«Complotisme» ? Le nouveau bashing anti-Mélenchon sans fondement

Ce dimanche 6 juin 2021 Jean-Luc Mélenchon était l’invité de l’émission Questions politiques sur France Inter et France info TV. Le leader des insoumis en a profité pour dénoncer l’instrumentalisation politique des attentats et des faits divers dans la dernière semaine des élections présidentielles. Les champs médiatique et politique se sont emballés, accusant le candidat à la présidentielle de « complotisme ». Les campagnes présidentielles de 2017, 2012 et 2002 ont pourtant subi exactement ce que dénonce Jean-Luc Mélenchon. Retour sur un emballement sans fondement, annonciateur de la campagne qui s’ouvre. Notre article.

Le leader de LFI dénonce l’instrumentalisation politique des attentats et des faits divers la dernière semaine des présidentielles, les champs médiatique et politiques s’emballent

Emballement. Ce dimanche 6 juin 2021 dans la soirée a débuté un hallucinant emballement du champ médiatique et politique qui se poursuit ce lundi. La cible ? Jean-Luc Mélenchon. L’accusation ? Complotisme. Le motif ? Un extrait de quelques secondes de son passage dans l’émission « Questions politiques » sur France Inter et France Info TV ce dimanche. Dans cette séquence, le leader des insoumis alerte sur l’instrumentalisation des attentats et des faits divers en temps de campagne électorale. La voici retranscrite mot pour mot.

« Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012. Ça a été l’attentat la dernière semaine sur les Champs Elysées (en 2017). Vous vous rappelez de tout ça ? C’était la dernière semaine. Avant on avait eu papy Voise (en 2002) dont plus personne n’a jamais entendu parler après. Tout ça c’est écrit d’avance. Nous aurons le petit personnage sorti du chapeau. Nous aurons l’événement gravissime qui va une fois de plus permettre de montrer du doigt les musulmans et d’inventer une guerre civile. Voilà, c’est bateau tout ça. »

L’instrumentalisation politique d’un attentat ou d’un fait divers pour servir un agenda politique en temps de campagne électorale ? Jean-Luc Mélenchon est loin d’être le premier à dénoncer cette insupportable instrumentalisation politique surfant sur la tristesse et l’effroi que provoquent ces évènements, pour servir un agenda de surenchère sécuritaire juste avant une élection.

Campagne présidentielle de 2017, 2012 et 2002 : un même constat, l’instrumentalisation politique d’un attentat ou d’un fait divers dans les heures précédents le scrutin

Lors de la précédente campagne présidentielle, c’est le Premier ministre lui même qui dénonçait l’instrumentalisation de l’attentat des champs Élysées survenu le 21 avril 2017, dernier jour de campagne. Sur le perron de Matignon, le Premier ministre avait déclaré : « Marine Le Pen cherche comme après chaque drame à en profiter pour instrumentaliser et diviser, elle cherche à exploiter sans vergogne la peur et l’émotion à des fins exclusivement politiciennes. » Le journal Le Parisien avait alors titré « Cazeneuve accuse Le Pen et Fillon d’instrumentaliser l’attentat des Champs-Élysées ». Le Parisien n’avait pas subi d’attaque en complotisme.

Si l’on remonte à la campagne présidentielle de 2012, c’est le drame de l’attentat perpétré par Mohammed Merah qui était survenu durant la dernière semaine de la campagne présidentielle. Une fois n’est pas coutume, le sang des victimes avait à peine terminé de couler que déjà Marine Le Pen et Jean-François Copé sortaient leur planche de surf. Ce n’est pas l’insoumission.fr, pas encore née à l’époque, mais le quotidien britannique The Independant qui pointait alors cette abjecte instrumentalisation politique.

Si l’on remonte encore plus loin, à la campagne présidentielle de 2002, c’est un fait divers, l’affaire Paul Voise, qui avait servi d’alibi à la surenchère sécuritaire. Et ce dans les ultimes heures avant l’élection, le 20 avril 2022, veille du scrutin, alors même que la campagne était déjà suspendue. Plusieurs journalistes et hommes politiques ont considéré après coup que ce fait divers passé en boucle dans les médias (sujet passé 19 fois sur LCI la veille du scrutin), a participé à la défaite surprise du candidat Lionel Jospin (PS) et à la qualification au second tour de Jean-Marie Le Pen (FN). Régis Guyotat, auteur d’une enquête sur l’affaire pour le journal Le Monde, et le journaliste Daniel Schneidermann pour Arrêt sur Images, ont tous deux affirmé que l’adjoint UDF de la ville où s’est déroulé ce fait divers avait lui-même appelé les équipes de télévision pour le faire monter en épingle.

Une alerte ancienne dans les médias et chez Jean-Luc Mélenchon contre la surenchère sécuritaire et identitaire après les attentats

Le leader des insoumis a donc rappelé une évidence ce dimanche sur le plateau de France Inter : oui des évènements, attentat ou fait divers, sont instrumentalisés politiquement au cours des campagnes électorales. Et particulièrement dans la dernière ligne droite des élections présidentielles. Cette instrumentalisation politique sert un agenda politique bien précis : celui de la surenchère sécuritaire. Comment ne pas voir que c’est ce qui se passe en ce moment même dans le pays : chaque fait divers est monté en épingle dans le cadre de la campagne régionale. France Inter, pas réputé pour être un média complotiste, titrait ainsi ce 6 mai : « La sécurité comme thème de campagne : « Le problème, c’est la généralisation à tort des faits divers ».

BFMTV, pas non plus réputé pour être complotiste, dans un article intitulé « Présidentielle : quand les faits divers font irruption dans la campagne », dressait exactement le même constat que Jean-Luc Mélenchon sur les campagnes présidentielles de 2017, 2012 et 2002, reprenant les exemples de l’attentat de Mohamed Merah et du fait divers Papy Voise. Olivier Rouquan, docteur en Science Politique et chercheur au CERSA (Centre d’Etudes et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques), déclarait ainsi après les attentats de 2015 : « Cela fait plusieurs campagnes électorales que, plus on approche du moment du vote, plus il y a un évènement de type dramatique, qui vient marquer la fin de campagne ». Plusieurs familles de victimes d’attentats ou de faits divers ont elles mêmes dénoncés la récupération politicienne de la mort de leurs proches.

Certains accusent Jean-Luc Mélenchon après son passage dans « Questions politiques » ce dimanche 6 juin, d’avoir nié l’existence des attentats terroristes ou la douleur des victimes. Un procès qui n’a aucun sens, le leader des insoumis ayant rappelé un nombre incalculable de fois sa douleur après les attentats terroristes. Mais ce qui caractérise peut-être Jean-Luc Mélenchon dans le champ politique, c’est son refus de céder à la surenchère identitaire et sécuritaire. Le leader des insoumis a ainsi été le seul à refuser de participer à la manifestation des policiers factieux menaçant la justice et la séparation des pouvoirs. Son passage sur le plateau d’ « On n’est pas couché » le lendemain des attentats du 13 novembre 2015 est révélateur : « Je les hais, je les hais, je les hais (les terroristes). Mais nous avons un devoir de lucidité, ce sont nos ennemis. Il faut donc les empêcher d’atteindre leurs objectifs. Ce qu’ils veulent, c’est parvenir à faire peur au point que nous perdions le contrôle de nous-même, que nous nous jetions les uns sur les autres ».

Aujourd’hui le leader des insoumis subit une charge d’une extrême violence de la quasi intégralité du champ médiatique et politique le taxant de « complotisme » pour avoir osé dénoncer l’instrumentalisation politique des attentats et des faits divers en période électorale. Une nouvelle étiquette pour celui qui a été qualifié durant de longues semaines d’« islamo-gauchiste ». Jean-Luc Mélenchon est habitué d’être trainé dans la boue. Dans un récent article du monde diplomatique, le philosophe Frédéric Lordon l’annonçait : le candidat de loin le mieux placé à gauche va concentre les coups en 2022 face aux trois blocs de droite (LREM, LR et RN) imposant leur agenda sécuritaire et identitaire. La machine est lancée.

Par Pierre Joigneaux.

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