le Pen que Jean-Luc Mélenchon. Plutôt Hitler que le Front Populaire disaient-ils dans les années 30.
Jean-Luc Mélenchon et les insoumis ne pourront compter que sur eux-même et quelques précieux alliés pour tenter de ramener la question sociale et écologique à l’agenda d’un champ médiatique gravement malade. Pourtant, loin des plateaux de Cnews, des obsessions des Pascal Praud et des Zemmours, Grands Maîtres des horloges médiatiques, l’immense majorité des Français attend autre chose. Et c’est bien l’immense espoir pour 2022 : la possibilité de créer un bloc populaire majoritaire dans le pays, autour de mesures soutenues par une immense majorité de Français.
9 Français sur 10 sont en effet pour l’augmentation du SMIC, la garantie d’emploi, la création d’un pôle public du médicament, le conditionnement des aides publiques aux entreprises à des contreparties sociales et environnementales, l’interdiction du glyphosate. 8 Français sur 10 sont pour le rétablissement de l’ISF, la taxe sur les profiteurs de crise, un grand plan d’investissement dans les services publics (en particulier la santé), pour que les premières quantités d’eau soient gratuites, le plafonnement des frais bancaires, la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle, les parrainages citoyens pour l’élection présidentielle, l’interdiction des publicités pour des produits polluants. 7 Français sur 10 sont pour la retraite à 60 ans, la proportionnelle aux législatives, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), la sortie du nucléaire. 6 Français sur 10 sont pour la semaine de 4 jours, le RSA jeune, l’interdiction du travail détaché, des fermes usines, et pour la 6ème République ! Des mesures toutes portées par… l’Avenir en commun, le programme des insoumis qui a déjà rassemblé 7 millions d’électeurs et près de 20% des voix en 2017.
Pourtant, aucune de ces mesures n’est à l’agenda médiatique. Loin, très loin de la surenchère sécuritaire et identitaire des plateaux des chaînes d’information en continue, l’immense majorité des Français attend donc autre chose. Face au climat nauséabond dans le pays, La France insoumise et plus de 90 organisations (associations, syndicats, collectifs, partis politiques) appellent à manifester ce samedi 12 juin pour nos libertés et contre les idées d’extrêmes droites. Un appel au meurtre de l’extrême droite contre 7 millions d’électeurs de gauche vient d’être perpétré, et les médias n’ont pas l’air de mesurer la gravité de la situation. Faisons leur entendre ce samedi dans tout le pays que le camp républicain ne se laissera pas faire. Ils ne passeront pas. 70% des Français refusent un second tour Macron Le Pen. Empruntons un autre chemin que la pente sombre que prend le pays. Rallumons les lumières.
Par Pierre Joigneaux.