Syrie/Assad. Comme une impression de déjà vu. C’est ce qui apparaît ces derniers jours à la lecture ou l’écoute de certains éditorialistes de plateaux, personnels politiques et journalistes de cour tentant d’insinuer qu’il existe une proximité entre Jean-Luc Mélenchon et le régime de Bachar El Assad s’étant effondré il y a une semaine. L’Insoumission a mené l’enquête sur les sources de ces tentatives de disqualification du leader de la France insoumise.
Quant au timing de ces opérations anti-LFI, l’analyse de la chronologie le démontre implacablement : elles interviennent toujours dans un moment où LFI a le vent en poupe, ou dans un moment précédant une échéance électorale. 2012, 2017, 2024. A l’approche de chaque échéance électorale, la charge médiatique est lancée. Comme maintenant avec la montée en puissance de l’hypothèse d’une élection présidentielle anticipée, et alors que Jean-Luc Mélenchon vient de gagner trois points en trois mois dans les sondages. Notre article.
2012 – À cinq jours du premier tour de la présidentielle, Mélenchon est traîné dans la boue médiatique sur un prétendu soutien à Assad
Avril 2012. À cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle, le mardi 17 avril 2012, les médias font circuler en boucle une photographie montrant Jean-Luc Mélenchon aux côtés de Bachar Al Assad. France Info reprend la photographie, et cite sa source, le photographe Ammar Abd Rabbo. Une façon pour certains opposants à Jean-Luc Mélenchon de réagir à son envolée dans les sondages. Le 22 mars 2012, Le Monde titrait « Mélenchon joue et gagne », citant ses 14% d’intentions de vote dans les sondages. Comment réagir au surgissement sur la scène d’un dirigeant politique voulant renverser la table ?
Rien de tel que quelques boules puantes pour monter une polémique de toutes pièces dans un objectif de disqualification. L’exemple le plus marquant et le plus destructeur est celui du journal gratuit Métro ayant diffusé à deux jours du scrutin, le vendredi 20 avril 2012, ladite photo, sans aucune précision sur son contexte – le protocole obligé – et la date – 2001. 4 millions d’exemplaires sont écoulés. Les opposants au Front de gauche s’en donnent aussi à cœur joie. Les avocats de Jean-Luc Mélenchon portent plainte pour « diffamation ».
Pour cette même raison, la photographie circule de nouveau depuis plus d’une semaine sur les réseaux sociaux et dans les médias, par les mêmes opposants à Jean-Luc Mélenchon ou leurs héritiers. Certains rares médias ont fait leur travail en battant largement en brèche l’interprétation de cette photo comme soi-disant proximité entre les deux hommes.
« Bien loin de démontrer une quelconque proximité ou sympathie entre les deux hommes, cette photo illustre une obligation protocolaire que Jean-Luc Mélenchon a dû accomplir en 2001 alors qu’il était ministre délégué chargé de l’Enseignement professionnel dans le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin » écrit 20 minutes dans son « Fake Off » du 09 décembre 2024, précisant que le leader insoumis « a été appelé à la dernière minute par Matignon pour ce protocole ».
Il rajoute : « Mais hormis à la descente de l’avion, Jean-Luc Mélenchon n’a pas rencontré [Bachar Al-Assad]. Il n’a pas dîné avec lui et il n’y a pas eu de réunion sur les questions éducatives. Les rendez-vous étaient prévus avec Jacques Chirac, Lionel Jospin ainsi que Raymond Forni, le président de l’Assemblée de l’époque. » Beaucoup de bruits pour rien, mais beaucoup de mal à partir de rien.
Pour aller plus loin : Syrie/Assad : Mélenchon a toujours combattu la dictature
2017 : quelques jours avant l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon classé comme ennemi public numéro 1
Avril 2017. Le moment est à l’élection présidentielle. Tous les regards sont tournés vers la figure montante de l’élection, Jean-Luc Mélenchon. A l’époque, comme l’écrit Marianne, « Benoît Hamon tente le tout pour le tout en reprenant le refrain d’une supposée fascination du candidat de la France Insoumise pour Vladimir Poutine (…) Ces derniers jours, les amis de Benoît Hamon martèlent dans les médias les supposées passions mélenchoniennes pour l’ogre Russe. ».
Le lundi 27 mars, à 10 jours du premier tour de l’élection présidentielle, un nouveau sondage place le socialiste à 5 points derrière le leader LFI. Benoit Hamon ouvre les hostilités, prêt à tout pour reprendre sa place dans les sondages quitte à diffuser des fakes news : « Ma différence avec Jean-Luc Mélenchon, c’est que je ne crois pas qu’aligner la France sur la politique du Kremlin soit bonne » déclare t-il le 26 mars.
Le lendemain, Pascal Cherki, député PS, embraye : « Nous ne sommes pas d’accord pour s’aligner sur Poutine ». Comme l’écrit Marianne à l’époque, il s’agit pour Benoît Hamon et ses amis de leur « dernière carte à jouer », un « argument massue » reposant sur des « suppositions » afin d’endiguer leur écroulement dans les sondages. Quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, rebelote : la photographie se voulant insinuer une proximité entre Bachar Al Assad et Jean-Luc Mélenchon fait à nouveau le tour des grands médias pour remplir son office de salissure et de tentative de disqualification.
En 2022, le 11 mars, une nouvelle offensive médiatique est lancée à quelques semaines de l’élection présidentielle. Déjà, un mois et demi avant le premier tour de l’élection, la fronde contre LFI faisait rage. TF1 évoque des « positions ambiguës concernant la Crimée ou la guerre en Syrie ». De quoi s’agit-il ?
Le 9 octobre 2019, les alliés kurdes qui combattaient l’Etat islamique font face à une nouvelle agression russe dans le nord de la Syrie. Le leader insoumis appelle alors Emmanuel Macron à les défendre. Le leader LFI avait donc salué la réaction de l’armée syrienne face à l’invasion turque, en qualifiant celle-ci de bonne nouvelle.
Mais qu’importe les faits, le 16 mars 2022, Anne Hidalgo et d’autres responsables socialistes et d’autres bords politiques abondent d’accusations fantaisistes. La maire de Paris déclarant que Jean-Luc Mélenchon est « complice des dictateurs » reprenant le couplet fallacieux d’une soi-disant ambiguité avec la Russie et propagant des mensonges sur la relation de LFI vis à vis de la Russie.
Pour rappel, le leader de LFI a condamné sans aucune ambiguité l’agression russe sur le sol ukrainien, et ce seulement 2 heures après qu’elle ait débutée. Quant au régime autoritaire de Poutine, Mélenchon le condamne avec constance depuis plus d’une décennie.
Quelles sont les positions de Jean-Luc Mélenchon depuis 2011 à propos de la Syrie ?
Jean-Luc Mélenchon a défendu la révolution citoyenne de 2011 contre la dictature de Bachar al-Assad. Dès le 15 septembre 2011, comme député européen, il a voté une résolution du Parlement européen pour condamner la répression du mouvement populaire. Les archives du Parlement européen attestent de ce vote et de l’explication donnée : « Je vote pour ce rapport qui condamne fermement la terrible répression que le régime syrien fait subir à son peuple. Aucun pouvoir ne sera jamais légitime qui massacre son peuple. En Syrie, la révolution citoyenne est la voie du futur ».
De nombreuses déclarations publiques sont allées également dans ce sens. Comme par exemple le 13 mars 2012 sur RFI : « Nous sommes tous d’accord je pense pour dire qu’un gouvernement qui tire sur son peuple est illégitime. Monsieur Bachar al-Assad est passé au stade industriel de la répression. C’est à coups de canons, c’est avec des chars et il y a une tradition qui est assez terrible en Syrie puisque son prédécesseur, monsieur Hafez al-Assad avait quasiment rasé une ville. On ne peut que mettre en place tous les moyens pacifiques dont on dispose pour infléchir ».
Ou bien le 19 août 2012, sur France Inter : « Ce qu’il faut maintenant, c’est aller voir les Russes et les Chinois et leur dire : vous ne pouvez pas avoir comme seule attitude, on ne touche pas à Bachar al-Assad, vous devez vous impliquer parce que vous êtes des grandes puissances et vous devez être de notre côté pour lui dire de partir parce qu’il doit partir et pour qu’on organise des élections ».
Sur Twitter, le 19 février 2012, il écrivait : « Bachar al-Assad doit partir ; mais méfions-nous des solutions purement militaires ». Ou encore le 11 avril 2017 : « Il faut permettre aux Syriens de se débarrasser eux-mêmes de Bachar ». Il est donc faux de juger que Jean-Luc Mélenchon aurait pu être « conciliant » vis-à-vis du régime de Bachar al-Assad.
Avec l’intensification de l’horrible guerre civile syrienne et l’implication de plusieurs factions, dont certaines islamistes puisque les révolutionnaires laïques avaient été tellement réprimés et massacrés par le régime, Jean-Luc Mélenchon s’est aligné sur les demandes de la résolution adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU le 21 décembre 2016 demandant notamment « une transition politique conduite par les Syriens et prise en main par eux » tout en affirmant une méfiance vis-à-vis de « la menace que constituent Daech, le Front al-Nosra et tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaïda ».
Il est donc faux de sous-entendre que Jean-Luc Mélenchon aurait changé brusquement de position, puisque c’est toujours la même opinion qu’exprime son tweet du 8 décembre 2024 : « Je me réjouis à 100 % de la chute du régime d’al-Assad en Syrie. Je me méfie à 100 % des nouveaux maîtres du pays. J’espère à 100 % que des élections libres sous contrôle international redonnent aux Syriens leur pouvoir démocratique ».
Les propos ressortis par la macroniste Nathalie Loiseau du 13 octobre 2019 sont utilisés pour faire dire à Jean-Luc Mélenchon autre chose que ce qu’il disait. Jean-Luc Mélenchon s’inquiétait alors de l’opération lancée par l’armée turque le 9 octobre 2019 contre les forces démocratiques kurdes agissant dans le nord de la Syrie. Cette offensive menaçait les communautés du nord de la Syrie qui vivaient dans l’aire du « confédéralisme démocratique », un régime politique démocratique, laïque et respectueux du droit des minorités.
Cette offensive, qui a engendré plusieurs centaines de morts et des centaines de milliers de déplacés, avait d’ailleurs été condamnée par la diplomatie française et l’Union européenne. C’est donc dans ce contexte que Jean-Luc Mélenchon avait qualifié de « bonne nouvelle » la réaction de l’armée nationale syrienne à cette invasion. Rappelons que les forces kurdes, alliées de la France et de l’Europe dans leur lutte contre Daech, avaient elles-mêmes salué ce fait.
La capture d’écran de Nathalie Loiseau vient d’un titre du journal d’extrême droite Valeurs Actuelles qui avait pour objectif de déformer ses propos. En effet, dans son tweet (« Excellente nouvelle. L’armée syrienne va défendre son pays contre l’invasion de l’armée d’Erdogan et de leur supplétif djihadiste. La France doit les aider »), Jean-Luc Mélenchon n’appelait pas Emmanuel Macron à « aider » Bachar al-Assad mais à défendre nos alliés kurdes contre une agression. Il est donc faux d’insinuer qu’il se serait agi d’un soutien au régime sanguinaire dans sa répression des rebelles.
2024 : Les réseaux anti-LFI réactivent les anciennes fausses polémiques
Depuis l’effondrement du régime criminel de Bachar Al Assad, toute l’officialité médiatique a fait travail d’archéologie pour ressortir les vieilles fausses polémiques évoquées plus haut. L’objectif poursuivi est le même : tenter de disqualifier un mouvement politique, et son leader, dans un contexte d’isolement et d’affaiblissement extrême d’Emmanuel Macron. La diversion est toute trouvée.
Pour aller plus loin : Sondage – Jean-Luc Mélenchon largement en tête à gauche et en hausse de trois points
Une chose est sûre : le niveau de fausses polémiques à l’encontre de Jean-Luc Mélenchon est proportionnel au niveau d’affollement du trouillomètre du pouvoir et de l’appareil médiatique. Jean-Luc Mélenchon a gagné 3 points en 3 mois dans les sondages et apparait comme la personnalité la mieux placée à gauche dans le cas d’une élection présidentielle anticipée.
Par Sylvain Noël, rédacteur en chef