« Journalistes, reprenez la parole ! ». C’est ainsi que la Société des Journalistes de la rédaction nationale de France 3 a décidé de titrer un communiqué rendu public ce 9 mai 2025.
En responsabilité, les journalistes de France 3 y dénoncent les pressions et les manœuvres imposées par leur direction pour invisibiliser le traitement de sujets qui dérangent l’officialité politico-médiatique.
Du génocide des Gazaouis au projet de loi de réforme de l’audiovisuel public soutenu par la directrice générale de France Télévisions, du meurtre islamophobe d’Aboubakar Cissé à la récente mobilisation du 1er mai, les langues finissent par se délier dans un média majeur du service public contre une direction prête à bloquer des évolutions de carrières pour imposer son agenda et celui du pouvoir. Notre article.
« Chez France Télévisions, en particulier, à la rédaction nationale, la très grande majorité des journalistes a appris à se taire »
« Chez France Télévisions, en particulier, à la rédaction nationale, la très grande majorité des journalistes a appris à se taire. Le plus souvent par crainte. Crainte de se faire mal voir en exprimant un désaccord, sur telle ou telle décision éditoriale ou organisationnelle. »
Vous avez bien lu. Ces mots ne sont pas ceux des journalistes d’une autocratie revendiquée et de ses médias de propagande explicitement au service du pouvoir. Ces mots, ce sont ceux de la Société des Journalistes (SDJ) de la rédaction nationale de France 3 pour dénoncer leur direction.
En ligne de mire, les pressions hiérarchiques pour l’invisibilisation de thèmes et sujets qui dérangent l’officialité médiatique. Obstruction dans les évolutions de carrière, mise à l’écart des missions valorisées, « tentatives d’intimidation » d’une membre du bureau de la Société des Journalistes, tous les moyens sont bons pour empêcher de parler des sujets qui fâchent.
Et les journalistes de France 3 vont jusqu’à évoquer des thèmes, des cas précis.
Ainsi, au jour de l’évènement, la SDJ s’interroge sur l’absence de sujet sur le meurtre islamophobe d’Aboubakar Cissé dans une mosquée, et se demande si « l’information serait passée inaperçue s’il s’était agi d’un autre lieu de culte ? ».
Les journalistes de France 3 interrogent également le fait que leur chaîne ait été l’un des seuls médias à ne pas traiter de la loi relative à la réforme de l’audiovisuel public, loi contestée par un grand nombre de journalistes, mais – quel hasard ! – soutenue par la présidente de France Télévisions et portée par le gouvernement.
Plus récemment, pour le 1er mai, alors que plusieurs centaines de milliers de Françaises et de Français ont défilé partout en France pour la journée internationale des droits des travailleurs, la SDJ dénonce le fait que le 20 heures n’en a pas fait de titre.
Entre invisibilisation et séquences abjectes : le service public n’a rien à envier aux médias des milliardaires dans l’indignité de leur traitement du génocide à Gaza
Autre exemple donné par la SDJ de France 3 : Gaza.
« Pourquoi si peu de sujets à l’antenne ? Pourquoi cette différence de traitement alors que les sujets sur l’Ukraine ne manquent pas dans nos journaux ? Nous pourrions, eu égard à l’horreur qui s’y déroule chaque jour, au moins relater ce qui s’y passe via les images fournies par les agences » dénoncent notamment les journalistes, avant de s’en prendre à la silenciation de la mobilisation de journalistes le 16 avril dernier pour dénoncer l’assassinat de plusieurs centaines de leurs confrères palestiniens depuis octobre 2023.
Par-delà même cette invisibilisation, le traitement du génocide des Gazaouis par le service public n’a rien à envier à celui des médias dominants sous emprise des milliardaires et de leurs agendas réactionnaires.
Ainsi sur France Info par exemple, on ne compte plus les séquences abjectes et indignes de l’impératif d’impartialité du service public.
Pour aller plus loin : « Gaza « Côte d’Azur », et si c’était possible ? » – Ce débat hallucinant lancé sur France Info
Mentionnons seulement, au mois de février dernier, l’organisation d’un débat sur la transformation de Gaza en « Côte d’Azur du Moyen-Orient » ; la soumission de France Télévisions aux soutiens du génocide suite à un bandeau mentionnant l’existence d’otages palestiniens en Israël ; et les sous-entendus racistes de l’animateur Gilles Bornstein au sujet du génocide à Gaza il y a à peine un mois.
Renforcer et démocratiser le service public de l’audiovisuel : les propositions de la France insoumise et de son programme « L’Avenir en Commun »
« Honte de la République ». Voilà comment Emmanuel Macron qualifiait en 2017 l’audiovisuel public. De baisses de budget en fermeture de chaîne, il n’a par la suite cessé de lui réaffirmer son mépris.
En 2025, les coupes budgétaires successives de la Macronie dans les moyens de l’audiovisuel public l’ont conduit à établir un budget en déficit pour la première fois depuis neuf ans, obligeant le service public de l’audiovisuel à tailler dans « le niveau de ses effectifs et la maîtrise de sa masse salariale, les dépenses de programmes et les projets d’investissements ».
Pour aller plus loin : Pour une révolution citoyenne dans les médias – Les propositions de LFI et de son programme actualisé pour une information libre et indépendante
S’en prenant à la capacité même de l’audiovisuel public à remplir sa mission de service public de délivrance d’une information indépendante, fiable et pluraliste, Macron prépare en creux sa privatisation, ardemment appelée de ses vœux par le Rassemblement National. Comme avec tous les services publics, Emmanuel Macron fragilise l’audiovisuel public, dégrade mécaniquement la qualité de son service, puis l’instrumentalise pour justifier une nécessité de privatisation.

Sommet de ce projet, Emmanuel Macron a supprimé en 2022 la redevance télé, jusqu’alors ressource vitale de l’audiovisuel public. Pour y faire face et pour garantir le financement de l’audiovisuel public, la France insoumise défend l’instauration d’une contribution audiovisuelle dédiée, universelle et progressive. Seule cette solution permettra de sauver l’audiovisuel public, tout en étant une solution plus juste socialement pour les nombreux foyers fiscaux qui en seront redevables.
Renforcé dans ses moyens, l’audiovisuel public doit aussi, à l’image des médias privés, être démocratisé. La France insoumise propose ainsi de donner aux usagers de l’audiovisuel public des droits sur sa gouvernance. Mesure éminemment nécessaire pour que l’audiovisuel public cesse de ne parfois être autre chose que la caisse de résonance du pouvoir et de son agenda de plus en plus réactionnaire, les présidents de France Télévisions et de Radio France doivent être élus par le Parlement.
Pour aller plus loin : Nathalie Saint-Cricq nommée directrice de la rédaction nationale de France Télévisions : la soumission du service public au pouvoir continue
Pour rappel, après son élection en 2017, Emmanuel Macron avait fait désigner à la tête de Radio France une ancienne camarade de promo à l’ENA. La même année, il avait nommé à la tête de La Chaîne Parlementaire – Assemblée nationale un réalisateur de documentaire l’ayant suivi pendant la campagne présidentielle de 2017.
Enfin, des langues se délient !
« Enfin ! Les bouches s’ouvrent dans un média majeur du service public contre l’invisibilisation de l’actualité qui dérange l’officialité politico médiatique. Les journalistes de France 3 plaident pour une information complète et contradictoire » a notamment réagi Jean-Luc Mélenchon.
Ce communiqué fait en effet éclater d’une manière peut-être encore plus explicite que jusqu’alors, et de la bouche des intéressés eux-mêmes, toute l’impartialité d’un service public n’ayant plus de public que le nom, dont l’autoritarisme et l’absence de débat interne dénoncée par la SDJ de France 3 sont dirigés tout entiers au service des intérêts et des projets d’une bourgeoisie de plus en plus réactionnaire, et assurément génocidaire.
Par Eliot Martello-Hillmeyer