Dans une lettre au ton monocorde publiée dans la presse quotidienne régionale, Emmanuel Macron sort de son silence. Le chef de l’État n’a pas pris la parole depuis dimanche soir, jour de la victoire du Nouveau Front Populaire. Réponse du président de la République à cette situation qu’il a lui-même déclenchée ? Circulez, il n’y a rien à voir.
« Personne ne l’a emporté », écrit-il. Le président fait fi du résultat des urnes en niant la victoire du Nouveau Front Populaire et cherche à monter une coalition pour sauver sa majorité. Pourtant, les chiffres et le mode de scrutin donnent toute la légitimité au Nouveau Front Populaire pour gouverner le pays. Déjà, avant la publication de cette lettre, le camp présidentiel faisait tout pour s’asseoir sur les résultats de dimanche soir. Notre article.
Le Nouveau Front Populaire, illégitime pour gouverner le pays ? Ces chiffres qui prouvent le contraire
En cas de cohabitation, le rôle du chef de l’État est seulement de nommer un Premier ministre dans la force politique arrivée en tête en nombre de sièges, c’est-à-dire le NFP. Pas d’écrire des lettres, dont on sent que l’intelligence artificielle « Chat GPT » a été missionné pour les écrire.
« À l’issue du vote de dimanche, le Nouveau Front Populaire est la première force politique de ce pays. Je demande au président de la République de prendre acte de ce résultat et de respecter le choix du Premier ministre que nous ferons », a déclaré Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire de LFI à l’Assemblée nationale. Cette petite musique est montée depuis dimanche soir, malgré la majorité relative obtenue par le NFP. « Personne n’a gagné », « aucune alliance possible avec LFI » ou un autre parti de la coalition de gauche, etc. Et pourtant.
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Lorsque les macronistes ont obtenu une majorité relative au second tour des législatives de 2022, sachant que la NUPES était arrivée en tête au premier tour, ils ne se sont pas fait prier pour former un gouvernement. Au premier tour des législatives de 2024, le NFP a obtenu 28,06 % des suffrages exprimés, loin devant la coalition présidentielle (20,04 %). Au second tour, la coalition de gauche a obtenu 25,68 % contre 23,14 % pour les macronistes.
Certes, le RN a obtenu plus de voix. Sauf que le NFP, du fait de nombreux désistements, était présent dans bien moins de circonscriptions (284). Or, en moyenne, le RN a obtenu 20 845 voix dans les circonscriptions où il était présent au second tour. Le NFP, 24 665 voix en moyenne. Dimanche soir, le NFP a obtenu plus de députés que toutes les autres forces politiques, y compris le RN. Et avec tout cela, la coalition de gauche ne pourrait pas gouverner ? Pour le camp présidentiel, le respect des urnes, c’est uniquement lorsque ça les arranger.
Comment le camp présidentiel veut torpiller les résultats des législatives
Malgré la victoire du Nouveau Front Populaire et de son groupe parlementaire sauvé grâce aux voix des électeurs de gauche, le camp présidentiel se préparait à s’asseoir sur le vote du peuple en se tournant du côté de la droite pour former un gouvernement. Ce, avant même la publication de la lettre laconique du chef de l’État. Plusieurs éléments viennent étayer cette hypothèse depuis dimanche soir. Hier soir déjà, Emmanuel Macron recevait Gérard Larcher, président Les Républicains (LR) du Sénat. A priori, pas pour parler du temps qu’il fait en ce mois de juillet, mais bien de la situation politique qui a débouché des législatives anticipées, provoquées par le chef de l’État.
Quelques médiatiques députés macronistes y sont allés de leurs commentaires, relativisant la victoire du Nouveau Front Populaire et expliquant qu’une telle Assemblée serait profondément ingouvernable. Maud Bregeon, de l’aile la plus droitière des macronistes, a publiquement rejeté toute alliance avec LFI ou les Écologistes. Benjamin Haddad, député macroniste de Paris, a menacé de renverser un quelconque gouvernement où LFI serait présent. Un communiqué du groupe parlementaire Renaissance est allé dans le même sens. Gérald Darmanin, lui, veut éviter « le drame du Front Populaire » et explique que « personne n’a gagné ses élections ».
Au lendemain du 2ᵉ tour des législatives, Jean-Luc Mélenchon appelait à la vigilance, en affirmant que beaucoup allaient faire comme si rien ne s’était passé, tentant de passer les résultats sous le tapis. Nous y sommes. Une situation vivement dénoncée par la députée insoumise Clémence Guetté, à l’annonce de la rencontre entre Gérard Larcher et Emmanuel Macron : « Le président Macron tente un coup de force démocratique. Refusant d’appeler le NFP à gouverner, pourtant arrivé en tête, il prépare une nouvelle magouille avec la droite et la complicité de l’extrême droite. Nous ne les laisserons pas vous voler votre victoire. »
Pour aller plus loin : Le Nouveau Front Populaire met en garde Macron contre « toute tentative de détournement des institutions »
Mardi, le NFP a mis solennellement en garde le chef de l’État contre « toute tentative de détournement des institutions ». Les forces de gauche l’ont appelé à « se tourner immédiatement vers le Nouveau Front populaire pour lui permettre de former un gouvernement ». Ne pas faire appel à cette coalition historique de gauche pour former un gouvernement serait une énième coup de force anti-démocratique de la part d’Emmanuel Macron.
« C‘est le retour du droit de veto royal sur le suffrage universel. Il prétend donner du temps pour former une autre coalition par magouilles après les élections ! C’est le retour des intrigues de la IVe République. Ça suffit. Il doit s’incliner et appeler le Nouveau Front Populaire. C’est tout simplement la démocratie. », a dénoncé Jean-Luc Mélenchon à la suite de la lettre d’Emmanuel Macron.
Par Nadim Février