Palestine/Liban. Des sacs fouillés et des policiers en patrouille. Devant Sciences Po Paris, l’entrée a des allures de caserne. Tous les drapeaux palestiniens et libanais sont devenus des objets illégaux, jugés contondants par le Gouvernement. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le génocide mené par Netanyahu à Gaza a tué plus de 200 000 Palestiniens. Au Liban, des massacres de masse se poursuivent, rythmés par des bombardements au phosphore blanc : 2 000 habitants du pays du cèdre ont été tués, dont des femmes et des enfants.
Dans le monde entier, les étudiants se mobilisent massivement dans leurs établissements pour protester contre les tueries. En France, Patrick Hetzel, le nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, préfère organiser une vaste chasse à toute marque de solidarité avec les peuples libanais et palestinien. Une feuille de route commune pour un pouvoir aligné sur Benjamin Netanyahu et habitué à censurer les opinions en dissidence. Pendant la campagne des élections européennes, Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan furent interdits de parole à l’université de Lille. Même chose à Dauphine.
Le nouveau ministre poursuit les mêmes basses œuvres. Il a condamné et interdit par communiqué « les manifestations et prises de positions » des étudiants mobilisés en solidarité avec la Palestine et le Liban. Le motif ? Ces actions iraient à l’encontre du « principe de laïcité ». En quoi parler de géopolitique le serait ? Comment comprendre que des drapeaux ukrainiens aient été hissés sur le toit de certains campus en mars 2022, mais que la Palestine et le Liban ne le soient pas ?
« Nous ne nous tairons pas », a réagi le syndicat Union étudiante. Face à l’abus de pouvoir, Jean-Luc Mélenchon a réagi en invitant la jeunesse étudiante à déployer des drapeaux palestiniens et libanais « partout où c’est possible ». Ce jour, c’est chose faite. Des drapeaux s’épanouissent partout dans les rues et les facultés. Ils y sont entrés et n’en sortiront pas. Notre article.
Interdiction de drapeaux palestiniens dans les universités : un abus de pouvoir inédit
À peine arrivé sous l’égide d’un Gouvernement illégitime, le nouveau ministre de l’Enseignement Supérieur et de la recherche sort la matraque. Par une circulaire, il appelle les présidents d’université et les directeurs d’établissements à « veiller au maintien de l’ordre public », en leur rappelant aussi leur « devoir de signaler au procureur de la République toute infraction dont ils auraient connaissance dans le cadre de leurs fonctions ». Des moyens de police et judiciaire sont ainsi déployés pour empêcher toute solidarité avec la Palestine et le Liban.
La politique est-elle définitivement interdite à l’Université ? En quoi manifester sa solidarité à la Palestine et au Liban marquerait une atteinte à la laïcité, et à l’ordre public ? L’Université est un lieu d’échanges, d’idées, où chaque étudiant est un citoyen disposant de sa liberté d’expression. L’article L811-1 du Code de l’éducation confère bien aux universités la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels.
En avril dernier, des élus de la faculté de Lille le rappelaient avec force suite à l’annulation de la conférence de Mélenchon et Rima Hassan. Ils fustigeaient une décision « illégitime et attentatoire aux libertés », des libertés « que nous devons garantir à nos étudiants », précisaient-ils en appelant les instances de l’université « à ne plus céder face aux pressions et à être réellement garantes de nos droits et libertés ». Ces pressions, ce sont celles exercées par le Gouvernement et les partisans du génocide à Gaza et la guerre généralisée au Proche-Orient, pour museler toute opposition.
Vendredi, à la suite de la publication de cette circulaire, Jean-Luc Mélenchon a répondu au ministre, en appelant à déployer des drapeaux palestiniens et libanais pour que les peuples « sachent qu’on ne les a pas oubliés, qu’on ne les abandonne pas au meurtre, qu’on ne les abandonne pas à la violence du voisin terrifiant qu’ils ont le malheur d’avoir à leurs côtés ».
Un message insupportable pour plusieurs responsables politiques dont François Hollande et Raphaël Glucksmann.
Rien d’étonnant en ce qui concerne le député de Corrèze : en octobre 2023, François Hollande appelait à distinguer les « victimes de guerre », des « victimes du terrorisme », considérant que les civils tués à Gaza l’étaient par « dommages collatéraux » et justifiant ainsi les cycles de massacres perpétués par Benjamin Netanyahu.
Pour François Hollande, les seuls drapeaux qui peuvent être « portés dans les lieux publics » sont les drapeaux français. « Le reste, c’est une propagande qui n’a pas sa place dans les lieux publics ». Le propos est clair. Afficher un soutien à deux peuples massacrés équivaut à une « propagande ». Que disait François Hollande du déploiement du drapeau de l’Ukraine sur toit d’universités, comme à Caen le 1ᵉʳ mars 2022 ? Silence radio.
Pour aller plus loin : L’armée génocidaire de Benjamin Netanyahu envahit le Liban
« LFI importe le conflit » – Nouveau déchainement médiatique contre les insoumis
Dans les médias, la tonalité restée inchangée. Plus de 200 000 Palestiniens et 2 000 libanais ont été tués, qui est responsable ? Les insoumis ! Ils « importent le conflit en France ». Les mêmes éléments de langage vus et revus saturent les plateaux télés. Des articles du JDD pointent la distribution de tracts pro-palestiniens. La chasse est ouverte.
Après un an de génocide, à Gaza et les attaques au Liban, en Iran et au Yémen, les complices de Benjamin Netanyahu continuent ainsi leurs basses besognes de censure et d’intimidation en France. Déployer des drapeaux reste un acte de soutien à portée internationale, un acte de résistance.
Après avoir brandi le drapeau de la Palestine au cœur de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, Sébastien Delogu se confiait dans un entretien à l’Insoumission : « J’ai reçu un message d’une Palestinienne rencontrée à Rafah après avoir hissé le drapeau palestinien à l’Assemblée. Elle m’a dit qu’elle était fière d’avoir un ami comme moi. ». Un acte à réitérer sans modération, partout, jusqu’à que le bruit des armes cesse, et que le martyr des peuples palestinien et libanais prenne fin. Un acte de résistance que la jeunesse étudiante multiplie partout et qui fait honneur à la patrie commune.
Sylvain Noel, rédacteur en chef
Panorama des universités du pays



