Crédit d’impôt recherche : les mensonges sur sa conditionnalité au maintien de l’emploi

Crédit d’impôt recherche. En réaction à la fermeture des sites angevins du groupe Michelin, la Ministre du Travail macroniste Astrid Panosyan-Bouvet s’était engagée à contrôler que chaque euro d’aide publique versé aux entreprises le soit dans l’objectif de maintenir l’emploi dans notre pays. Parmi les aides pour lesquelles des contreparties en matière d’emploi sont réclamées […]

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Crédit d’impôt recherche. En réaction à la fermeture des sites angevins du groupe Michelin, la Ministre du Travail macroniste Astrid Panosyan-Bouvet s’était engagée à contrôler que chaque euro d’aide publique versé aux entreprises le soit dans l’objectif de maintenir l’emploi dans notre pays. Parmi les aides pour lesquelles des contreparties en matière d’emploi sont réclamées par le groupe parlementaire de LFI, il y a le Crédit d’Impôt recherche (CIR), qui bénéficie notamment au secteur automobile. La réforme du CIR introduite dans la loi de finances de février 2025 supprime quelques effets d’aubaine du dispositif plutôt que de le conditionner au maintien de l’emploi. Retour sur quelques contrevérités et sur les pistes suggérées pour y remédier. Notre article.

Il n’y a pas de contrepartie en matière d’emploi dans le CIR

Jusqu’en janvier dernier, la conditionnalité ne concernait que les entreprises de R&D (recherche et développement) ayant au moins une salariée titulaire du doctorat. L’effectif de R&D ne devait pas baisser lors du recrutement en CDI de la docteure. Ce sous dispositif du crédit d’impôt recherche, appelé Crédit d’Impôt Jeune Docteur (« Jeune », car l’entreprise n’y a droit que pendant 24 mois après le recrutement), était la contrepartie d’un régime dérogatoire très avantageux : un crédit d’impôt égal à 1,2 fois le super-brut. En 2019, le CIJD représentait une dépense fiscale de 192 M € répartie entre 2575 entreprises.

Cette conditionnalité dans le cadre du CIJD n’était malheureusement pas un garde-fou contre les licenciements. En effet, 24 mois, c’est peu. De plus, la conditionnalité portant exclusivement sur l’effectif dédié à la R&D dans l’établissement de recrutement, l’entreprise pouvait y réduire l’effectif non-R&D.

Pour aller plus loin : Reportage – À Cholet, la colère des salariés de Michelin face à la fermeture annoncée

Un gouvernement qui confond contrepartie et éligibilité

Cette mise-au-point permet de revenir sur l’affirmation du ministre délégué chargé de l’industrie, Marc Ferraci, selon laquelle les dépenses de R&D seraient la contrepartie au crédit d’impôt recherche, et d’en déduire la contrevérité suivante sur les aides en général : « […] l’existence de contreparties résulte de la nature même des dispositifs » (Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, compte rendu n° 21, 12/11/2024).

Cette affirmation fait passer un critère d’éligibilité au CIR (avoir une activité de R&D) pour une contrepartie. Les critères d’éligibilité correspondent à une conditionnalité dite « intrinsèque » ou ex-ante, alors que la conditionnalité qui compte, dite « extrinsèque », concerne les contreparties après avoir bénéficié du crédit d’impôt recherche.

Des licenciements dans le secteur automobile bénéficiaire du CIR

Le CIR, pas plus que le Code du travail (!) ne protègent pas contre les fermetures de sites de R&D. Le tableau ci-dessous rassemble un certain nombre d’entreprises et de groupes du secteur automobile bénéficiaires du crédit d’impôt recherche dans lesquels des licenciements sont en cours (nous aurions pu ajouter d’autres branches industrielles, pharmacie, chimie, etc.).

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En euros courants, les entreprises du secteur ont capté environ 450 millions de CIR en 2021 (106 millions pour celles qui sont dans le tableau, quand on ramène les valeurs de crédit d’impôt recherche cumulées à une seule année). Tous les cas listés dans le tableau sont relatifs à des plans de licenciements annoncés l’an dernier !

Des contreparties au crédit d’impôt recherche, avec ou sans pénalités ?

Les dépenses de personnel pouvant représenter jusqu’à 80 % de l’assiette annuelle du CIR, il parait pertinent sur le plan économique que les entreprises bénéficiaires de cette niche fiscale s’engagent à des contreparties en matière d’emploi. En particulier dans le secteur automobile, implanté dans les territoires comme Cholet et Vannes, où Michelin se sépare de 1250 salarié·e·s.

Pour les bénéficiaires qui réduiraient ensuite leurs moyens (les personnels) consacrés à la R&D, le député LFI Aurélien Le Coq avait imaginé, dans un amendement principal au PLoF (projet de loi d’orientation foncière) débattu fin 2024, le remboursement de cet impôt, assorti d’une pénalité. Un second amendement, dit de repli, prévoyait seulement le remboursement. Pour avoir des chances d’être adoptés, ces amendements devraient à notre avis proposer des contreparties par projet de R&D. Ainsi, une entreprise ayant engagé un programme de R&D qui n’aboutit pas et supprime les postes afférents, ne perdrait que le crédit impôt recherche associé à ce programme.

Une autre approche serait de faire reposer le calcul du CIR sur l’accroissement des dépenses de R&D éligibles, comme cela a existé entre 1983 et 2003. À l’époque, pour bénéficier d’un crédit d’impôt, l’entreprise devait augmenter sa R&D, donc nécessairement l’emploi dédié à la R&D.

Un besoin d’évaluations

Il est difficile de savoir quelle réforme du CIR adopter dans la mesure où il n’existe aucune évaluation de la conditionnalité dans le cadre du CIJD. Des évaluations de l’impact du crédit impôt recherche en général sur l’emploi existent. (Salies, E., 2021. « L’impact du CIR sur l’emploi dans la R&D du secteur privé », Revue de l’OFCE, n° 175, pp. 67-104). Mais, elles évacuent la question des fermetures de sites par les groupes bénéficiaires du CIR

Par Evens Salies, docteur en économie

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