56 % des personnes handicapées ont des problèmes pour se loger. Plus de la moitié des personnes discriminées lors de l’accès au logement le sont de leur handicap. Pire : personne à mobilité réduite met environ 2 ans pour trouver un logement.
Par ailleurs, seulement 18 % des logements seraient considérés comme accessibles, et 6 % seulement seraient accessibles et adaptés.
Une situation qui traduit la dégradation continue des politiques dédiées aux personnes handicapées, accélérée sous Emmanuel Macron. Pour pallier cette situation, la députée LFI Anaïs Belouassa Cherifi a déposé une proposition de loi transpartisane à l’Assemblée nationale sur le logement des personnes handicapées. L’objectif : leur assurer une réelle accessibilité aux logements. Notre article.
Un logement accessible pour tous et toutes ?
Un logement est dit accessible si une personne peut y monter, y entrer, y circuler… Il est adapté s’il répond aux besoins particuliers de la personne qui y vit. Concrètement, cela implique non seulement la présence d’un ascenseur fonctionnel, mais aussi la présence d’une salle de bain d’une certaine taille, d’une douche à l’italienne, une certaine hauteur pour les interrupteurs ou encore une largeur minimale pour les encadrements de porte par exemple.
En France, seulement 18 % des logements sont accessibles et 6 % sont accessibles et adaptés. Le problème de l’accès au logement pour les personnes handicapées est. 56 % des personnes handicapées ont des problèmes de logement contre 28 % dans la population générale. Une vraie inégalité dans tous les types de logements, qu’ils soient publics, privés ou liés au logement étudiants.
Cette question est liée avec l’accompagnement à la vieillesse. En effet, le handicap est évolutif et peut parvenir au cours de la vie. Selon l’enquête d’autonomie DRESS en 2022, sur les 300 000 personnes qui ont des difficultés à sortir sans assistance de chez elles, 187 000 ont plus de 64 ans… Le droit au logement est un droit constitutionnel depuis 1995, mais ce droit n’est absolument pas effectif pour les personnes handicapées… Cela a été remis en avant par le rapport de la commission des droits humains qui a montré en janvier 2025 l’ineffectivité de ce droit pour les PMR (personnes à mobilité réduite).
De 2005 à la loi ÉLAN, une dégradation du cadre législatif sur les questions de handicap
Pourtant, en 2005, il y avait une ambition forte en matière de handicap. La loi dispose que « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus de tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté ». Plus concrètement, elle rend obligatoire l’accessibilité dans un certain nombre de lieux publics comme la rue, les gares, les transports et dans l’ensemble des logements, à l’exception de ceux réalisés par les propriétaires pour leur propre usage. C’est une grande avancée pour les personnes handicapées.
Mais au cours des années, des reports successifs de ses objectifs et des multiples dérogations accordées, ces ambitions ont été réduites. En matière de logement, le coup de grâce a été porté par la loi ELAN de 2018. En effet, dans son article 64, il est écrit que dans les habitations collectives, seuls 20 % des logements doivent être accessibles avec un minimum d’un logement par habitation.
Pour les 80 % restants, il est prévu qu’ils soient adaptables, c’est-à-dire que des travaux pour les rendre accessibles peuvent être réalisés ultérieurement. Le problème, c’est que ces travaux sont entièrement à la charge de la personne handicapée résidente. Une situation inadmissible pour bon nombre de personnes qui perçoivent l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) le plus souvent en situation de précarité.
En effet, le montant maximum de l’AAH s’élève à 1016 euros, ce qui est en deçà du seuil de pauvreté. Dès lors, le budget pouvant être affecté au loyer est très limité. Ainsi, il convient de remédier à cette double inégalité, celle de l’accès au logement et celle financière. Sur LCP, Alma Dufour expliquait qu’actuellement les bailleurs sociaux ont des contraintes uniquement pour les nouveaux logements et non sur le parc existant. Elle rencontre donc des personnes sur sa circonscription qui ont des logements non accessibles.
L’un d’eux est par exemple obligé d’inonder sa salle de bain dès qu’il prend sa douche tant l’espace est petit et les adaptations inappropriées. Cette loi ELAN a donc mis un terme au principe de l’accessibilité à tout par tous. Un grand recul dans la loi concernant le droit des personnes handicapées.
Pour aller plus loin : Handicap : des promesses non tenues depuis… 1975 ?
La proposition de loi transpartisane de la députée LFI Anaïs Belouassa Cherifi
Pour pallier cette dégradation du droit, Anaïs Belouassa Cherifi avec d’autres députés comme Alma Dufour ont travaillé à une loi sur le sujet. Elle veut rendre obligatoire l’accessibilité pour l’ensemble des nouvelles constructions de logement privé comme public. Cela passe par les logements eux-mêmes, mais aussi par les espaces communs. Pour plus de transparence, cette loi exige que les bailleurs sociaux comme les Crous rendent publiques les données concernant l’accessibilité des logements.

Pour accompagner et rendre possible ces changements, la loi demande un renforcement des compétences services publics départementaux de l’autonomie (SPDA). Elle permettrait, par exemple, aux agents qui vérifient la construction des bâtiments de vérifier si un logement est accessible quand celui-ci est déclaré comme tel… Enfin pour rendre possible ces transformations, la loi propose la création d’un fond départemental pour aider les CROUS et les bailleurs sociaux à rendre leur logement accessible.
Paralympiques : des jeux pour cacher l’inaction politique
Pendant quelques semaines, lors de l’été 2024, le sujet du handicap était à la une des médias. La raison ? Les jeux paralympiques. Cela n’a rien changer pour autant Emmanuel Macron ne fait rien… Doit-on lui rappeler que la lutte contre les discriminations des personnes handicapées ne se limite pas à prendre des selfies avec des athlètes ? Depuis la fin des jeux, l’accessibilité, qui avait été pourtant pointée du doigt comme un manque par plusieurs athlètes internationaux, n’est plus un sujet.

La parenthèse enchantée terminée, le vernis de l’handi washing laisse place à la réalité. Par exemple, à Paris, seules 9% des lignes de transports sont théoriquement accessibles. Au vu des politiques d’austérité qui se traduisent par des coupes budgétaires sans précédent, les travaux importants de modernisation et de mise en accessibilité ne sont clairement pas les priorités du gouvernement de Macron et Retailleau.
Pour en revenir au logement, les bailleurs sociaux, les CROUS et plus généralement les constructeurs et promoteurs immobiliers, qu’ils soient privés ou publics, rechignent à se plier aux normes de mise en accessibilité qu’ils voient comme une contrainte et un coût supplémentaire. Prendre en compte l’accessibilité va à l’encontre de la volonté de rentabilité des patrons du secteur de l’immobilier.
Ainsi, la proposition de loi portée par Anais Belouassa Chérifi va dans ce sens, en imposant l’accessibilité des logements comme norme, à rebours de la loi ÉLAN, en imposant la transparence et en donnant des moyens de contrôle aux autorités compétentes. Chacun doit avoir accès à un logement digne qui respecte les conditions d’accessibilité, ce qui constitue l’une des conditions nécessaires à l’autonomie, la non-discrimination et l’intégration pleine et entière des personnes en situation de handicap.