Harry Interactive, la magie des sondages

Cette fois ci on a pu regarder sous le capot du sondage. Publié ce lundi 8 mars par le journal l’Opinion, ce nouveau sondage Harris Interactive nous a bien tiré les yeux. Pourquoi ? D’abord parce qu’il confirme la douche froide pour Anne Hidalgo et Yannick Jadot. Et nous comptons bien sur eux pour arracher quelques poignées de plume aux macronistes déçu du tournant vers l’extrême droite de leur champion. Ensuite parce qu’il attribue des bonus et un malus selon les candidats à la présidentielle, aussi bien qu’on pourrait l’appeler Harry Interactive et l’emmener chez Ollivander choisir une baguette.

On a donc regardé pour voir s’il n’y avait pas malice défavorable aux deux challengers de centre gauche pour améliorer le sort de ce dernier. Et là : surprise et stupeur. En regardant de plus près dans la notice technique légale du sondage, la douche froide qu’ils reçoivent laisse même sortir des glaçons. En effet, si on applique strictement la matrice que le sondeur présente et qui sert à calculer le résultat final, on ne trouve pas les pourcentages pourtant publiés. Entre les deux il y a la part de recette magique sans lequel un sondage serait un potage sans saveur.

Bien sûr, chacun a le droit de penser ce qu’il veut de ces « corrections » apportées dans le secret d’un bureau inspiré. Dommage que le sondeur ne les explique pas lui-même. Au moins pourrait-il les mentionner. Du coup on a trouvé intéressant de comparer les chiffres : avant correction et après.

On découvre alors Anne Hidalgo à 5,1 % annoncée ensuite à 6 % (+0,9) et Yannick Jadot à 6,1% donné à 7% (+0,9). De son côté Xavier Bertrand à 14,1% coté 15 (+0,9) ; Macron à 23 coté 25 (+1,6). Le Pen 23,4 (+1,6). Magique non ? De beaux chiffres, tous ronds, distribués avec un souci d’égalité que la nature ne pouvait atteindre toute seule : + 0,9 pour tout le monde, + 1,6 pour chacun des membres du duo de tête. Encore une fois c’est bien le droit du sondeur de corriger ses résultats bruts en plus des biais de ses questions et de ce que fait déjà la composition de son échantillon.

Cette petite note ne serait pas complète si on ne disait pas un mot du score attribué à notre candidat, Jean-Luc Mélenchon. Dans toutes les hypothèses présentées, il est toujours annoncé à 11 %. Et la correction où est-elle ? Elle est bien là pourtant. Et tout aussi invisible que celle des autres. Mais elle est plus originale !

Car elle a consisté à diminuer son score dans tous les cas. Et pas qu’un peu. Presque autant qu’une marge d’erreur ! C’est a dire qu’il lui est retiré soit 2, soit 2,5 points. Autrement dit avant « corrections », avec la propre matrice publiée par « Harris-interactive », Jean-Luc Mélenchon devrait être annoncé à 13 ou 13,5 %. Ce n’est pas mal si l’on considère qu’il lui serait appliqué encore dans ce cas le plus faible taux de retour d’électeurs de 2017 (seulement 55%) et le plus fort impact de l’abstention. Ni notre propre outil ni les autres sondeurs ne disent cela.

C’est pourquoi le sondage d’Harris « interactive » peut-être considéré comme une œuvre originale et créative qui mérite notre admiration artistique.

Par Pierre Joigneaux.