L’A154-A120, prévoyant la construction et l’aménagement d’un tronçon autoroutier en Eure et-Loir, est un projet vieux de plus de 50 ans. Il transforme une nationale existante, à 110km/h sur deux voies, gratuite et déjà accessible, en une autoroute – dont la seule transformation véritable serait le caractère payant. Mais que justifie un tel projet qui, ainsi exposé semble aberrant ?
Pour Caroline Duvelle, porte-parole du collectif Non A514-120, il est évident qu’il ne s’agit là que de « la partie visible de l’iceberg ». Pour elle, ce projet n’a d’intérêt qu’en tant qu’il prépare l’implantation future de plateformes de logistique dans la région. Elle indique en ce sens : « Tous les jours, la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) reçoit des projets. Cette autoroute sert à rallier l’Europe du Nord à l’Europe du Sud. On sacrifie nos terres agricoles, on pourrit la qualité de vie des Euréliens, avec une circulation qui va revenir dans les villages et augmenter l’insécurité routière. Pourquoi ? Pour favoriser le libre-échange économique ».
Cela semble d’autant plus incompréhensible que ces plateformes, qui se sont multipliées dans le Sud-Oise ces dernières années, sont toujours plus contestées en raison de leur consommation énergétique excessive et de l’augmentation du trafic de poids-lourds qu’elles entraînent, pour un faible rendement en termes d’emplois par mètre carré. Notre article.
L’A154, un projet au coût économique et écologique exorbitant
Ce projet anachronique, dont les opposants dénoncent aussi le risque accidentogène, a un coût, et même un coût très élevé. Le collectif d’opposants estime qu’avec 1 milliard d’euros annoncés pour financer sa réalisation il serait le plus cher de la cinquantaine de projets autoroutiers en France.
Mais son impact est aussi écologique. En effet, sa réalisation entraînerait l’artificialisation de 660 hectares de terres agricoles ce qui est colossal, car, comme le souligne Caroline Duvelle, « C’est le projet routier qui dévore le plus de terres agricoles ». Cette transformation radicale du paysage agricole suscite donc une forte opposition, notamment de la part d’agriculteurs de la région qui dénoncent un projet qu’ils jugent à la fois « inutile » et « aberrant ».
Pour aller plus loin : A69 – Vers l’annulation totale du chantier ? Récit d’une audience historique
Une courageuse mobilisation citoyenne face à un désastre écologique annoncé
Maximilien Vangeon, agriculteur en lutte contre le projet, a ainsi construit une vigie sur son terrain. Si elle est un symbole pour les opposants, cette installation de fortune est également une tour de guet. Car c’est à quelques mètres qu’il a surpris, en décembre dernier, des techniciens du bureau d’études Biotope, mandaté par Vinci, en train de réaliser un forage d’exploration sur sa parcelle sans son autorisation ni même son avis. Suite à cette violation, l’agriculteur a déposé une plainte contre X. « Ils agissent comme s’ils étaient en terrain conquis », déclare ainsi Bruno Galy, avocat de l’association Saint-Prest Environnement et de la Fédération Environnement Eure-et-Loir, soulignant qu’il s’agit d’un délit pénal.
Si cette lutte, qui rappelle celle menée contre l’A69, semble une fois encore disproportionnée face aux forces économiques en jeu, elle est, pour Maximilien une bataille existentielle. Il confie : « Cette exploitation a été transmise de génération en génération dans la famille, c’est un crèvecœur d’imaginer qu’elle disparaîtrait sous une autoroute ».
Ainsi, l’urgence est palpable. Les candidatures pour la concession, y compris celle de Vinci, devraient bientôt être soumises, ce qui inquiète les opposants car dès lors, les enjeux financiers seront colossaux, avec des péages pour le concessionnaire et une indemnisation pour l’État en cas d’annulation du projet. « Si le contrat est signé, nous engagerons des recours juridiques et n’excluons pas de créer une ZAD », avertit la porte-parole. Le risque étant, comme le soulignent les activistes, que le cauchemar de l’A69 ne se répète.
Une lutte appuyée et relayée par les députés de la France Insoumise
C’est pourquoi le Collectif Non A154-120 a appelé à la mobilisation ce lundi 27 janvier. En
réponse, les députés LFI Bérenger Cernon et Sylvain Carrière se sont rendus sur place pour
réaffirmer leur soutien aux activistes engagés dans cette lutte.

À cette occasion, les élus ont rappelé que la lutte contre l’A154 s’inscrit dans un combat plus large contre les grands projets inutiles, soutenue par la France Insoumise. Cette opposition repose sur un constat clair, étayé par le collectif La Déroute des Routes, qui recense près d’une cinquantaine de projets routiers et autoroutiers contestés en raison de leurs impacts environnementaux et sociaux. L’A154 et l’A69 en sont des exemples emblématiques : elles illustrent un modèle dépassé, fondé sur l’expansion autoroutière au détriment des alternatives écologiques. Un modèle que les opposants rejettent fermement.
La présence de Bérenger Cernon et Sylvain Carrière sur le terrain illustre donc une fois de plus la volonté de la France Insoumise de rompre avec un modèle « tout routier » insoutenable, tant écologiquement que socialement. En novembre dernier, une proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur ces projets figurait d’ailleurs au programme de la niche parlementaire du groupe. Une initiative mise à mal par l’obstruction anti-démocratique des macronistes.
Les élus restent néanmoins déterminés. Leur engagement de longue date en faveur d’une mobilité responsable et soutenable se traduit par des alternatives concrètes : amélioration du réseau ferroviaire, investissements massifs dans les transports collectifs et les services publics associés, comme le détaille le programme de la France Insoumise, dont la version actualisée est désormais disponible.
Dans son intervention, Sylvain Carrière rappelle que la lutte contre l’écocide A69 et son slogan « No macadam » dépassent largement le cadre de Toulouse. Elle s’inscrit dans une mobilisation plus vaste, interconnectée, contre ces projets destructeurs.

Ainsi, la position de la France Insoumise est claire : « No macadam, no macadam de partout ». Le mouvement insoumis est prêt et ses élus restent mobilisés aux côtés des activistes en lutte pour le vivant, aussi bien sur le terrain qu’à l’Assemblée.
Par Mazarine Albert