Quand Michel Barnier menaçait d’un scénario économique à la grecque pour justifier l’austérité

Le Premier ministre illégitime Michel Barnier avait prédit un « scénario à la grecque » si son gouvernement était renversé. Censure il y a eu, grâce à la motion déposée par LFI et le reste du Nouveau Front Populaire. Le gouvernement prévoyait de faire passer un budget d’austérité qu’il justifiait par la menace d’une crise […]

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Le Premier ministre illégitime Michel Barnier avait prédit un « scénario à la grecque » si son gouvernement était renversé. Censure il y a eu, grâce à la motion déposée par LFI et le reste du Nouveau Front Populaire. Le gouvernement prévoyait de faire passer un budget d’austérité qu’il justifiait par la menace d’une crise économique sans précédent. Le Premier ministre voulait convaincre le pays que le niveau d’endettement du pays ainsi que la perte de confiance des investisseurs indiquaient la venue d’une crise économique telle que celle traversée par la Grèce en 2010.

Son objectif, pour faire passer son budget austéritaire, était donc de se maintenir à la tête du gouvernement et pour cela, il usa de comparaisons peu pertinentes. Cela soulève plusieurs questions : premièrement, la France est-elle effectivement dans une conjoncture économique comparable à celle de la Grèce au moment de la crise de 2010 ? Si tel était le cas, quelles en seraient les conséquences redoutées par le Premier ministre ? Ensuite, pourquoi Michel Barnier avait-il intérêt à alarmer la population française sur la situation économique ? Notre article.

Une crise fictive aux conséquences réelles

La comparaison entre la situation économique de la France et celle de la Grèce, notamment en ce qui concerne la crise de la dette, a été fréquemment débattue par de nombreux économistes.

Au-delà des analyses des économistes, les trois principales agences de notation que sont Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings n’ont pas détérioré la note de la France, ce qui est un signe de forte stabilité économique.

Deux indicateurs sont sollicités pour écarter les soupçons de similitude entre la conjoncture de la Grèce en 2010 et l’actuelle conjoncture française. En premier lieu, la comparaison des niveaux d’endettement révèle que la France est certes endettée à hauteur de 110 % de son PIB, mais que cela est en deçà de l’endettement grec de 2010 qui était alors supérieur à 140 % du PIB. Ce premier indicateur permet de catégoriser la France parmi les pays sûrs, ce qui indique une stabilité économique solide.

Ensuite, les taux d’intérêt, c’est-à-dire le coût auquel l’État s’endette, montrent que la France emprunte à un taux de 3 %. Ce chiffre sert d’indicateur de la confiance que les investisseurs ont en l’économie d’un pays. Or la France bénéficie d’un accès facile aux marchés financiers, ce qui reflète la stabilité économique et la capacité du pays à honorer ses dettes. Notons qu’au moment de la crise en 2010, la Grèce empruntait à 35 % et perdait donc sa capacité à se financer en dehors du FMI et de l’UE. Au contraire, les taux d’intérêt sur la dette publique française sont relativement faibles, ce qui permet à l’État de se financer sans risque d’insolvabilité.

Au-delà de l’accès aux marchés financiers et des marges de manœuvre budgétaires, la comparaison entre les risques d’instabilité économique des deux pays n’est pas pertinente compte tenu de la place qu’occupe la France au sein de l’UE. En effet, cette dernière peut influer sur les politiques monétaires et budgétaires de la zone euro via la BCE et d’autres institutions européennes, ce qui n’était pas le cas de la Grèce. De plus, la France est une économie beaucoup plus grande et diversifiée que la Grèce, ce qui lui procure une plus grande indépendance.

Pour aller plus loin : Barnier Censuré, Macron doit démissionner

Mais alors, pourquoi notre Premier ministre brandit-il ainsi l’épouvantail de la crise grecque ?

L’économiste Thomas Porcher l’analyse comme une « volonté de créer un effet de sidération » plus connue sous le nom de « stratégie du choc ».

Ce terme désigne une méthode par laquelle des gouvernements ou des institutions utilisent des crises majeures, comme des catastrophes naturelles, des guerres, des crises politiques ou des récessions économiques, pour imposer des réformes économiques radicales qui bénéficient principalement aux grandes entreprises et aux élites, tout en réduisant les droits sociaux et en concentrant la richesse. Cette stratégie est très critiquée pour sa dimension antidémocratique dans la mesure où elle consiste en une gestion manipulée de l’urgence pour contourner les résistances populaires.

C’est en effet ce qu’a fait le Premier ministre puisqu’il brandissait la menace alarmante de la crise grecque dans le but de faire passer son budget sans trop de contestation. Refusant de faire contribuer les grandes fortunes et les grandes entreprises, le gouvernement n’a pourtant de cesse d’alerter sur les dangers d’un déficit public trop important. Son intention était donc, comme nous l’allons plusieurs fois expliqué dans nos colonnes, de mettre en place un budget austéritaire.

Sa méthode s’appuie donc sur la stratégie du choc pour justifier le maintien de sa place et de son gouvernement avec pour but la mise en place d’un budget d’austérité : défavorable au peuple et concentrant encore plus le pouvoir et la richesse dans les mains d’une élite.

Des conséquences réelles à une crise fictive

Si les critères de stabilité financière indiquant des risques d’insolvabilité peuvent sembler abstraits, il est nécessaire de comprendre leur importance. Si la menace d’une crise telle que celle qu’a subie la Grèce en 2010 fait couler autant d’encre, c’est parce que ses conséquences sur les populations sont bien réelles : en 2010 en Grèce, on avait quasiment coupé les allocations chômage, les retraites n’étaient plus versées, des fonctionnaires étaient licenciés, les chaînes publiques étaient fermées… Ce sont les conséquences directes d’une austérité budgétaire à 2 % du PIB.

Si les économistes, les politiques et les populations du monde redoutent ce type de crise, c’est donc bien en raison des mesures de rigueur budgétaires qui s’ensuivent. Or, ce que proposait aujourd’hui le Premier ministre français pour le budget de 2025, c’était une austérité à 2 % du PIB.

C’est ce qu’a dénoncé le député Manuel Bompard en soulignant que le projet de loi de Finances prévoyait un effort de 60 milliards d’euros pour réduire le déficit public, privilégiant la politique dite de l’offre. Le député y voyait un risque de récession économique dans la mesure où une politique d’austérité implique des coupes dans les dépenses publiques, ce qui peut affecter la demande globale dans l’économie. Or, cela était susceptible de ralentir la croissance, voire d’entraîner une récession, si la contraction de la demande est trop importante.

Mais les coupes dans le budget de l’État auraient eu bien d’autres conséquences néfastes. Premièrement sur l’emploi : dans le secteur public, il va sans dire, mais dans le secteur privé également. En effet, la création d’emplois dans le privé dépend en grande partie du financement des infrastructures et de la recherche.

Cela pouvait également entraîner une augmentation de la pauvreté et exacerber les inégalités sociales, surtout si les coupes budgétaires concernent les programmes sociaux ; les groupes les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les chômeurs ou les travailleurs à bas salaires, sont généralement les plus touchés par la réduction des prestations sociales.

Si les citoyens percevaient ces mesures comme une manière de sacrifier des services publics ou de réduire les avantages sociaux, leur confiance dans l’économie pourrait diminuer. Cela pouvait réduire la consommation des ménages et nuire à l’investissement des entreprises, ce qui, à son tour, peut freiner la reprise économique.

Pour ce qui est de réduire le déficit, si l’austérité était appliquée efficacement, les finances publiques peuvent se stabiliser à court terme, avec une réduction du déficit et, éventuellement, de la dette. Cependant, à long terme, les effets de la réduction de la demande et de la croissance pouvaient limiter les gains en matière de réduction de la dette, car un ralentissement économique aurait pu réduire les recettes fiscales.

La stratégie de la politique de l’offre que souhaitait mettre en place le gouvernement serait non seulement néfaste pour les citoyens les plus vulnérables du pays mais également inefficace pour réduire le déficit sur le long terme. En résumé, Michel Barnier voulait se maintenir au gouvernement pour faire subir à la France les conséquences d’une crise économique qui n’a pas lieu.

Spoiler, cela n’a pas fonctionné. Qu’importe le profil du ministre, s’il n’est pas dans l’optique d’appliquer le programme d’incarner du Nouveau Front Populaire, cela signifiera qu’Emmanuel Macron perpétuera le blocage institutionnel du pays. Dès lors, sa démission se pose comme l’utile solution pour déloquer une Vème République à bout de souffle.

Par Inès Benhacene

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