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Les AMFIS 2024 vues d’Espagne – LFI se prépare à la bataille contre l’extrême droite

LFI. L’Insoumission et le média espagnol Diario Red s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours en France, en Espagne et en Amérique du Sud. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et de Diario Red.

Pour l’inauguration de ce partenariat, nos deux médias vous parlent des Amfis 2024 vues d’Espagne, avec un récit du succès organisationnel de cet évènement marquant chaque année la rentrée politique en France, doublé d’une analyse sur le moment politique que traverse le pays. « La droite et l’extrême droite préparent une alliance pour 2027 », déclarait Jean-Luc Mélenchon devant une foule de 3 000 personnes aux AMFIS. A peine deux semaines plus tard, Michel Barnier était nommé à Matignon après une alliance entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, comme l’a révélé la presse ce week-end. Notre article.

« La droite et l’extrême droite préparent une alliance pour 2027 »

Face à la foule, après un cours magistral qui associe géopolitique, économie et analyse de la situation du pays, Jean-Luc Mélenchon lance un avertissement solennel : « La droite et l’extrême droite préparent une alliance pour 2027 » La nomination de Michel Barnier, homme du pacte de Macron / Le Pen en est une parfaite illustration.

Une foule impressionnante — plus de 3 000 personnes — se presse à l’entrée du Palais des Congrès de Valence, un immense bâtiment construit au milieu des champs, dans le paysage sec et rocailleux du sud-est de la France. Un fort mistral souffle sans cesse dans la région. Au bord d’un petit lac artificiel, quelques personnes se promènent parmi les stands et les bars installés par les organisations proches de La France Insoumise. À l’intérieur, l’excitation est à son comble : on attend la prise de parole de Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France Insoumise. À son arrivée sur scène, l’orateur est ovationné avec un enthousiasme général.

Cependant, en ce vendredi 23 août, l’heure est grave. Quelques heures plus tôt, les négociations entre les représentants du Nouveau Front Populaire (NFP) et le président Emmanuel Macron ont échoué sans même qu’on puisse entamer de véritables discussions. Pour le chef de l’État, la situation était claire dès le début : il n’était pas question de nommer Lucie Castets Première ministre pour appliquer un programme de gauche qu’il déteste viscéralement. Quelques jours plus tard, Macron annoncera dans un communiqué énigmatique son souhait de conclure des « accords plus larges », c’est-à-dire de gouverner avec d’autres forces de droite.

Jean-Luc Mélenchon en était déjà convaincu, et le même jour, il a tenté de placer le camp macroniste face à ses contradictions en ouvrant la porte à un gouvernement de gauche sans ministres de LFI. Pendant plusieurs jours, dans une manœuvre maladroite, le camp macroniste a tenté de justifier son refus de nommer Lucie Castets Première ministre et d’appliquer un programme visant à une meilleure redistribution des richesses en raison de la possible présence de ministres de LFI. Le coup habile de Mélenchon a permis de dévoiler la vérité : pour le camp macroniste, aucun compromis, même minime, n’est possible ; il s’agit de continuer à servir sans limite les intérêts du capital et de faire taire toute opposition.

Mais dans son discours, le macronisme, avec ses maladresses et ses relents nauséabonds, n’est plus le principal danger que l’orateur désigne. Face à la foule, après un cours magistral qui associe géopolitique, économie et analyse de la situation du pays, Jean-Luc Mélenchon lance un avertissement solennel : « La droite et l’extrême droite préparent une alliance pour 2027 » La nomination de Michel Barnier, homme du pacte de Macron / Le Pen en est une parfaite illustration. Notre article.

La disparition du macronisme au profit de l’extrême droite

Les dernières élections législatives ont confirmé la forte ascension de l’extrême droite, qui a atteint 33 % des voix au premier tour, un record sans précédent, malgré sa défaite au second tour. Jean-Luc Mélenchon souligne que la montée de l’extrême droite s’inscrit dans un contexte mondial de recul de la démocratie, et ce pour deux raisons.

Premièrement, dans un contexte de durcissement de la concurrence mondiale, le maintien de l’accumulation du capital exige de dépasser les règles démocratiques et les droits de l’homme. De plus, le néolibéralisme, par sa pauvreté et sa promotion éhontée des intérêts d’une petite oligarchie au détriment de la majorité, génère un rejet croissant qui se manifeste par une véritable crise d’autorité mettant en péril la stabilité sociale : pour les citoyens dépossédés, les tentations de rejeter le système dans son ensemble augmentent à mesure que la normalité et le quotidien deviennent insupportables.

Pour aller plus loin : Michel Barnier, l’homme du pacte Macron / Le Pen

L’extrême droite apparaît pour les classes dominantes comme une réponse qui permet à la fois de réprimer la contestation et de relégitimer l’autorité du système en reconnectant une partie des classes moyennes et populaires autour d’un discours raciste.

L’autoritarisme, qui s’exprime sous Macron par une répression policière sans précédent, une
propagande médiatique incessante et, surtout, une brutalisation du parlement et des autres
institutions représentatives, apparaît comme une réponse à l’affaiblissement de l’autorité
légitime d’un État discrédité par cinquante ans de néolibéralisme.

Dans le chaos engendré par le néolibéralisme, l’extrême droite apparaît pour les classes
dominantes comme une réponse qui permet à la fois de réprimer la contestation et de
relégitimer l’autorité du système en reconnectant une partie des classes moyennes et
populaires autour d’un discours raciste.

Dans les couloirs des AMFIS, l’hypothèse d’un rapprochement progressif entre le macronisme et l’extrême droite est dans tous les esprits.

Dans une interview publiée en 2022, Jean-Luc Mélenchon dressait un constat pessimiste, prédisant que l’Europe se préparait à « glisser vers l’extrême droite ». La raison en est assez simple : il existe une union de fait entre la droite, incarnée en France par Les Républicains (LR) et une grande partie du macronisme, et l’extrême droite, autour d’un intérêt commun dans la répression et le racisme, mais aussi avec des convergences croissantes en termes de programme économique. Ce nouveau bloc droite-extrême droite en gestation cherche à fracturer le bloc centriste macroniste pour acquérir une hégémonie politique et remporter l’élection présidentielle de 2027.

Plusieurs éléments récents pointent dans cette direction. D’abord, la vaste campagne médiatique menée par des milliardaires qui avaient initialement soutenu Emmanuel Macron pour appuyer le Rassemblement National (RN). Il ne s’agit plus seulement des médias d’extrême droite traditionnels du groupe du milliardaire Vincent Bolloré qui diffusent la propagande du RN, mais aussi de chaînes autrefois considérées comme plus centristes, comme BFM TV et même le service public, où le discours réactionnaire progresse, notamment après le licenciement de plusieurs personnalités classées à gauche.

On peut également noter la montée croissante de discours sur des thèmes comme la sécurité, l’immigration et la répression des mouvements sociaux, que l’on retrouve dans plusieurs textes de lois macronistes rédigés en collaboration avec le RN, comme les lois sur l’asile et l’immigration ou la sécurité globale, qui visent à accroître le fichage de la population et à étendre le périmètre de la légitime défense pour les policiers.

Dans les couloirs des AMFIS, l’hypothèse d’un rapprochement progressif entre le
macronisme et l’extrême droite est dans tous les esprits.
Les visiteurs se précipitent vers
des conférences animées par des figures médiatiques du mouvement et des intellectuels de
renom qui discutent de la possibilité d’un tel scénario politique. Lors de la conférence
intitulée « L’extrême droite, la montée résistible », l’historien Johann Chapoutot établit un
parallèle entre l’Allemagne des années 1930 et la France d’aujourd’hui face à la députée du
Val-de-Marne Clémence Guetté.

L’historien mentionne notamment le processus de nazification de la presse sous la direction d’un seul oligarque à partir de 1932, et surtout la prise de contrôle de l’État à la veille de la catastrophe nazie par un groupe de libéraux autoritaires derrière le chancelier Von Papen. Ce collectif a jeté les bases d’une politique autoritaire pour éviter que la gauche ne prenne le pouvoir dans un contexte de crise politique et économique profonde, gouvernant par décret contre la représentation parlementaire avant de céder le pouvoir au parti nazi pour sortir de l’impasse de la crise.

En terre de racisme, la société doit s’organiser pour contrôler et réprimer des êtres considérés comme inférieurs en raison de leur couleur de peau et de leur culture.

Non loin de là, accompagné par le coordinateur de La France Insoumise, Manuel Bompard, le sociologue italien Stefano Palombarini souligne, chiffres à l’appui, lors d’une conférence dédiée aux rapports de force entre les principaux blocs politiques du pays, un effondrement du bloc macroniste au profit de celui de l’extrême droite. Il met en avant plusieurs phénomènes récents, comme la fuite d’une partie des classes supérieures et des retraités vers le Rassemblement National, et l’impopularité structurelle du néolibéralisme parmi les classes populaires, ce qui complique sa capacité à obtenir une majorité pour des réformes de dérégulation.

Comment expliquer ce déclin du bloc autrefois hégémonique ? Stefano Palombarini rappelle que le bloc néolibéral parvenait à accéder au pouvoir non seulement en obtenant le soutien des classes dominantes, mais aussi en séduisant une partie des classes populaires grâce à un discours fondé sur l’ascension sociale par l’effort individuel et l’égalité des chances. Cependant, après dix ans de néolibéralisme à marche forcée sous Macron, il est indéniable que les classes les plus défavorisées ont été en grande partie perdantes et constatent la « panne » de l’ascenseur social.

Par conséquent, elles s’éloignent de ce projet politique. Avec l’échec du rêve d’ascension sociale massive, le ressentiment devient la force principale des groupes sociaux populaires, autrefois visés et séduits, pour une minorité significative, par Emmanuel Macron. Le RN exploite cette fracture en promettant davantage de souffrances sociales aux Français d’origine étrangère, mais aussi aux « cas sociaux », c’est-à-dire aux personnes en difficulté économique, accusées de vivre aux dépens des autres et de commettre des délits.

Mais l’autre fait majeur est sans doute la division du bloc dominant entre un camp néolibéral classique, qui mobilise l’État pour approfondir les logiques de marché, et un camp libertaire, hostile à l’existence même de l’impôt et de l’État. En France, un nombre croissant de grands entrepreneurs, comme le magnat de la presse Vincent Bolloré, soutiennent désormais la ligne libertaire, en opposition au projet étatico-capitaliste de Macron et de ses partisans. Naturellement, le maintien d’un bloc de gauche de rupture fort obligera le bloc néolibéral à se resserrer autour du bloc ultradroitier libertaire, dans un processus similaire à celui que connaissent le Brésil et l’Argentine.

L’antiracisme : la boussole de LFI qui veut mobiliser la jeunesse

Quelle serait l’idéologie commune qui cimenterait les différentes classes de ce nouveau bloc hégémonique d’extrême droite ? À la tribune, le leader de La France Insoumise développe un point central de la théorie politique insoumise : « Ils (la classe dirigeante) ont besoin du racisme pour faire accepter le déclin du projet démocratique. » Il est évident que l’essor des idées racistes permet de faire accepter une idée contre-intuitive, en particulier dans un pays dont la devise est « Liberté – Égalité – Fraternité », celle d’une inégalité structurelle entre les
hommes, afin d’affaiblir l’État social fondé sur l’universalité des droits et de légitimer davantage un programme libertaire.

Pour aller plus loin : La « nouvelle France » de Jean-Luc Mélenchon : populaire, diverse et solidaire

En terre de racisme, la société doit s’organiser pour contrôler et réprimer des êtres considérés comme inférieurs en raison de leur couleur de peau et de leur culture. Dans un tel contexte, aucune politique sociale d’envergure n’est possible, car elle est immédiatement accusée de bénéficier à des personnes qui ne le méritent pas en raison de leur origine ethnique. Ainsi, aucun projet de société humaniste ne peut prévaloir, car la peur de l’autre l’emporte.

On occulte la lutte contre les injustices en désignant un bouc émissaire facile, offrant une explication simpliste aux problèmes de l’existence, sans jamais remettre en question les intérêts des classes dominantes. Il est donc logique que, dans cette période de transition du néolibéralisme classique vers un projet plus libertaire, les médias et les politiques d’extrême droite gagnent en influence.

Quelle réponse apporter face à la vague montante d’une extrême droite qui se prépare à tout balayer ?

L’enjeu pour La France Insoumise n’est pas seulement de créer un nouveau parti de gauche
plus sincère et plus solide dans ses convictions, mais aussi de promouvoir les mouvements
sociaux et l’auto-organisation populaire, avec l’antiracisme comme boussole cardinale. Une
visite rapide de l’espace des AMFIS permet de découvrir de nombreux stands représentant
une multitude d’initiatives militantes, populaires et de mouvements sociaux.

On y trouve des organisations aussi diverses qu’un groupe de militants des quartiers populaires, un stand du collectif antifasciste La Jeune Garde, et d’autres médias militants directement ou indirectement liés à La France Insoumise, ainsi que l’organisation de formation du parti et des associations antiracistes ou engagées dans la défense du peuple palestinien.

La plupart de ces organisations visent des publics jugés prioritaires par La France Insoumise dans sa stratégie politique et dans la lutte contre l’extrême droite : la jeunesse et les quartiers populaires. Elles constituent une base électorale solide et assurent l’indépendance du mouvement vis-à-vis des forces de gauche plus institutionnelles et social-démocrates, souvent enclines à collaborer avec le centre néolibéral.

Sur le stand du groupe antifasciste La Jeune Garde, Raphaël Arnault discute avec ses militants dans une ambiance détendue. Cependant, l’élection du premier député issu directement de la mouvance antifasciste dans l’histoire de la Ve République avait suscité la panique dans les rangs macronistes et bourgeois. Dans une campagne d’une rare violence, les médias et les politiques d’extrême droite, du macronisme et parfois du Parti socialiste, avaient couvert le jeune candidat de boue : rien qui puisse impressionner le nouveau député, « habitué aux menaces, y compris physiques, de l’extrême droite et à la répression ».

Lorsque certains se demandent si un antifasciste a sa place à l’Assemblée nationale, Raphaël Arnault souligne l’importance pour une gauche de rupture d’intégrer les mouvements sociaux et rappelle que la question de l’unité a toujours été centrale dans le mouvement antifasciste tout au long de son histoire.

L’extrême droite envahit tous les espaces de débat, médiatiques et politiques, ainsi que les rues, avec des approches diverses, pour acquérir une position socialement dominante.

C’est bien la perspective d’une arrivée de l’extrême droite qui a poussé des forces de gauche
aussi différentes que La France Insoumise, le mouvement antifasciste La Jeune Garde et le
Parti socialiste à se regrouper dans la liste commune du Nouveau Front Populaire. Mais cette
crainte sera-t-elle suffisante pour maintenir l’union ?

La menace d’une catastrophe se fait de plus en plus sentir, et pas seulement sur le simple
terrain des médias et des réseaux sociaux. « Tous les jours en France, l’extrême droite menace, intimide et agresse : récemment, la maison d’un maire a été incendiée après qu’il a accepté d’accueillir un centre de réfugiés, il y a également eu des projets d’attentats contre Jean-Luc Mélenchon, qui ont été condamnés par la justice », rappelle Raphaël Arnault. Ces dernières années, les violences de l’extrême droite se sont multipliées, tandis que les discours de haine contre les musulmans et les militants de gauche se sont banalisés sur les chaînes de télévision.

Cem Yoldas, porte-parole de La Jeune Garde, souligne que « derrière les groupes violents, il y
a toujours l’extrême droite institutionnelle et les milliardaires, même s’ils avancent
séparément, ils frappent ensemble
». Jordan Bardella, a créé un poste au sein du parti pour le leader des Zouaves Paris, un groupe fasciste violent qui frappe dans les rues de la capitale française. Plus grave encore, un militant néonazi a été recruté personnellement par Vincent Bolloré pour surveiller l’une de ses résidences dans les Caraïbes.

L’extrême droite envahit tous les espaces de débat, médiatiques et politiques, ainsi que les rues, avec des approches diverses, pour acquérir une position socialement dominante : des milices violentes qui sèment la terreur contre les migrants et les réunions politiques de gauche dans les rues, aux politiciens en costume assistés par un journalisme complaisant sur les plateaux de télévision.

Cette stratégie, électoralement rentable, a permis à l’extrême droite d’effleurer les 40 % des voix… Mais même face à une telle menace, il n’est pas garanti que la stratégie politique unitaire actuelle du Nouveau Front Populaire, qui rappelle dans son style le Front Populaire de 1936, et à laquelle fait référence et donne son soutien Raphaël Arnault, se maintienne à long terme.

« Nous incarnons une gauche qui vient des mouvements sociaux, pour ma part, je considère qu’une gauche sans mouvements sociaux, c’est autre chose », souligne le député Arnault. Entre La France Insoumise et le Parti socialiste, il ne s’agit pas seulement de divergences programmatiques, mais de conceptions différentes quant à la manière d’organiser la culture militante. La France Insoumise mise sur le dynamisme et l’émancipation de la jeunesse et des mouvements sociaux pour contrer l’individualisme et l’anomie qui favorisent l’extrême droite, tandis que le Parti socialiste s’appuie sur des politiciens professionnels formés pour gérer les administrations locales et rassurer un électorat de retraités.

Récemment, des membres de l’aile droite du Parti socialiste ont proposé une nouvelle approche pour résoudre le blocage politique causé par le refus de Macron de nommer Lucie Castets comme Première ministre. Leur objectif à peine voilé serait d’abandonner la stratégie unitaire du Nouveau Front Populaire pour conclure des accords avec les députés du camp macroniste.

La centralité des quartiers populaires

C’est dans les quartiers populaires que la symbiose entre les mouvements sociaux et La
France Insoumise semble opérer le plus efficacement. Dans la ville populaire de Bobigny, en
périphérie parisienne, Aly Diouara a été élu député par l’organisation « La Seine-Saint-Denis
au cœur » avec l’aide de La France Insoumise, face à la dissidente Raquel Garrido, soutenue
par les autres partis de gauche en violation des termes de l’alliance. Le fait que la voix des
habitants des quartiers populaires soit représentée à l’Assemblée nationale, voire qu’ils
puissent y siéger directement, est encore quelque chose d’assez contre-intuitif dans la France
de 2024, même pour certains partis dits de gauche.

Récemment, une conseillère socialiste a été dénoncée par La France Insoumise après avoir reproché sur X (anciennement Twitter) à l’un de ses députés, Aurélien Taché, d’avoir été élu dans « une réserve d’Indiens », c’est-à-dire une ville où vivent de nombreuses personnes d’origine immigrée. Peu de temps après son élection, Aly Diouara a été photographié assis sur un banc de l’Assemblée nationale après une journée de travail. L’image, partagée sur les réseaux sociaux, a déclenché une vague de haine de la part de politiciens d’extrême droite, qui ont comparé le député à un criminel assis sur le banc d’un tribunal pénal.

Face à un environnement politique hostile, le mouvement « La Seine-Saint-Denis au cœur » se présente comme un mouvement « politico-citoyen » qui entend mettre au premier plan les préoccupations des habitants des quartiers populaires. Sa présence à l’Assemblée nationale permet d’aborder des sujets parfois négligés par les militants de gauche issus des classes moyennes.

Ainsi, devant les militants de La France Insoumise, Aly Diouara aborde le problème des bagarres entre bandes et pointe la responsabilité des politiques d’austérité dans l’augmentation de la violence : la réduction des structures d’accueil pour les jeunes et des médiateurs a affaibli les organisations qui luttaient contre les formes spécifiques de violence observées chez les jeunes des quartiers défavorisés, liées à un attachement identitaire et conflictuel au territoire, souvent perçu comme un renversement du stigmate de la
marginalisation sociale.

Un militant proche de l’organisation affirme : « Dans les quartiers défavorisés, nous devons nous battre plus que les autres, nous avons concrètement moins de droits, nous rencontrons des obstacles lorsque nous réclamons, par exemple, les allocations familiales, alors que c’est un droit universel ! » « Aider les habitants à revendiquer leurs droits, les inscrire sur les listes électorales malgré les obstacles et lutter contre les propriétaires négligents pour maintenir des logements dignes fait partie de nos actions », précise le militant.

Collectifs de lutte contre le racisme et la violence policière, mouvements pour l’accès aux droits et médias citoyens : dans les quartiers populaires, la société civile s’organise et les mouvements sociaux ne manquent pas. Cependant, ils sont confrontés plus qu’ailleurs à un manque de ressources, à l’absence de soutien des administrations locales et à la méfiance et à la répression de l’État, ce qui complique leur possibilité de s’inscrire dans la politique institutionnelle.

Ainsi, La France Insoumise a fait de la promotion des luttes et des militants issus des quartiers populaires une de ses priorités. L’organisation cherche d’abord à mobiliser les abstentionnistes qui ont un intérêt de classe à voter insoumis, pour qu’une partie du bloc populaire encore exclue du jeu politique puisse être représentée institutionnellement. Mais surtout, il s’agit de mettre en avant des thèmes propres aux classes populaires urbaines : la lutte contre les violences policières, la créolisation, capables de contrer le discours hégémonique de l’extrême droite dans les médias, où la voix des quartiers populaires est systématiquement écartée pour qu’un discours dominant stigmatisant, raciste et haineux se
déploie.

La promotion des quartiers populaires est ainsi un enjeu fondamental dans la stratégie de lutte contre le racisme et sa centralité dans le projet néolibéral. En 2020, pour préparer le terrain, Jean-Luc Mélenchon a lancé l’Institut La Boétie, qui se veut « un lieu d’élaboration intellectuelle de haut niveau et un outil d’éducation populaire ». Depuis, le leader de La France Insoumise a quitté la présidence du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale pour se consacrer au développement de cet organisme de formation. Aux AMFIS, ses équipes sont largement présentes et disposent même d’un stand qui leur est dédié.

Leur priorité : « collaborer avec les universitaires » pour créer un espace où les militants peuvent « se former, obtenir une vision globale de la société ». Récemment, l’institut a lancé une école de formation qui accueille chaque semestre une promotion de 70 étudiants, pour des formations de dix week-ends sur six mois ; trois promotions ont déjà été formées.

« L’institut est ouvert à tous, quels que soient les critères de revenus », soulignent les militants présents. Cependant, l’école de formation s’efforce de surreprésenter les étudiants avec un niveau d’études de baccalauréat et à faibles revenus : l’ambition est clairement de donner la priorité aux militants des classes populaires, notamment des quartiers populaires urbains.

L’école de formation apparaît ainsi comme l’une des pierres angulaires de la stratégie de mobilisation des quartiers populaires théorisée par Jean-Luc Mélenchon, capable de mobiliser le bloc invisible, celui des abstentionnistes, et de conquérir le pouvoir. Ses étudiants rejoindront le groupe de nouveaux cadres militants qui parcourront le pays, porte après porte, marché après marché, lutte après lutte, pour convaincre les Français de tourner une triste page de leur histoire. Pour La France Insoumise, la bataille présidentielle de 2027 a commencé.

Par Rafael Karoubi