Uranium : une mythique envolée et la place fondamentale de la France

Uranium. Métal aux propriétés atomiques particulières, tantôt salvateur, source d’énergie ; tantôt ravageur, arme ultime. Forgé dans les étoiles et agrégé lors de la formation de notre astre, l’uranium constitue l’élément indispensable à l’industrie nucléaire qu’elle soit civile ou militaire. La France, par sa filiale Orano, est un acteur parmi les plus importants au monde. […]

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Uranium. Métal aux propriétés atomiques particulières, tantôt salvateur, source d’énergie ; tantôt ravageur, arme ultime. Forgé dans les étoiles et agrégé lors de la formation de notre astre, l’uranium constitue l’élément indispensable à l’industrie nucléaire qu’elle soit civile ou militaire. La France, par sa filiale Orano, est un acteur parmi les plus importants au monde. Comprendre les enjeux autour de cette ressource et le rôle historique de notre pays, c’est d’abord comprendre ce qu’est cette ressource. Un article rédigé par le groupe thématique Énergie de la France insoumise. Notre article.

Uranium : le mauvais pari de la France

L’uranium est un élément très répandu dans le manteau terrestre, plus abondant encore que l’or ou l’argent. Son existence et sa radioactivité contribuent à entretenir en énergie thermique les profondeurs du globe. Si sa présence solide est importante, c’est également le cas de sa présence liquide. Les océans contiennent 4,5 milliards de tonnes d’uranium dissous. L’ennui avec cette abondante ressource, c’est que ni les centrales, ni les bombes ne fonctionnent directement avec des pelletées de minerais ou des seaux d’eau de mer. L’uranium est abondant certes, mais très peu concentré dans le sol ou l’océan.

Il s’agit de l’aspect essentiel à comprendre. C’est cette concentration inégale de matière qui justifie d’être présent dans tel ou tel pays du monde ou encore de ne pas récupérer l’uranium océanique. Il faut qu’en bout d’équation, ni le coût, ni l’énergie investis ne soient supérieurs aux recettes ou à l’énergie récupérées. Au cours de l’Histoire, la France a parié à de nombreuses reprises sur une envolée du prix de l’uranium lui permettant l’exploitation de certains gisements.

Cette envolée n’a jamais eu lieu. Chaque accident nucléaire produisant l’effet inverse, certains des projets miniers d’Areva n’ont jamais vu le jour, et ce, malgré les investissements économiques mais surtout humains. Rappelons que l’exploitation minière relève très souvent de pratiques coloniales dont les populations locales pâtissent in fine. Ce rapport de domination a cours systématiquement dans les pays en quête de développement et d’émancipation.

Pour aller plus loin : Se passer des énergies fossiles et du nucléaire : une révolution possible et désirable

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À l’inverse, dans les pays dit « du Nord », l’industriel y est marginalisé, sa présence est secondaire au Canada et difficilement tolérée en Australie. C’est aussi parce que la France a tant parié sur l’envolée des prix de l’uranium, qu’elle s’est ardemment engagée dans le retraitement du combustible nucléaire usé. Cette filière censée « recycler » la matière peine à convaincre de son utilité. Elle n’a plus d’avenir pour les deux usages qui sont faits de l’uranium : les limites de la dissuasion nucléaire sont atteintes dès lors que depuis l’espace, il est possible d’en priver son usage a un pays détenteur ou d’en localiser l’emplacement.

De même que le prix de marché de l’uranium ne représente que 6% du tarif de vente de l’électricité, le doublement de cette valeur marchande n’aurait que peu d’incidence sur le tarif final payé par l’usager, en tout cas, bien moins d’incidence que l’organisation elle-même du marché de l’électricité. La seule hypothèse de pérennisation du retraitement, serait d’aboutir à une industrialisation de réacteurs capables d’utiliser la partie non utilisable de l’uranium : les réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides, thématique chère à nos politiques nucléocrates. Car oui, en plus d’être peu concentré, seulement 0,72% de l’uranium naturel est utile en l’état actuel des technologies, il faut donc beaucoup, beaucoup de minerais pour faire tourner une centrale ou exploser une bombe.

En Afrique, jusqu’où aller, afin d’exploiter les ressources ?

Peu d’entreprises dans le monde sont chargées des activités de production de l’uranium. Pour la France c’est la société à capitaux publics Orano (anciennement Areva) qui les réalise. Le sol français ne disposant plus de gisements économiquement rentables, notre pays mise sur de bonnes relations diplomatiques pour entretenir de bons rapports commerciaux. Et c’est là que le bât blesse.

Nos forces diplomatiques et notre capacité à être entendu à l’international sont rudement mises à mal depuis ces 7 dernières années de macronisme. La détestation grandissante vis-à-vis des autorités de notre pays en Afrique en est la pleine illustration. Le Niger notamment, pays parmi les plus pauvres de la planète, compte beaucoup sur la rente minière de l’uranium pour s’extirper de sa condition. L’industriel Areva a souvent bénéficié d’un soutien du gouvernement nigérien pour permettre le développement minier.

Durant des décennies, les populations locales les plus hostiles, qui sont souvent les plus exposées aux impacts sociaux et environnementaux, ont été réprimées par la force. C’est ce qu’avait rapporté à l’Assemblée Nationale en 2008, Issouf Ag Maha, ancien maire d’une commune proche de la mine d’Imouraren entre Arlit et Agadez et devenu réfugié politique en France depuis le coup d’Etat militaire de 2023.

Malgré cette forme de soutien gouvernemental, Areva a toujours traîné des pieds pour lancer l’exploitation de la mine d’Imouraren, les cours du marché de l’uranium ne s’étant jamais envolés, le gisement considéré comme l’un des plus importants du monde n’a jamais atteint le seuil de rentabilité escompté. Pourtant un rapport d’Oxfam paru en 2013 met en lumière les avantages fiscaux particuliers dont tire profit Areva au Niger pour maximiser ses marges.

La junte militaire actuellement au pouvoir, ne voit plus du même œil les déséquilibres commerciaux historiques et cette façon qu’à Areva (devenu Orano) de s’éterniser. Ainsi, après avoir exigé de renégocier les contrats et lui avoir retiré son permis d’exploitation d’Imouraren en juin 2023, les autorités nigériennes ont en décembre 2024 « pris le contrôle » de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr) filiale nigérienne détenu à 63,4% par Orano.

En Asie, rien n’arrête le tropisme nucléaire français, pas même les forêts d’arbres endémiques protégés

Les déboires namibiens conjugués aux déboires nigériens poussent Orano à recentrer ses activités vers l’Asie, après bien sûr, une énième compensation de ses pertes financières par l’Etat français. C’est là-bas, en Asie centrale, que l’écrasante majorité de l’uranium dans le monde est extraite. Au Kazakhstan l’uranium est uniquement récupéré par lixiviation in situ, c’est-à-dire qu’une solution chimique particulière, pour ne pas dire de l’acide, est injectée dans la roche pour en détacher l’uranium et le récupérer par pompage. Cette technique évite la création de mine à ciel ouvert et donc évite de transformer profondément la zone d’exploitation.

Le problème, c’est que la solution injectée laisse une concentration élevée de métaux lourds dans les eaux souterraines en plus de libérer d’énorme quantité de radon, un gaz radioactif, et de produire des boues radioactives dont on ne sait que faire ensuite et qu’il convient de stocker. Mais rien n’arrête notre tropisme nucléaire, pas même les forêts d’arbres endémiques protégés.

En 2019, le Figaro nous informe de la “discrète visite de Bruno Le Maire à Nour-Soultan”. Cette visite du ministre permit, moyennant compensation, le “nettoyage” de la forêt en réglant des “tracasseries administratives”. Comprenez que, l’interdiction de couper les saxaouls dans le pays, seul arbre capable de pousser dans les déserts kazakhs, n’arrange pas les affaires de l’industriel quant il s’agit de s’agrandir.

Pourtant des affaires les français savent faire. Surtout si le pays concerné est fraîchement sorti de dictature et ouvert au monde comme en Ouzbékistan. Ce n’est pas moins de sept poids lourds de l’ingénierie et de l’industrie française qui sont implantés dans le pays en plus d’Orano, qui depuis 2020, explore un gisement composé de trois champs d’uranium de grès (roche). Cette caractéristique minière induit une exploitation peu coûteuse, que l’exécutif ouzbek réserve d’ordinaire aux investisseurs internes. Les compagnies étrangères sont normalement appelées à investir des gisements plus complexes si elles souhaitent s’y implanter.

Plus à l’Est, la Mongolie attise aussi les convoitises d’Orano. L’économie mongole repose essentiellement sur les exportations minières importantes de cuivre et de charbon. Les dernières estimations en date, placent la Mongolie comme l’un des principaux (potentiels) fournisseurs d’uranium dans le monde. Il est alors curieux que depuis la Seconde Guerre mondiale seulement 535 tonnes d’uranium aient été extraites par la Russie de 1989 à 1995.

Orano, présent en Mongolie depuis 1997, se confronte déjà aux populations locales pour qui la ‘terre-mère” est sacrée. Un collectif de citoyens mongols à proximité de l’exploitation, lui reproche d’être à l’origine de pollutions des eaux souterraines ayant provoqué des malformations de cheptel, des cancers et des fausses couches. Malheureusement dans un pays reconnu pour être l’un des plus corrompu au monde par Transparency International, il y a fort à parier pour que la véracité des rapports environnementaux contredisant les accusations portées devant la justice, ne soit quelque peu édulcorée et que les plaintes ne finissent par être déboutées.

Empêtrée dans une affaire de corruption d’agents publics mongols depuis 2018, Orano acceptera en décembre 2024 de s’acquitter d’une amende de 4,8 millions d’euros pour mettre fin à ses poursuites et “traiter le passé”. Cette amende est complétée par un programme de “mise en conformité” à hauteur de 1,5 millions d’euros. Sans plus de précisions à cet égard, peut-on imaginer que cela concerne les projets miniers dans le désert de Gobi, octroyés aux faveurs dudit partenariat mis en cause ?

Quelles que soient les guerres, le nucléaire ne souffre d’aucun embargo

La fonte des glaces dûe au réchauffement climatique, à pour conséquence directe de rendre plus accessible certaines ressources enfouies. Une aubaine pour certains, une calamité pour d’autres, le Groenland en est la version politique condensée. En début d’année 2021, une semaine après avoir accordé à Orano deux permis d’exploration minière, le gouvernement social-démocrate groenlandais se déchire sur un autre projet d’ampleur pour extraire des terres rares et de l’uranium.

Des législatives anticipées sont organisées, à l’issue desquelles une coalition gauche-écologiste, farouchement déterminée à ne plus subir les pollutions liées aux activités minières, arrive en tête. Elle ne tardera pas une fois investie, à interdire l’exploitation d’uranium du gisement convoité par le consortium sino-australien, de quoi refroidir les ardeurs du groupe français, qui renoncera à toute exploration quelques mois seulement après l’annonce et l’obtention de ses permis.

EDF affirme que la diversification de son approvisionnement lui garantie d’alimenter en matière fissile son parc nucléaire. Cette affirmation prise avec du recul laisse apparaître une emprise sino-russe plus ou moins forte suivant les pays fournisseurs. On constate que l’Afrique compense son éloignement français avec de plus en plus de partenariats russes et chinois. Entre culture et dépendance, proximité géographique et histoire, l’Asie centrale dans son ensemble entretient des relations étroites avec la Russie et la Chine.

Plusieurs de ces pays, dont le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, ont déjà postulé pour intégrer l’alliance économique des BRICS. Encore aujourd’hui, une part importante de l’uranium extrait dans les mines kazakh et ouzbek transite par la Russie via l’entreprise d’État Rosatom (agence de l’énergie russe). La Mongolie, vantée comme seule démocratie de la région, reconnaissant de surcroît la cour pénale internationale, n’a pourtant pas mis en exécution le mandat d’arrêt à l’encontre de V. Poutine, lors de sa visite à Oulan-Bator en septembre 2024. Notre “indépendance” énergétique ne repose donc que sur le bon vouloir de la Russie et de la Chine à n’appliquer aucune sanction.

La France s’illustre tristement par son suivisme étasunien, son indignation à géométrie variable et ses relations diplomatiques instables. Cet état de fait nous éloigne du statut de nation universaliste fiable et pourrait avoir des répercussions immédiates en cas de conflit aggravé avec l’une ou l’autre de ces puissances, bien que, il a été prouvé à de nombreuses reprises que, quelque soit les guerres, le nucléaire ne souffre d’aucun embargo.

Par le Groupe Thématique Énergie de LFI

Crédits photo : « Uranium Ore in Barrels (03010300) », Dean Calma / IAEA, Flickr, CC BY-SA 2.0, pas de modifications apportées.

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