APL. Emmanuel Macron a annoncé mercredi 14 octobre lors de son allocution qu’une « prime exceptionnelle » de 150 euros serait versée à tous les bénéficiaires des aides au logement (APL) et du revenu de solidarité active (RSA). Le Président de la République a menti. Matignon a en effet précisé via une dépêche AFP jeudi que seuls les bénéficiaires du RSA toucheront cette aide. Une douche froide pour des centaines de milliers de Français bénéficiaires des APL, frappés de plein fouet par la crise. Une honte sans nom quand on a en tête les milliards d’euros déversés sans contrepartie sur les entreprises. La fondation Abbé Pierre dénonce « une confusion totale au plus haut sommet de l’État » .
La pauvreté fracasse le pays
Emmanuel Macron était attendu au tournant par des millions de Français mercredi soir pour son allocution présidentielle. La pauvreté fracasse le pays. Des millions de Français ont faim. Dix représentants d’associations dont Emmaüs, la Fondation Abbé Pierre et le Secours Catholique ont été reçus par Jean Castex le vendredi 2 octobre pour demander une hausse des principaux minima sociaux. Les associations tirent la sonnette d’alarme. Elles estiment qu’un million de Français ont déjà basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise sanitaire, et que notre pays devrait atteindre le cap de 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
1 270 000 personnes ont sollicité l’aide alimentaire du Secours Populaire pendant les deux seuls mois de confinement. Et la moitié d’entre elles étaient jusque là inconnues de l’association. « Nous n’avons jamais vécu une situation pareille depuis la Seconde Guerre mondiale » alerte sa secrétaire générale. Un Français sur trois est en perte de revenus. Un Français sur 4 ne mange pas à sa faim. Plus d’un Français sur 2 n’est pas parti en vacances cet été. 800 000 nouveaux chômeurs sont attendus d’ici la fin de l’année. Les demandes de RSA explosent : + 10 % sur l’ensemble du pays. Les demandes alimentaires ont bondi de 30%. Les taux de loyers impayés ont également grimpé durant le confinement. Tous les voyants sont au rouge.
Annonce d’une prime de 150 euros par Macron mercredi, démentie par Castex jeudi : une confusion totale au plus haut sommet de l’État
Critiqué pour avoir oublié les ménages les plus précaires dans son « plan de relance », Emmanuel Macron était donc attendu au tournant. Mercredi 14 octobre, à l’occasion de son allocution, le Président de la République annonce devant des millions de Français « une aide exceptionnelle » de six semaines de 150 euros pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de l’aide personnalisée au logement (APL). Et le Président de préciser : « ce qui touche tous les jeunes, les 18-35 ans ». Une prime de 100 euros par enfant étant annoncée en plus.
Après ne leur avoir consacré que 800 millions d’euros sur les 100 milliards d’euros du « plan de relance », enfin un geste du gouvernement vers les Français les plus pauvres ? Que nenni ! C’est par une dépêche de l’AFP que tombe l’incroyable démenti de Matignon jeudi : seuls les bénéficiaires du RSA toucheront cette aide de 150 euros. Les bénéficiaires des APL sont donc purement et simplement oubliés. Pire. Le Président de la République annonce à ces 6 millions de Français une aide exceptionnelle le mercredi soir en prenant le soin de préciser qu’elle touchera les jeunes. Les moins de 25 ans sont pourtant exclus du RSA. Aucun jeune de 18 à 25 ans ne pourra donc toucher ces 150 euros, contrairement à ce qu’a affirmé Emmanuel Macron mercredi soir. Un mensonge qui fait l’effet d’une douche froide. Une honte quand on pense aux 20 milliards d’euros déversés « en même temps » par le gouvernement sur de grosses entreprises licenciant des milliers de Français à tours de bras.
Le « plan de relance » du gouvernement : une politique économique absurde
Une honte quand on a en tête les mesures du début du quinquennat, la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et l’instauration de la « flat tax », qui ont eu pour conséquences de faire exploser les revenus des 0,1% les plus riches et la distribution de dividendes dans ce pays. Une honte quand on sait que ces milliards d’euros d’aide publique partent essentiellement dans la sphère financière. Le « plan de relance » du gouvernement, sorte de CICE géant, ne pose en effet aucune contrepartie en termes de création ou de maintien de l’emploi. Résultat : les plus grosses entreprises de notre pays, 0,01% des entreprises captant 25% des aides du plan de relance, vont pouvoir continuer à se gaver d’argent public tout en licenciant et en engraissant leurs actionnaires. Un joli ruissellement.
Une autre politique économique que cette politique de soutien aveugle à l’offre existe pourtant. Un véritable plan de relance consisterait en effet à augmenter les revenus des ménages les plus pauvres. Ces derniers utiliseraient en effet immédiatement ce surplus d’argent pour le dépenser dans l’économie réelle. Les bénéficiaires du RSA et des APL ne plaçant que très peu leur argent dans la sphère financière. Trois quarts de l’épargne placée durant le confinement est en effet le fait des 20% les plus riches de notre pays. Les 20% des Français les plus pauvres, eux, n’ont pas du tout épargné pendant les mois de confinement. Ces 150 euros d’aide aux 6 millions de Français bénéficiaires des APL auraient donc immédiatement été réinvestis dans l’économie réelle. Contrairement aux 20 milliards d’euros du plan de relance consacrés aux plus grandes entreprises, qui prendront le même chemin que les 90 milliards d’euros du CICE : les poches des actionnaires.
Le député insoumis Éric Coquerel a interrogé le gouvernement ce vendredi 16 octobre à l’Assemblée nationale sur ce revirement de situation concernant cette aide « exceptionnelle » de 150 euros. Sur ce scandale que la Fondation Abbé Pierre a qualifié de « confusion totale au plus haut sommet de l’État ». Affaire qui démontre une nouvelle fois, après la gestion gouvernementale calamiteuse de la crise sanitaire, l’amateurisme du gouvernement. Le ministre, pourtant présent dans l’hémicycle, a refusé de répondre. Les millions de Français bénéficiaires des APL frappés par la misère qui fracasse notre pays, apprécieront. Le Président des riches semble plus que jamais mériter son surnom.
Par Pierre Joigneaux.