A69. En mars 2023, un arrêté préfectoral a autorisé la construction de l’A69 en prévoyant l’installation de deux centrales à bitume, l’une à Villeneuve-lès-Lavaur et l’autre à Puylaurens/St Germain des prés.
Une autorisation bien cachée par les autorités dans un dossier faramineux d’autorisation environnementale que les collectifs citoyens « Sans Bitume » ont décortiqué pour informer la population des risques sanitaires que ces centrales vont lui faire courir. Pour l’Insoumission, les Les 12 collectifs Sans Bitume du Tarn et de Haute-Garonne révèlent dans nos colonnes les dessous des travaux de l’A69. Notre article.
A69 : fabriquer 500 000 tonnes d’enrobés, une intense pollution
Il leur a suffi de se pencher sur cet arrêté pour découvrir l’ampleur du danger. Ces deux centrales dites temporaires, parmi les plus importantes d’Europe, vont produire en quelques mois 500 000 tonnes d’enrobé bitumineux : un mélange de sable, cailloux, fraisat (déchets d’anciennes routes) et bitume. Ce au rythme d’une production de 450 tonnes à l’heure, réalisée en journée, entre 7h et 22 h, 6 jours sur 7, voir 24h/24 par moments.
Pour produire cet enrobé, le mélange est monté en température, dégageant dans l’atmosphère de nombreux polluants. L’arrêté préfectoral liste ces polluants et les seuils autorisés. À sa lecture, on comprend que près de 700 tonnes de substances polluantes et dangereuses pour la santé vont s’échapper par les cheminées des centrales, se disperser dans l’air au gré des vents, se déposer dans les champs, les jardins et les cours d’école. Pas moins de 300 tonnes d’oxyde de soufre, 300 tonnes d’oxyde d’azote, 200 kilos de plomb, ou 100 kilos d’arsenic…
La liste est encore longue et comprend aussi les fameux HAP, identifiés comme polluants organiques persistants (POPs) selon le protocole d’Arrhus (source INERIS). HAP qui par définition, s’accumulent dans l’environnement. Nombre de ces substances sont classées Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR) : extrêmement dangereuses pour les populations, en particulier les enfants et adolescents. On pourrait penser que tout cela est sous contrôle, comme le prétendent les autorités, mais les citoyens et les citoyennes ont quelques raisons d’en douter.
Les clés du contrôle dans les mains de l’exploitant
En 2019, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a simplifié la réglementation concernant l’installation des centrales à bitume, les faisant passer du régime d’Autorisation au régime de l’Enregistrement. Plus besoin d’Évaluation des Risques Sanitaires, une simple déclaration de l’exploitant suffit. On part du principe que ces centrales fonctionnent correctement, donc tout va bien. Mais pour savoir si cela fonctionne bien, qui contrôle ? L’exploitant lui-même.
Les fraisats empoisonnés
De plus, l’arrêté de 2019 permet aux exploitants d’utiliser beaucoup plus de fraisats (déchets d’anciennes routes) dans une logique de recyclage des déchets. L’utilisation de ces fraisats exige de chauffer davantage le mélange bitumineux, ce qui va engendrer le dégagement de beaucoup plus de substances toxiques, faisant courir aux habitants des risques sanitaires accrus.
Rappelons qu’environ 30 000 personnes vivent à proximité des centrales prévues, dont plus de 3 000 enfants et adolescents scolarisés sur le secteur. Contrairement à ce que dit la Présidente de Région, ce territoire n’est pas vide d’habitants.
Pour aller plus loin : Tentative d’incendie, déploiement militaire : contre les opposants à l’A69, un nouveau palier de violence est franchi
Une simplification administrative au détriment des populations
La simplification administrative joue en faveur des industriels. Et pour éviter de voir s’il y a pollution et danger, les autorités ne mettent pas en place des systèmes de mesures sincères. Leur seule préoccupation est le respect du cadre légal qui lui, met les clés du contrôle dans les mains de l’industriel. Pas de quoi rassurer. Soulignons également que lors des réunions d’information, les services de l’Etat sont aux côtés d’ATOSCA et s’en font les avocats – un mélange des genres qui inspire tout sauf la confiance.
Zéphyr, la réponse citoyenne à l’abandon de l’État
Pour se protéger, les collectifs Sans Bitume ont compris qu’ils ne pouvaient pas attendre grand-chose de l’État. C’est ainsi qu’a vu le jour le réseau Zéphyr, un réseau de mesures par capteurs de la qualité de l’air sur les communes longeant l’A69 et ses centrales, réseau conçu et déployé par l’intelligence collective citoyenne des collectifs.
Une manière pragmatique de mesurer la réalité de la qualité de l’air, de démontrer le caractère polluant de ces centrales, de faire pression sur les autorités pour qu’une véritable politique de protection des habitants soit mise en place, et d’appuyer les légitimes revendications au droit des habitants et des habitantes à vivre dans un environnement sain.
L’État, les collectivités et le concessionnaire ne s’attendaient pas à une telle riposte et ce n’est pas près de s’arrêter, car les collectifs sont plus remontés que jamais. Après la chute des arbres, c’est le combat contre les centrales qui démarre. Ces collectifs Sans Bitume s’y préparent depuis un an et demi.
Les 12 collectifs Sans Bitume du Tarn et de Haute-Garonne