Portrait – Philippe Val, l’islamophobie chevillée au corps

Philippe Val. Les éditocrates de plateau sont formels : en France, il y a les bons et les mauvais citoyens. Depuis quelques années, cette obsession se concentre vers une partie de la population, désormais systématiquement mise à part : les citoyens français de confession musulmane. Philippe Val fait partie de ces éditocrates de plateaux qui […]

Philippe Val

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Philippe Val. Les éditocrates de plateau sont formels : en France, il y a les bons et les mauvais citoyens. Depuis quelques années, cette obsession se concentre vers une partie de la population, désormais systématiquement mise à part : les citoyens français de confession musulmane. Philippe Val fait partie de ces éditocrates de plateaux qui se permettent de trier les citoyens selon leur supposé attachement aux valeurs républicaines et à la laïcité, terme à géométrie très variable.

Pour donner un exemple récent, il y a les bons arabes – Boualem Sansal, injustement détenu pour « atteinte à l’unité nationale » -, et les mauvais arabes, qui osent, entre autres, pointer du doigt la partialité du traitement médiatique des atrocités perpétrées depuis plus d’un an (en réalité, depuis plusieurs décennies) dans la bande de Gaza. C’est ce que Philippe Val nous dit, tous les vendredis matin, dans les locaux de Radio Bolloré (Europe 1), où il dispose d’un confortable créneau hebdomadaire.

Ce 12 janvier, aveuglé par sa haine des musulmans, Philippe Val a déclaré que « tous les terroristes sont musulmans ». Omettant volontairement les nombreux attentats commis ou projetés par l’extrême droite ces dernières années, Philippe Val incitait publiquement à la haine envers les personnes musulmanes. D’ailleurs, le lendemain de sa déclaration, projetant de commettre une tuerie de masse à caractère raciste, un homme était condamné en appel à 9 ans de prison ferme pour terrorisme d’extrême droite.

Les éditorialistes de plateaux, loin, très loin de l’objectivité affichée, sont des militants politiques déguisés en journalistes. Chaque jour, ils défendent une idéologie en direct aux heures de grandes écoutes. Les éditorialistes sont des acteurs de la bataille culturelle. Révéler d’où ils parlent, quels sont leurs parcours, leurs liens avec le capital, les neuf milliardaires qui possèdent 90% des médias du pays, est une œuvre nécessaire pour éclairer le débat démocratique. Fin d’un mythe : non, les éditorialistes ne sont pas des journalistes neutres. Pour qui militent-ils ?

Treizième épisode de notre série pour démasquer les éditorialistes que vous voyez chaque jour à la télé. Portrait de Philippe Val.

Les virages idéologiques de Philippe Val, le clown aux passions tristes

Définition du clown : « Artiste comique, maquillé et grotesquement accoutré, qui, dans les cirques, exécute des pantomimes bouffonnes et parfois acrobatiques ». Ou bien : « Personne qui cherche à se faire remarquer par sa drôlerie, ses pitreries ». Troisième définition, dans laquelle peut être rangé Philippe Val, celle des clowns aux passions tristes. Ceux qui, sous couvert de ce qu’ils nous présentent comme des analyses ou autres chroniques humoristiques, nous livrent leurs états d’âme, tout en nous infligeant les banals éléments de langage de la droite libérale-autoritaire.

En duo avec l’humoriste Patrick Font, Philippe Val fut, dans une première et lointaine vie, un personnage médiatique affilié à la gauche libertaire, avec des positions plutôt antimilitaristes, critiques de la Police, des pseudo-intellectuels et des “politiciens” (surtout de droite). Certes, il ne constituait pas à lui seul un contre-pouvoir solide aux différents groupes qu’il dénonçait, mais ses prises de positions n’étaient pas spécialement dérangeantes pour un homme qui se disait de gauche. Mais ça, c’était avant. Avant qu’il ne révèle ses véritables affects à la faveur de brusques changements idéologiques.

Dans une vie lointaine, Philippe Val n’hésite pas par exemple, certes timidement, à s’engager contre les “intellectuels” néo-conservateurs type Bernard-Henri Lévy ou André Glucksmann. Quelques années plus tard, il chante leurs louanges, convaincu des bienfaits de l’interventionnisme acharné sur la scène internationale, quitte à payer les conséquences terribles des guerres que ses désormais idoles ont appelé à lancer.

Néolibéralisme et défense systématique des dominants

Revenons à la carrière de Philippe Val. Il devient rédacteur en chef du journal Charlie Hebdo en 1992, puis directeur de sa publication en 2004, contribuant très fortement à la droitisation de l’hebdomadaire. Après avoir pollué le journal satirique de ses prises de position ouvertement islamophobes et pro-marché, il le quitte, puis est promu directeur général de France Inter de 2009 à 2014. Cette nomination, qu’il met à profit en virant le chroniqueur Frédéric Pommier sous un prétexte fallacieux à peine deux heures après son arrivée, ne va pas sans s’accompagner d’une motion de défiance des journalistes de la radio.

N’écoutant que son propre avis – qui ne peut être contesté – Val honore sa fonction de directeur général d’une radio en virant chaque humoriste qui s’attaque (modestement) au pouvoir en place du moment, incarné par Nicolas Sarkozy. Il licencie successivement Didier Porte et Stéphane Guillon, puis l’imitateur Gérald Dahan, ce dernier ayant commis une chronique hostile à Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice de l’époque.

La défense des dominants et de l’ordre social établi, c’est l’une des marottes de Val. Un exemple avec le 49.3, outil constitutionnel illégitime et toujours favorable à la bourgeoisie, dont l’utilisation ne pose aucun problème à Philippe Val, toujours partant pour accompagner les mesures néolibérales dont bénéficie la même classe dominante – dont il fait partie – depuis des décennies. En dirait-il autant si une hypothétique gauche au pouvoir en usait pour faire passer un projet d’annulation, par hasard, d’une réforme des retraites ?

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https://x.com/BFMTV/status/1848074640947658851

Bien sûr que non. Car, pour Philippe Val, qui embrasse à merveille l’idéologie libérale et la domination du marché, travailler toujours plus tard n’est que bon sens et sens de l’histoire.

En effet, vissé sur les fauteuils des divers plateaux de télévision qu’il fréquente abondamment, il donne l’exemple à ces feignasses de manifestants qui réclament – quelle idée ! – une meilleure prise en compte des critères de pénibilité, l’abaissement de l’âge de départ pour les métiers en tension, une meilleure redistribution des revenus du capital, etc. Dans d’autres studios non loin de là, plein de sagesse, il accompagne à merveille l’idéologie pro-capitaliste d’Europe 1 en soutenant l’injuste réforme des retraites à 64 ans, fustigeant les manifestants.

Par ailleurs, Philippe Val semble avoir un souci avec les manifestations et révoltes des classes populaires en général. Toujours en sa qualité d’intellectuel surplombant, il étale, à chaque mouvement social, tout son mépris de classe et sa détestation affichée de celles et ceux qui contrarient l’ordre social.

Visiblement plus choqué par le bruit d’une vitrine brisée que par des vies entières rongées par des conditions de travail dégradées et une absence totale de reconnaissance, il se permet de qualifier à tour de bras les gilets jaunes de « dangereux populistes », « antisémites », fascistes à l’occasion, se cachant derrière un « gilet de la honte ».

Humanisme et géopolitique à géométrie (très) variable

Niveau ignominie, Val fait parfaitement honneur à son nouveau maître, Vincent Bolloré. Dans ses chroniques hebdomadaires, tout y est : négation du génocide à Gaza, reprise des éléments de langage des ministres israéliens – « on ne peut faire la paix que si le Hamas dépose les armes » ; « ils se servent de boucliers humains (ce qui donc légitimerait de tirer à vue ?) » -, défense des « bienfaits » de la colonisation, et bien d’autres atrocités, qui ne lui sont jamais reprochées, lui-même ne se voyant jamais attribuer de contradicteur pour lui faire face.

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https://x.com/vivelefeu/status/586912437963726848

En outre, Philippe Val se fend régulièrement d’amalgames entre juifs, israéliens et pro-Netanyahu. Pour lui, dénoncer la politique génocidaire du gouvernement Israélien revient automatiquement à de l’antisémitisme. Il y aurait pour Philippe Val de « bons » et de « mauvais » Juifs, les bons soutenant inconditionnellement le gouvernement israélien en place, et son « armée la plus morale du monde ».

La confusion – volontaire ? – que Philippe Val fait entre les citoyens français de confession juive, que l’on ne peut pas tenir responsables du massacre que perpètre l’armée israélienne depuis plus d’un an, et les citoyens (de toute nationalité) soutenant Benjamin Netanyahou, est honteuse et malhonnête. À côté de cela, jamais un mot pour les Palestiniens, pour celles et ceux qui vivent quotidiennement sous les bombes depuis désormais plus d’un an, et sous l’humiliation permanente depuis des décennies.

Et tant pis pour celles et ceux qui expriment leurs désaccords avec lui, sous peine de se faire licencier, comme cela a été le cas de Mona Chollet après sa contestation d’un éditorial du directeur de la rédaction de Charlie Hebdo Philippe Val qui qualifiait les Palestiniens de « non-civilisés ».

Quand l’islamophobe Philippe Val ment sur les attentats

Ce qui est tristement comique, c’est que sur les religions, Val n’était autrefois pas avare de critiques. Désormais, celles-ci sont toujours, systématiquement, dirigées vers une seule. Goguenard, il se dit ouvertement islamophobe pour des raisons douteuses, sans que cela ne pose problème à l’intervieweur complaisant.

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https://x.com/Awad_Mohamed_/status/1791550028298752281

Cette islamophobie a d’ailleurs été particulièrement saillante ce 12 janvier lorsque, interviewé par Frédéric Haziza au micro de l’antenne de Radio J, Philippe Val a déclaré, en parfaite négation de la réalité, que « tous les terroristes sont musulmans ». Mensonge destiné à jeter la confusion et à inciter publiquement à la haine envers les personnes musulmanes, cette déclaration se heurte violemment à la réalité du terrorisme en France et dans le monde.

Comme le rappellent notamment Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire de la France insoumise à l’Assemblée nationale, et Hadrien Clouet, député de la France insoumise, les attentats d’extrême droite se multiplient depuis de nombreuses années. Ainsi entre 2011 et 2022 les services des forces de l’ordre en France ont procédé à plus de 70 arrestations en lien avec des activités terroristes d’extrême droite en France.

En juillet 2023, le directeur de la DGSI affirmait que « la mouvance d’ultradroite, forte d’environ 2 000 personnes, est l’une de celles qui fragilisent ces piliers fondamentaux. Le risque terroriste qu’elle engendre est allé croissant ces dernières années au sein des démocraties occidentales, en France en particulier ». Pour un rappel non exhaustif des attentats commis au nom de l’extrême droite ces dernières années :

Le 22 juillet 2011, le terroriste d’extrême droite Anders Breivik fait 228 victimes à Oslo et Utoya. En 2015, les armes de l’attentat de l’HyperCacher étaient fournies par Claude Hermant, ancien membre du service d’ordre du FN et identitaire d’extrême droite. En 2018, un projet d’attentat vise Jean-Luc Mélenchon, le rappeur Médine et le CRIF, organisé par une cellule terroriste d’extrême droite.

En 2018, le groupe d’extrême droite Les Barjols projette un attentat contre Emmanuel Macron. En 2019 les attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande faisant 100 victimes dont 51 morts sont commis par Brenton Tarrant, idéologue d’extrême droite. En 2019 l’attentat de la mosquée de Bayonne est commis par Claude Sinké, ancien candidat FN aux élections départementales.

En 2019 à El Paso au texas, un attentat raciste fait 46 victimes. En 2020 à Hanau en Allemagne, un attentat d’extrême droite fait 17 victimes. En 2024, l’attentat du marché de Noël de Magdebourg est commis par un islamophobe notoire et sympathisant de l’AfD, parti d’extrême droite allemand.

Pire encore pour les mensonges de Philippe Val, le lendemain de sa déclaration, projetant de commettre une tuerie de masse à caractère raciste, un ardéchois de 22 ans était condamné en appel à 9 ans de prison ferme pour terrorisme d’extrême droite. Ce 13 janvier s’ouvrait également le procès en appel de militants du groupe d’extrême droite des Barjols qui projetaient d’assassiner Emmanuel Macron.

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Sur l’antisémitisme (réalité qui n’existe certainement pas là où il le pense), Philippe Val le voit partout, pourvu qu’il lui serve de prétexte pour porter des coups diffamants à ses adversaires politiques de gauche. Il le voit partout à gauche, mais surtout, et c’est l’une de ses nombreuses obsessions, dans les banlieues. Et qui dit banlieue, dit musulman, dit arabe, donc, pour Val, dit forcément antisémite.

Philippe Val coche donc toutes les cases de la personnalité médiatique favorite des médias : pro-marché, conservateur et islamophobe à la demande, nul doute qu’il continue donc – et continuera – de s’inviter où bon lui semble, pour nous rappeler au (son) bon sens et à la (sa) raison.

Par Adrien Pourageaud

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