A69. Dans un article de presse paru dans La Dépêche du midi le 30 novembre dernier, le Président de la fondation Pierre Fabre, l’influent Pierre-Yves Revol, menace : « Nous remettrons en cause notre développement local si l’autoroute [A69] n’est pas finalisée ». Précisons que le groupe Pierre Fabre est l’un des principaux actionnaires du journal, comme il l’est pour le groupe Atosca, concessionnaire de l’autoroute A69.
Ce coup de pression et ce chantage à l’emploi, interviennent carrément en Une du journal, à quelques jours du jugement par le tribunal administratif de Toulouse sur le recours contre l’autorisation environnementale de l’A69. Rappelons ici que le rapporteur public s’est clairement prononcé en faveur d’une annulation de cette autorisation, comme nous l’avons rappelé dans nos colonnes
Malgré cette position du rapporteur public, le Tribunal administratif joue la montre. Ce lundi 9 décembre, il a annoncé prévoir une nouvelle audience dans « quelques mois ». En attendant, les travaux progressent et la destruction de l’environnement aussi. Notre article.
« Nous remettrons en cause notre développement local si l’autoroute [A69] n’est pas finalisée » : la menace de l’influent Pierre-Yves Révol contre le territoire concerné par l’A69
Le rapporteur et les opposants expliquent que pour mener à bien un tel projet autoroutier, il faut, selon la loi, qu’il réponde à une RIIPM, c’est-à-dire une Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur. Or ici cela pourrait ne pas être le cas, et la défense du groupe Pierre Fabre apparaît contre-productive.
Les arguments déployés dans les colonnes de ce journal local dont le groupe Pierre Fabre est l’un des principaux actionnaires (comme il l’est du groupe Atosca, concessionnaire de l’autoroute) ont de quoi surprendre : « Nous voulons que nos collaborateurs se déplacent en toute sécurité, nous souhaitons qu’ils soient connectés dans des conditions décentes aux liaisons aériennes internationales ». Étonnamment, le groupe avoue que depuis des années, il mène une campagne pour ses propres intérêts, son propre confort. Un membre des collectifs Sans Bitume déclare à ce sujet :
« Le Groupe Pierre Fabre, après avoir poussé à l’installation de l’aéroport de Castres pour ses
propres besoins, illustre de nouveau son souci de l’intérêt public ! Sans doute pensent-ils que
RIIPM signifie Raison Impérative d’Intérêts PRIVÉS majeurs… » Que Pierre Fabre ait souhaité réagir n’est pas surprenant. Un actionnaire défend toujours ses intérêts. Mais en interne… Ça grince.
Après avoir participé indirectement à la destruction de 12 hectares de bois et de 280 arbres d’alignement multicentenaires sur le tracé de la très contestée A69, de plus en plus de salariés se disent pour le moins circonspects à la lecture de l’article de la dépêche du midi. Ces salariés qui souhaitent garder un anonymat absolu en raison des « pressions internes », nous disent que « depuis longtemps le groupe a rationalisé la recherche sur Toulouse et que les collaborateurs parisiens [dont parle Monsieur Revol] travaillent majoritairement dans ce service et ne viennent dans le Tarn que de façon exceptionnelle ».
Pour aller plus loin : Un nouvel avis juridique accable l’A69 : vers un arrêt possible du projet ?
« On ne peut payer 20 euros d’autoroute par jour, et même si on ne la pend pas toujours les jours, c’est trop cher, c’est n’importe quoi ! »
Selon ces salariés, l’autoroute n’a pas d’intérêt, ni pour les Tarnais, ni à fortiori pour les parisiens, et surtout le prix exorbitant de l’autoroute revient dans toutes les bouches. Sur le sujet du prix, un salarié nous informe :
« La direction se tait sur la prise en charge des frais du péage, mais qu’est-ce qui va se passer ? Nous devrons privilégier la Nationale devenue une Départementale, privée de ses déviations publiques, rapides, on va perdre au moins 10 minutes par rapport à avant ! Où est le progrès ? En plus ils veulent ajouter 12 ronds-points et nous refaire passer par les cœurs de village, c’est dingue ! De toute façon, on ne peut pas se payer 20 euros d’autoroute par jour, et même si on ne la prend pas tous les jours, c’est trop cher, c’est n’importe quoi. »
Le groupe Pierre Fabre qui a batti, sans autoroute, un groupe international dont on peut saluer la réussite, semble cette fois avoir du mal à convaincre. Ce salarié a laissé explosé sa colère : « C’est la honte, un scandale cet article. Ils font du chantage à l’emploi alors que les investissements ne seront jamais remis en cause, c’est du bluff, de la pression sur un tribunal, on espère que les opposants vont gagner, même si peu de gens osent le dire ouvertement. » En effet, les salariés interrogés nous l’ont répété : « On ne peut rien dire, les pressions sont énormes, mais on n’en pense pas moins ».
Le collectif Sans Bitume mène une lutte exemplaire contre l’autoroute A69
Les collectifs Sans Bitume, qui ont rejoint la lutte contre l’A69, il y a un peu plus d’un an, en se concentrant sur la question des deux centrales à bitume prévues, nous ont dit « ne pas comprendre qu’un groupe qui se vante dans toutes ses communications d’être sensible à la question environnementale et aux questions de santé, se prenne à ce point les pieds dans le tapis ».
Il est vrai qu’il pourrait être difficile d’assumer une communication avec des champs d’avoine à côté d’une centrale à bitume, d’autant que la plupart des salariés de Pierre Fabre qui travaillent dans le Tarn vivent sur place, certains ont leurs enfants scolarisés à proximité de ces installations polluantes Mais le groupe Pierre Fabre, étonnamment, ne semble pas sensible à cette question.
Gagner 10 minutes à tout prix ? On peut y voir le signe d’une équipe de dirigeants éloignés des préoccupations de ses salariés. Le risque est grand de voir le groupe se déchirer sur cette question s’il persiste dans cet entêtement. Une erreur stratégique que les opposants à l’autoroute et à ses centrales dénoncent depuis bien longtemps. À l’heure du réchauffement climatique, il est vrai que cette stratégie jusqu’au-boutiste a de quoi interroger.
Les collectifs Sans Bitume dénoncent le paternalisme de dirigeants capricieux et hors-sol. Une prise de position tranchée que le groupe ferait sans doute bien de ne pas ignorer trop longtemps, s’il veut éviter qu’elle ne se répande comme les fumées d’une centrale.
Par les 12 collectifs Sans bitume du Tarn et de la Haute-Garonne