Crise sanitaire : le réquisitoire implacable de Mélenchon face à Macron

À la hauteur de la gravité du moment que nous traversons. Le Président du groupe parlementaire de la France insoumise à l’Assemblée nationale a prononcé ce 1er avril 2021 un discours qui fera date. Invité à réagir aux annonces du Président de la République de ce mercredi 31 mars, le « reconfinement » de l’ensemble du territoire métropolitain, Jean-Luc Mélenchon a sorti des envolées dont lui seul a le secret. Les murs de l’hémicycle de l’Assemblée nationale ont résonné, le leader des insoumis se faisant le porte voix de la colère et du dégoût de millions de Français après plus d’un an de gestion gouvernementale catastrophique de la crise sanitaire.

Le Président du groupe parlementaire LFI a commencé par tancer le simulacre de démocratie mis en scène par le gouvernement. Les députés étaient invités à un vote… sans aucune conséquence, la responsabilité du gouvernement n’étant pas engagée. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé une « honte pour le Parlement français ». Emmanuel Macron ayant « tout décidé tout seul, tout annoncé hier soir à la télé et vous venez nous le répéter ». Le Parlement fait une fois de plus office de chambre d’enregistrement des décisions du monarque présidentiel. Les députés ne peuvent en effet proposer d’amendements. Réduit à voter « oui » ou « non ». À faire de la figuration. À servir de caution à la gestion chaotique de la crise sanitaire.

Le leader des insoumis a regretté le piétinement de l’Assemblée nationale et a rappelé les 4 plans d’action, la commission d’enquête, les innombrables amendements et propositions des parlementaires insoumis depuis le début de la crise sanitaire. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé une « réunion qui ne sert à rien », un « mauvais poisson d’avril ». Filant la métaphore en ce 1er avril 2021, le député des Bouches-du-Rhône, visiblement en forme olympique, a lâché une de ses « punchlines » auxquelles il nous a habitué : « le poisson pourrit par la tête ». Le Président du groupe LFI faisant référence aux décisions prises par le Président de la République tout seul au sein d’un conseil de défense, contournant le conseil Scientifique, les deux chambres du Parlement et même son propre gouvernement, les ministres apprenants bien souvent les décisions présidentielles par voix de presse depuis le début de la crise sanitaire.

« Le monarque présidentiel, meilleur virologue de France parait-il, et meilleur ami de la modestie, est apparu à la télévision et a décidé au nom d’un nous qui pose problème. » Jean-Luc Mélenchon a récusé le « nous » utilisé par le Président de la République tout au long de son discours hier soir. Continuant à filer la métaphore, le leader des insoumis a rappelé que les Français n’avaient pas une « mémoire de poisson rouge ». Et a égrainé la succession de scandales et de fiascos qui ont émaillé la gestion gouvernementale au cours de l’année écoulée.

Jean-Luc Mélenchon a commencé en citant la déclaration d’Agnès Buzyn du 23 janvier 2020 : « le risque d’introduction du virus est faible (en France) ». La ministre de la santé poussée par Emmanuel Macron à démissionner en pleine pandémie mondiale pour… candidater à la Mairie de Paris. On se souvient des regrets publics d’Agnès Buzyn déclarant « on aurait du tout arrêter » à propos des municipales, vertement recadrée par le Premier ministre de l’époque. Le leader des insoumis a continué son rafraichissement des mémoires par une déclaration justement d’un certain Édouard Philippe : « le port du masque en population générale, ça ne sert à rien ». Et d’enchaîner par une déclaration sur les tests : « il ne servirait à rien aujourd’hui de tester massivement », d’Édouard Philippe toujours, le 19 mars 2020. Alors même que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) disait qu’il fallait y procéder de toute urgence. Et le leader des insoumis de rappeler que le premier conseil des ministres spécial sur le coronavirus s’est soldé par… un 49.3 pour tenter de mettre fin au mouvement historique contre la réforme des retraites. Alors que la veille, le 28 février 2020, l’OMS venait de relever son seuil d’alerte au niveau maximum. Chacun ses priorités.

Le réquisitoire du tribun insoumis contre la gestion de la crise sanitaire par Emmanuel Macron, s’est poursuivi par la charge suivante : « Le pompon : le ministre de l’Éducation nationale. Sur l’école plus que tout, vous avez bafouillé, trébuché, hasardé, vous montrant plus habiles à faire la chasse politique à «l’islamo-gauchisme» qu’au Covid-19 parmi les personnels et les enseignés. » Jean-Luc Mélenchon a rappelé que Jean-Michel Blanquer avait commencé par affirmer que « le danger (du Covid-19) n’existe pas pour les enfants ». Le leader des insoumis a dénoncé les errements du ministre Blanquer sur l’école, prétendant tantôt qu’il fallait un élève malade par classe pour fermer une classe, puis trois, puis un, pour finir par tout fermer d’un coup, après avoir nié la progression de la contamination en milieu scolaire. Une gestion chaotique provoquant, au passage, des morts, comme ces 20 parents d’élèves d’un même Lycée à Drancy. Jean-Luc Mélenchon s’est servi de la tribune de l’Assemblée nationale pour élever la voix contre les odieuses « menaces contre le personnel récalcitrant ». Le leader des insoumis faisant référence au droit de retrait des enseignants, refusé par le gouvernement dans certains endroits pourtant particulièrement contaminé. Jean-Luc Mélenchon a également rappelé que l’Italie avait engagé un grand plan pour engager 84 000 professeurs, mais que la France n’avait une fois de plus rien planifié.

Le tribun insoumis a ensuite tenu à dénoncer les propos d’Emmanuel Macron du 25 mars dernier : « il n’y a pas eu d’explosion prévue par tous les modèles ». Le leader des insoumis a rappelé que ces modèles prévoyaient au contraire l’explosion actuelle du virus depuis janvier. Les insoumis dénoncent depuis de longs mois l’absence de planification du gouvernement dans sa gestion de la crise sanitaire, multipliant les propositions ignorées à l’Assemblée notamment sur les alternatives au confinement et la proposition de mettre en place une société par roulement. Jean-Luc Mélenchon a donc profité de l’occasion pour exprimer la révolte accumulée, levant la voix depuis la tribune de l’Assemblée nationale : « Alors ce jour de chienlit est de trop ! Nous allons pratiquer un boycott du vote, un boycott d’exaspération. Nous refusons de voter. Nous ne sommes pas votre public voué à vous acclamer. Nous en avons assez de voir l’Assemblée exclue de la discussion sur la stratégie à mettre en œuvre contre la pandémie. »

Le Président du groupe parlementaire de la France insoumise a en effet démontré le mépris de ce gouvernement pour le pouvoir législatif, en listant les contournement du Parlement ces derniers mois. L’Assemblée nationale étant purement et simplement exclue de toute décision. Le gouvernement a ainsi annulé la discussion prévue en janvier d’un texte sur l’organisation des stratégies sanitaires face aux pandémies, il n’a pas consulté le pouvoir législatif pour la mise en place du couvre-feu à 20h (le 15 décembre), pour l’avancement du couvre-feu à 18h (le 14 janvier), pour la décision de ne rien faire de plus (le 29 janvier), ni pour les nouvelles mesures pour 16 départements (18 mars). Le leader des insoumis a rappelé que son groupe avait fait son devoir parlementaire en alertant le gouvernement à chaque étape, et a donc refusé « de voter uniquement pour amnistier les fautes » d’Emmanuel Macron.

Jean-Luc Mélenchon a une nouvelle fois démontré sa maîtrise de l’art oratoire, rarement égalée aujourd’hui dans le champ politique, pour mettre le gouvernement face à la gravité des conséquences de sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire : «Vous êtes responsables devant l’Histoire d’un désastre sanitaire comme la patrie n’en a jamais connu. Vous avez laissé la vague monter en aggravant tout. La dernière loi de financement de la Sécurité Sociale retire encore 800 millions du budget d’économies pour l’hôpital public. À cet instant, des lits continuent à être fermés. »

Enfin, le Président du groupe LFI a lâché une phrase susceptible de terminer un jour dans les livres d’Histoire, quand nos enfants se retourneront sur la crise sans précédent que nous traversons et sur les dizaines de milliers de morts qui endeuillent notre pays : « l’idéologie dans la crise sanitaire, c’est de l’obscurantisme ». Le leader des insoumis a rappelé que le gouvernement refusait toujours le vaccin Spoutnik V et de voter pour la licence public des vaccins à l’OMC, par simple idéologie. Et de conclure : « La France aujourd’hui comme toute l’Europe a confié son sort à une bureaucratie misérable incapable d’organiser la vaccination au point que l’Organisation Mondiale de la Santé vous reproche une lenteur inacceptable. Gens de santé, d’enseignement et de culture, chômeurs livrés à la violence de votre réforme vous dit par ma voix et celle de mon groupe sa colère et son dégoût. »

Par Pierre Joigneaux.