Ruissellement. Deux rapports explosifs viennent de sortir en ce début octobre 2020. Un premier rapport de la banque suisse UBS nous apprend que la fortune des milliardaires français a augmenté de 439 % ces dix dernières années. Un second rapport, du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité, publié ce jeudi 8 octobre, et piloté sous l’égide de « France Stratégie », institution rattachée au Premier ministre, dresse un tacle assassin à la politique d’Emmanuel Macron. La suppression de l’ISF et l’instauration de la « Flat Tax » au début du quinquennat, ont eu pour conséquences de faire exploser les revenus des 0,1% les plus riches, notamment à travers l’explosion de dividendes. Alors que la pauvreté fracasse le pays, le gouvernement s’entête dans sa politique de l’offre avec son « plan de relance », croyant toujours aveuglement dans la théorie du « ruissellement ». Des milliards pour les entreprises, des miettes pour le peuple. Ça ruisselle fort.
La pauvreté explose en France
Dix représentants d’associations dont Emmaüs, la Fondation Abbé Pierre et le Secours Catholique ont été reçus par Jean Castex le vendredi 2 octobre pour demander une hausse des principaux minima sociaux. Il semblerait que l’oreille du Premier ministre soit plus tournée vers le MEDEF. Dans le plan de relance du gouvernement de 100 milliards d’euros, 20 milliards sont destinés aux entreprises. Et seulement 800 millions d’euros pour les ménages les plus précaires, soit seulement 0,8% du plan de relance nous alerte la Fondation Abbé Pierre.
Pourtant, l’urgence sociale est là. Les associations tirent la sonnette d’alarme. Un million de nouveaux pauvres depuis le début de la crise sanitaire. 1 270 000 personnes ont sollicité l’aide alimentaire du Secours Populaire pendant les deux seuls mois de confinement. Et la moitié d’entre elles étaient jusque là inconnues de l’association. « Nous n’avons jamais vécu une situation pareille depuis la Seconde Guerre mondiale » alerte sa secrétaire générale. Un Français sur trois est en perte de revenus. Un Français sur 4 ne mange pas à sa faim. Plus d’un Français sur 2 n’est pas parti en vacances cet été. 800 000 nouveaux chômeurs sont attendus d’ici la fin de l’année. Les demandes de RSA explosent : + 10 % sur l’ensemble du pays. Les demandes alimentaires ont bondi de 30%. Les taux de loyers impayés ont également grimpé durant le confinement. Tous les voyants sont au rouge. Mais le gouvernement s’entête.
La suppression de l’ISF et la « flat tax » ont fait exploser les revenus des 0,1% les plus riches et la distribution de dividendes en France
Le plan de « relance » du gouvernement nous démontre qu’il est plus que jamais convaincu. Sa croyance ? La politique de l’offre. Distribuer des milliards aux entreprises sans aucunes contreparties. Et attendre que ça ruisselle. Problème, ça ne ruisselle pas. France Stratégie, institution rattachée au Premier ministre, qu’on ne peut donc pas soupçonné de « gauchisme », était déjà venue sévèrement tacler le CICE dans un premier rapport publié à la rentrée. 90 milliards d’euros déversés sur les entreprises entre 2013 et 2017, soit 18 milliards d’euros par an, pour la maudite création de… 100 000 emplois. Un coût faramineux de 900 000 euros par emploi créé. De l’argent public gaspillé, envoyé directement dans les poches des… actionnaires. Les dividendes sont en effet passés sur la même période, de 34 milliards d’euros en 2013, à 39 milliards d’euros en 2017.
Un nouveau rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité piloté par France Stratégie, publié ce jeudi 8 octobre, dresse un précieux constat sur les conséquences de la politique économique d’Emmanuel Macron. Et notamment de deux mesures du début du quinquennat. La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et l’instauration de la « flat tax » ont fait exploser les revenus des 0,1% les plus riches et la distribution de dividendes en France. Passant de 14,3 milliards en 2017, à 23,2 milliards en 2018, les dividendes ont ainsi explosé lors de la première année du quinquennat de plus de 60% ! Ces dividendes sont de plus en plus concentrés dans la population. En 2018, ce sont 0,1 % des foyers fiscaux, soit 38 000 personnes, qui ont ainsi perçu les deux tiers de ces 23,2 milliards d’euros de dividendes. Parmi eux, 0,01% des foyers fiscaux, soit 3 800 ultras riches ont capté à eux tout seul le tiers de ces 23 milliards d’euros.
« Plusieurs éléments laissent clairement penser que la forte hausse des dividendes reçus par
les ménages en 2018 est en partie causée par la réforme du PFU ». L’organisme d’évaluation et de prospective rattaché à Matignon pointe ici la création d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU ou « flat tax ») de 30 % sur les revenus du capital, appliquée dès le 1er janvier 2018. Dont on mesure aujourd’hui les conséquences. Un autre rapport, publié début octobre par la banque suisse UBS et le cabinet d’audit et de conseils PWC, pointe lui aussi l’explosion de l’extrême richesse en France. La fortune cumulée des milliardaires français est ainsi passée de 82 milliards de dollars en 2009, à 442 milliards de dollars en 2020, malgré le Covid. Soit une augmentation de la fortune des milliardaires français de 439 %. Des riches toujours plus riches, des pauvres toujours plus pauvres. L’extrême pauvreté et l’extrême richesse explosent en France. Ces deux réalités sont inséparables. De l’enfer des pauvres est fait le paradis des riches. On attend toujours le ruissellement.
Par Pierre Joigneaux.