Ils sont seize en tout, députés Rassemblement National (RN) depuis 2022 ou 2024, à avoir été (ou à toujours être) membre du groupe Facebook à plus de 6 000 membres « Rassemblement National (direction 2027!) ». Parmi eux, les députés Frédéric Boccaletti, Philippe Ballard, Emeric Salmon, Claire Marais-Beuil… Ce groupe, bien que non-officiel, regroupe des milliers de sympathisants, militants, mais aussi d’élus RN, dont des parlementaires. Ces dernières années, il a été le déversoir de haines de plusieurs membres, injures racistes, incitations à la haine, appels au meurtre d’opposants ou de minorités…
Si aucun des élus RN présents sur ce groupe n’a publié de messages de ce type, ils ont laissé faire, et n’ont pas signalé ces contenus illégaux, malgré ce que leur impose l’article 40 du code de procédure pénale. Pire : faisant mine d’ignorer ces publications, ils se sont servi du groupe pour leur propre communication. Conclusion : ils ne pouvaient donc ignorer les messages et commentaires racistes qu’on peut voir sur ce groupe. Notre article.
Un racisme décomplexé devant des députés indifférents
Encore ce mercredi, le député RN Jacobelli a osé prétendre que le RN était un « parti antiraciste ». Absolument tout dans l’histoire de son parti, son programme et ses militants contredit cette sortie pour le moins osée. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un tour sur le groupe Facebook « Rassemblement National (direction 2027!) ». Le média en ligne Les Jours a publié une enquête sur ce groupe, son contenu et ses membres.
Pour aller plus loin : Les « brebis galeuses » de Bardella : des dizaines de candidats RN racistes et néonazis
« Assez de l’Islam », « remonte dans ton cocotier bamboula », « faire des battues dans les cités », « exterminer tous ces cafards », « Hitler s’est trompé d’ethnie à exterminer », « Allez vous faire enculer bougnoules de merde », « À mort les négros », « one shot one kill [un tir, un mort, ndlr] […] pour les membres de la LFI »… Voilà de maigres extraits de ce musée des horreurs en ligne, tous publiés par des sympathisants et militants RN. Jusqu’à 16 députés RN (« parti antiraciste » d’après Jacobelli) ont été présents sur ce groupe. Voici lesquels.
– Jordan Guitton (Aude), responsable régional du RN Grand Est
– Pascal Marowsky (Charente-Maritime)
– Arnaud Sanvert (Saône-et-Loire)
– Romain Baubry (Bouches-du-Rhône)
– Guillaume Florquin (Nord)
– Caroline Colombier (Charente), membre du bureau national du RN
– Julien Rancoule (Aude)
– Frédéric Boccaletti (Var)
– Philippe Ballard (Oise), porte-parole du RN, vice-président de la commission des Affaires Culturelles
– Alexandre Loubet (Moselle), vice-président des députés RN, conseiller spécial de Jordan Bardella
– Alexandre Sabatou (Oise)
– Christian Girard (Alpes-de-Haute-Provence)
– Claire Marais-Beuil (Oise)
– Aurélien Dutremble (Saône-et-Loire)
– Matthias Renault (Somme)
– Emeric Salmon (Haute-Saône), salarié du RN, en charge des fédérations
Certains sont connus, au point d’avoir leur portrait dans L’Insoumission.fr, comme le dirigeant de libraire négationniste Boccaletti, ou encore Baubry, Salmon et Rancoule, et leurs assistants parlementaires aux fréquentations douteuses… Certains sont même de la garde rapprochée de Le Pen et Bardella, comme Colombier ou Loubet. Et le moins qu’on puisse dire est que leur défense est bancale.
« Courage, fuyons ! »
En novembre dernier, un commentaire sur le groupe « Rassemblement National (direction 2027!) » qualifie les personnes noires de « nuisibles ». Bizarrement, c’est la goutte de trop pour le député comtois Salmon, qui quitte le groupe. Il a laissé passer tout le reste, les injures racistes, la nostalgie des crimes nazis… mais il est le seul à quitter le groupe avant d’être contacté par Les Jours. Ce qui ne retire rien à sa participation au groupe, ni au fait qu’il ait fermé les yeux sur les propos abjects cités plus haut.
Est-ce son assistant Steven Fasquelle, connu pour ses amitiés néonazies, qui a senti le vent tourner, lui faisant quitter le groupe ? Car c’est l’une des principales défenses des députés qui ont daigné répondre aux journalistes : leur compte Facebook est géré par leurs assistants. C’est donc leur faute s’ils ont rejoint un groupe truffé de propos racistes et violents. Mais leur stratégie de se défausser sur le petit personnel a une faille, et pas des moindres.
Toujours selon Les Jours, nombre de députés ont discrètement quitté le groupe après avoir reçu les questions du média…sans y répondre pour autant. Les rats quittent le navire, à l’exception notable par exemple de Loubet, conseiller spécial de Bardella. Leur défense qui consiste à invoquer la délégation de la gestion de leurs réseaux sociaux à leurs assistants ne tient pas.
En effet, nombre d’entre eux sont membres du groupe depuis 2017, 2019… Soit avant leur élection, lorsqu’ils étaient simples élus ou militants locaux, sans assistant donc. Ainsi, pendant des années, entre deux messages de haine publiés par d’autres membres du groupe, ils ont tranquillement partagé les actualités du parti, ou leur propre activité militante et parlementaire, jusqu’à ces dernières semaines.
Ainsi (ô surprise !), le RN « parti antiraciste » n’existe que dans l’esprit de Laurent Jacobelli, lui-même mis en cause pour ses propos racistes envers un élu macroniste racisé. Cette quinzaine de députés lepénistes ont fermé les yeux, des années durant, sur les propos racistes tenus sur ce groupe Facebook a plus de 6 500 membres !
L’auteur du message pour qui « Hitler s’est trompé d’ethnie à exterminer » (en parlant des musulmans) a le mérite d’être clair. Il fait de lui-même le lien entre son parti (fondé par des nazis) et les crimes nazis. L’extrême droite du XXe siècle préférait cibler les juifs ou les gens du Voyage. Pour l’extrême droite du XXIe siècle, le suprémacisme blanc est toujours à l’ordre du jour, les Juifs et les Gens du Voyage sont toujours ciblés, mais le musulman a pris la place de « l’ennemi public n°1 ». Le RN le démontre chaque jour.
Par Alexis Poyard
