Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps et un sondage ne fait pas l’élection. A fortiori, dans un contexte aussi inédit et si loin de l’échéance. Pour autant, nous pouvons d’ores et déjà tirer quelques enseignements politiques du sondage Harris paru lundi 25 janvier.
Un paysage non stabilisé et des candidatures en difficulté
Le premier fait marquant de ce sondage, est la douche froide qu’il a occasionné sur tout un secteur de la gauche libérale et Anne Hidalgo en particulier. L’ambition affichée d’atteindre le second tour et de gagner au second tour, se retrouve complétement remis en cause. Avec un score compris entre 6 et 7%. L’hypothèse Hidalgo semble en grande difficulté et démontre une fois de plus le décalage entre l’hallucination collective d’un petit milieu parisien et le pays réel.
Arnaud Montebourg, testé comme candidat du PS, fait encore moins qu’Hidalgo, puisqu’il ne serait crédité que de 5%. Qu’en serait il s’il s’affranchissait de l’étiquette PS ? Sans doute moins. Yannick Jadot, candidat Europe Ecologie les Vert, serait crédité pour sa part entre 7 et 8%. Emmanuel Macron est quant à lui annoncé à un score identique à celui de 2017 : 24%. Après tant de casse sociale, après avoir causé tant de ressentiment dans la population, il garderait donc son socle intact ? Nous verrons ce qu’il en restera après la tempête…
Enfin, les réseaux lepénistes se réjouissent du score attribué à Marine Le Pen (26%). Pourtant, rappelons qu’en 2016 à même distance de la présidentielle, la candidate d’extrême droite était créditée entre 30 et 32%, avant de finir à 21,5%. Qu’en sera-t-il en 2022 ? Nous verrons bien, car la haine et le vide sidéral programmatique ne suffiront pas à convaincre dans un tel contexte politique et social.
Une candidature Mélenchon ancrée dans le paysage
Jean Luc Mélenchon arrive en tête de la gauche dans toutes les configurations. Il serait d’après l’institut Harris à 11% en moyenne. Il s’agit d’un point de départ considérable à ce stade de la campagne. Jamais, le candidat insoumis n’avait démarré aussi haut dans les intentions de vote (3% en 2012, 8% en 2017).
Toutefois, la reconstitution de la matrice des reports de voix en fonction des souvenirs de vote de 2017 (63% des électeurs de Mélenchon de 2017 revoteraient pour lui, ainsi que 16% des anciens électeurs de Hamon et 5% des électeurs de Macron) conduit à un score évalué de 14,5%. L’institut Harris jugeant que ce score serait surévalué du fait d’une supposée abstention différentielle défavorable retire 3,5 points à Jean-Luc Mélenchon pour établir son score à 11%.
Tous les autres candidats ont vu en revanche leur score augmenter (+0.5 pour Jadot et Hidalgo, +1 pour Bertrand, +2 pour Macron, +3 pour Le Pen). Si nous prenons ces éléments pour argent comptant, cela voudrait donc dire que l’électorat susceptible de voter pour le candidat de la France Insoumise, serait de très loin le plus abstentionniste aujourd’hui.
D’autres éléments incohérents apparaissent dans la notice de ce sondage. Ainsi, Jean Luc Mélenchon serait crédité de 14% auprès des femmes et de 8% auprès des hommes. Absurde. D’autant plus que le candidat insoumis obtient en général un score homogène entre les deux sexes. De même pour le score attribué auprès des plus de 65 ans. 4% étant un score peu crédible, même dans une catégorie où les scores de Mélenchon sont empiriquement un peu inférieurs à sa moyenne.
Ces incohérences sont sans doute à mettre sur le compte d’une taille de sous-échantillons beaucoup trop faible statistiquement. Peu importe, l’objet de ce texte n’est pas de critiquer l’industrie des sondages, mais d’essayer de comprendre politiquement et dans les grandes lignes ce que ces indicateurs signifient. Cela démontre l’ampleur de la tâche à accomplir pour les insoumis, mais laisse entrevoir l’immense potentiel restant à conquérir pour emprunter le trou de souris permettant d’atteindre le second tour, remporter la victoire et appliquer le programme l’Avenir en commun dès 2022.
Par Raphael Qnouch