Les droits des personnes LGBTI ne sont, malheureusement, jamais définitivement acquis. Ils sont niés, contestés partout dans le monde. Au cœur même de l’Union européenne, en Pologne, le fléau homophobe prospère. Ce pays, membre de l’Union depuis 2004, et cinquième puissance européenne connaît depuis de nombreuses années des attaques régulières contre les droits LGBTI.
Ces attaques se sont intensifiées au cours des derniers mois. La Pologne est actuellement en pleine campagne présidentielle ; c’est dans ce contexte que le président sortant, Andrzej Duda, candidat à sa réélection s’est illustré par une série de gestes et propos particulièrement inquiétants. Ainsi, le 10 juin, Duda a signé une « Charte de la famille » par laquelle le candidat s’engage à protéger les enfants de « l’idéologie LGBT » et à interdire « la propagation de l’idéologie LGBT dans les institutions publiques ».
Quelques jours auparavant, il déclarait à l’occasion d’un meeting que « l’idéologie LGBT est pire que le communisme ». Cette comparaison récurrente dans le discours homophobe polonais vise à dénoncer le caractère prétendument étranger d’un idéal d’égalité « contre-nature », puisque remettant en cause la vision traditionnelle, hiérarchique et chrétienne du monde. Duda s’engageait aussi à adopter une loi contre la propagande LGBT, calquée sur le modèle russe. Nationalistes polonais et russes, qui d’ordinaire se haïssent, se réconcilient quand il s’agit de lutter contre l’égalité des droits.
Les initiatives homophobes gangrènent le pays
Ces actes du président Duda ne viennent pas de nulle part. Ils sont l’aboutissement d’une prolifération impunie des initiatives homophobes en Pologne à tous les niveaux du pays. Cela fait ainsi plusieurs mois que différentes collectivités territoriales polonaises, des villes et des régions entières, ont décidé de se déclarer comme étant des « zones libres de LGBTI ».
Ce mouvement a commencé en juillet 2019, lorsque le journal Gazeta Polska, l’un des principaux journaux du pays et soutien au gouvernement polonais du PiS, distribuait des autocollants « zone libre de LGBTI » à destination principalement des devantures de commerce de proximité. Cela faisait suite à une décision de la Cour constitutionnelle polonaise plus tôt dans l’année, qui donnait raison à un imprimeur polonais qui avait refusé, en 2016, d’honorer la commande d’une organisation LGBTI.
À la suite de cela, entre juillet et décembre 2019, ce sont 80 communes polonaises qui se sont déclarées zones libres, dans lesquelles les entreprises peuvent refuser de servir des personnes LGBTI au motif que cela ne respecterait pas leur liberté de conscience religieuse. Depuis, la situation n’a cessé de se dégrader et concerne notamment cinq voïvodies (l’équivalent de nos régions) ; c’est désormais environ le tiers de la population polonaise qui vit dans « zones libres de LGBTI ». Cette situation d’homophobie institutionnelle est le couronnement d’années de discours homophobes portées par la droite et l’Église catholique polonaises qui entendent mener une véritable croisade contre l’égalité.
L’Union européenne passive face à cette situation
Face à cette situation sans précédent dans l’un de ses États membres, quelle a été la réponse de l’Union européenne ? La Commission européenne, si prompte et intransigeante lorsqu’il s’agit de sanctionner les États qui ne respectent pas l’austérité et la concurrence libre et non faussée, est bien timide lorsqu’il s’agit de défendre les droits humains et l’égalité. Il aura fallu attendre le début du mois de juin 2020 pour que la Commission envoie une lettre aux exécutifs des cinq voïvodies concernées, pour leur rappeler que les fonds européens qu’elles reçoivent doivent servir à financer des projets promouvant « l’égalité et la non-discrimination en raison de l’orientation sexuelle».
Le Conseil, pour sa part, se mure dans un silence coupable, et le président Macron, en visite en Pologne au début du mois de février, n’a pas eu un mot pour condamner la situation actuelle, confirmant ainsi son inaction radicale en faveur de l’égalité des droits. Il n’y a que le Parlement européen pour condamner fermement ce qui est en train de se passer, notamment par le vote d’une résolution du mois de décembre 2019 intitulée « Discrimination publique et discours de haine à l’égard des personnes LGBTI, notamment les zones sans LGBTI. »
Les eurodéputés insoumis se sont grandement impliqués dans ce combat au Parlement. Dès juillet 2019, Anne-Sophie Pelletier intervenait en commission « Libertés civiles, justice et affaires intérieures » pour dénoncer ce qui se tramait en Pologne.
Le chef de la délégation France insoumise au Parlement européen, Manuel Bompard, intervenait en décembre en séance plénière pour alerter sur la croisade contre l’égalité menée par les autorités polonaises.
En mars, Manuel Bompard signait, avec 45 autres eurodéputés, une lettre demandant aux universités polonaises de protéger leurs étudiants LGBTI.
L’offensive impunie contre les droits LGBTI en Pologne illustre toutes les faillites de l’Union européenne qui protège avec force les puissances de l’argent, mais ne fait rien pour garantir la protection des droits humains, que ce soit les droits des personnes LGBTI ou les droits économiques et sociaux qu’elle démantèle à coup de directives. L’Union européenne n’est en rien une union de l’égalité et nécessite de nouveaux traités pour organiser une Europe de l’égalité et de l’émancipation.
Par Camille Verneuil.