Darmanin
« Les "voltigeurs" avaient été postés à proximité de la manif' », Jeanne Menjoulet, Flickr, CC BY 2.0

De Pasqua à Darmanin, les « voltigeurs » frappent encore

Les violences policières survenues au cours des manifestations contre la réforme des retraites ont valu à la France des réprimandes de la part de plusieurs organismes et associations de référence, aussi bien en Europe qu’à l’International.

Ces véritables répressions viennent alourdir l’historique des dérapages dans le maintien de l’ordre sous la Ve République, et transforment dans les faits le manque de démocratie des Institutions en vigueur depuis 1958. Les agissements de la BRAV-M, et ceux des brigades à quad à Sainte-Soline, rappellent les interventions brutales des voltigeurs d’antan, impliqués entre autres dans l’Affaire Oussekine en 1986. La Ve République est à bout de souffle, la légitimité du pouvoir n’a jamais été aussi fragile ? Les « voltigeurs » frappent.

Nous devons absolument nous rendre tous compte que quelque chose dysfonctionne gravement au sommet de la hiérarchie, qui depuis des décennies a régulièrement démontré son incompétence dans les moments chauds de la rue, surtout lorsque la droite dure est au pouvoir. Plus fort encore, alors que de simples et pacifiques manifestants sont verbalisés, insultés, tabassés gratuitement, les dangereux casseurs des black blocs semblent bénéficier d’un grand laisser aller, que certains policiers dénoncent à leurs risques et périls sur les plateaux télévisés et les réseaux sociaux. Alors que des éléments d’extrême droite se déchaînent dans la rue et dans les facs, c’est la gauche qui est accusée par le Gouvernement. Pourquoi cette situation aussi ubuesque d’intolérable ?

L’Histoire est une précieuse alliée, et celle des soixante dernières années nous démontre que les pratiques du monde d’avant n’ont en rien cessé en 2023. Entre magouilles d’État, barbouzeries dignes de la Guerre Froide, une direction défaillante et les étranges relations de hauts officiers avec le banditisme, le peuple et la démocratie en France font face à des menaces que le grand public doit connaître davantage. Notre article.

Répression policière contre manifestants et militants, un bilan noir

La liste des affaires policières impliquant de graves bavures est malheureusement longue en France. Revenons ensemble sur les plus emblématiques d’entre elles.

En 1962, le 8 février, la police réprime les manifestants de gauche réunis à Paris contre l’OAS,
faisant 9 victimes et des blessés. Ce sera l’affaire du métro Charonne. Le préfet de police de Paris, alors défendu par le Gouvernement, n’était autre que Maurice Papon, pourtant dénoncé depuis la Libération comme collaborateur de haut niveau par Gabriel Delaunay, le chef de la résistance bordelaise. Papon était même Ministre du Budget sous le Gouvernement Barre, lorsque son rôle sous l’Occupation a été prouvé.

Les réponses policières disproportionnées à l’encontre de revendications régionalistes et écologistes ne manquent pas non plus. L’affaire d’Aléria est un excellent exemple. La Corse avait déjà été touchée par l’Affaire dite des boues rouges en 1973, lorsque 3000 tonnes de déchets chimiques italiens avaient contaminé l’Île de Beauté. Celle-ci a connu un épisode de violence remarquable en 1975. Une cinquantaine de militants autonomistes, menés par Edmond Simeoni, s’étaient emparés d’une ferme pour protester contre la spoliation des petits vignobles locaux au profit de grands propriétaires et rapatriés d’Algérie depuis déjà une bonne décennie. Ces militants équipés de fusils avaient annoncé leur départ de la ferme pour le lendemain, mais cela n’a pas empêché le ministre de l’Intérieur, Michel Poniatowski, de dépêcher une véritable légion de 1200 policiers et CRS, avec hélicoptères, blindés, et même l’assistance d’un navire de guerre. L’assaut de la ferme a déclenché des émeutes graves sur l’île, notamment Bastia, et conduit à la formation du FLNC l’année d’après. Un fiasco complet pour le Ministère qui a été vu comme responsable de ce déchaînement, alors qu’il était censé endiguer la révolte.

Les dérapages contre les écologistes ont existé dès cette époque. On se souviendra de l’Affaire Vital Michalon en 1977, militant anarchiste et écologiste tué par une grenade de la police au cours d’une manifestation contre le chantier de la centrale atomique de Superphénix. Notons que la décision de construire cette centrale avait été ordonnée par le Gouvernement, n’était pas l’issue d’un débat parlementaire, et s’achèvera dans un fiasco financier alors sans précédent dont nous payons encore les frais (La Cour des Comptes a estimé le prix de construction de Superphénix à 12 milliards d’euros, et celui de son démantèlement à près de 3 milliards supplémentaires. Le démantèlement de Superphénix est encore en cours et ne devrait pas s’achever avant 2027, voire 2030 pour l’assainissement des terrains, ndlr). Là encore, les autorités ont essayé de faire croire que Vital Michalon avait été tué par une bombe artisanale fabriquée par des écologistes, oubliant la violente répression de cette manifestation de 60 000 personnes par 5000 policiers, ainsi que la présence d’indices matériels, notamment sur le corps de Vital, qui concordent avec l’utilisation d’une grenade.

Les barbouzeries d’État se sont poursuivi par la suite, malgré la dissolution du Service d’Action Civique par Mitterrand, avec le sabotage du navire amiral de Greenpeace, le Rainbow Warrior, par deux agents de la DGSE en 1985 au port d’Auckland, Nouvelle-Zélande.

Beaucoup plus récemment, alors que l’on pensait que ces très graves dérapages étaient derrière nous, plusieurs épisodes de tabassages répétés, de plus en plus fréquents, sont parvenus à la connaissance des citoyens. Il y a eu le cas Rémi Fraisse, tué lors d’une manifestation en 2014 contre le barrage de Sivens. Malgré son décès, le policier qui a lancé la grenade n’a pas été inquiété par l’IGPN, police des polices. Pire, l’IGPN a même cité dans son rapport de défense un journaliste d’extrême droite.

L’affaire « Maria » du 8 décembre 2018 est également ahurissante. Une jeune femme de 19 ans sauvagement tabassée à Marseille par des agents de la Brigade Anti Criminelle, s’est retrouvée dans un état grave. Mais malgré toutes les preuves apparentes et accablantes, deux commissariats ont refusé d’enregistrer sa plainte et l’IGPN a encore une fois prononcé un non-lieu. Les estropiés des Gilets Jaunes, visés aux LBD et aux grenades, se comptent par dizaines.

Et maintenant, voilà le retour des « voltigeurs », de ces brigades, véritables milices motorisées, avec un conducteur à l’avant et un frappeur à l’arrière. Les bâtons qui ont servi à tuer Malik Oussekine en 1986, du temps de Charles Pasqua, ont été remplacés par des LBD, mais le principe reste le même. La tragédie, c’est lorsque ces actes criminels se répètent malgré des précédents graves.

Des crimes pour incriminer l’extrême-gauche

Si certaines personnes peuvent s’émouvoir de la possibilité d’années de Plomb en France pour les années à venir, il faut se souvenir de la réalité que désigne vraiment ce terme. Et parfois, pour comprendre ce qu’il se passe chez soi, il faut regarder ce qu’il s’est produit à l’étranger, avec le recul que nous possédons désormais.

Le témoignage du néo-fasciste Vincenzo Vinciguerra révèle une stratégie délibérée de la tension lors des Années de Plomb en Italie, laquelle visait à empêcher le Parti Communiste ou le Parti Socialiste d’accéder au pouvoir. Les attentats furent attribués dans leur quasi-totalité à l’extrême-gauche, mais avec le temps et les enquêtes policières ultérieures, la société italienne a pris conscience que la plupart des actions explosives avaient en réalité été menées par l’extrême-droite. Le professeur d’histoire à Paris, Pierre Milza, explique cette stratégie d’attaques sous faux drapeau en donnant des chiffres accablants. « sur les 4 384 actes de violence politique recensés entre 1969 et 1975, 83 % furent le fait des organisations de l’ultra-droite nationaliste et néofasciste, et que celles-ci ont eu à leur actif 83 homicides politiques sur 92 » (Cité dans Pierre Milza, Histoire de l’Italie, Fayard, 2006, p. 959-960.)

Et il ne faut pas oublier qu’une partie non-négligeable de la violence en Italie lors des Années de Plomb était due à la mafia. Surtout que celle-ci était en relation avec la Loge secrète Propaganda Due (la célèbre P2), dirigée par un fasciste avéré, Licio Gelli, et connue aussi bien pour ses actions en Amérique du Sud que pour ses contacts à la CIA. La Justice a prouvé que Licio Gelli a organisé et financé le terrible attentat de la gare de Bologne, et qu’il avait une immense influence sur les services secrets de son pays. Nos voisins italiens d’ailleurs ont développé une expression pour désigner les crimes d’État, ce sont les « stagi di Stato ». Retour dans les années barbouzes.

Même la violence avérée de l’extrême-gauche italienne a pu être poussée par des organismes officiels étrangers tels que le Mossad israélien , actif en Italie dans les années 70, et qui a proposé des armes aux Brigades Rouges. Mais le souci, c’est que contrairement aux actions terroristes de groupes anarchistes, le terrorisme noir, néo-fasciste, n’a que très peu été condamné, alors que c’est ce type d’activisme qui a produit les pires tueries de masse. Le cas de Franco Giorgio Freda est emblématique. Jugé responsable de 16 attentats dans les années 70, il a été relâché dès 1986 et a pu continuer sa carrière en tant qu’éditeur pour l’extrême-droite transalpine.

La stratégie de la tension semble être adoptée par Gérald Darmanin et le Gouvernement dans son ensemble.

L’accusation d’islamogauchisme tient de la même stratégie. Elle a pour objectif de faire oublier un autre terme qui lui a une réalité historique, celui d’islamofascisme. Il faut savoir que le IIIe Reich a eu des rapports avec des groupes antisémites présents au Moyen-Orient dans les années 40. Le personnage de Mohammed Al Husseini est emblématique. Grand responsable religieux, poursuivi par les britanniques pour divers pogroms organisés à Jérusalem en 1939, il a rapidement gagné l’Allemagne, où il fut proclamé aryen d’honneur par Hitler. Puis il a animé des émissions radios dans le but de faire la gloire du Führer auprès de troupes islamistes, et a même levé une armée de quelques 3000 SS musulmans en Bosnie-Herzégovine en 1943, avec l’intention d’attaquer les populations juives de Palestine (Croissant fertile et croix gammée, de Klaus-Michael Mallmann et Martin Cüppers, Verdier, 2009).

Au cours de la dernière décennie, beaucoup d’attentats terroristes ont secoué l’Europe. Mais il faut se souvenir que ce sont deux anciens militants du service d’ordre FN, suprémacistes lillois, qui ont vendu les armes qui ont servi à l’attaque du Super casher en janvier 2015, réalisée par Amedy Coulibaly. Au cours de la marche blanche en la mémoire de Mireille Knoll, c’est un certain Philippe Mizerski, chef de Vincent Crase et Alexandre Benalla lors de l’épisode de la Contrescarpe, qui a ordonné à Jean-Luc Mélenchon de quitter le cortège.

Il y a une grande hypocrisie dans les rangs des réactionnaires, lorsque le milliardaire propriétaire de Valeurs Actuelles, Iskandar Safa, est entré dans le top 100 des fortunes françaises en vendant de l’armement, notamment à l’Arabie Saoudite. Le même pays où Marine Le Pen a obtenu un prêt bancaire de 8 millions d’euros pour sa campagne présidentielle de 2022. C’est également dans cette nation où l’on finance le terrorisme, qu’Alexandre Benalla a servi comme garde du corps du futur Prince, ce qui ne l’a pas empêché de devenir par la suite l’homme de confiance d’Emmanuel Macron, ni d’entrer dans une loge maçonnique de droite radicale, Les Chevaliers de l’Espérance, très active en Afrique.

L’Affaire Benalla dans son ensemble ressemble fortement à une tentative de mise en place d’une police parallèle. À l’époque déjà, Frédéric Lordon dénonçait dans Le Monde Diplomatique la violence d’un État policier trop souvent complice de l’extrême-droite, dominé par un Macron se rêvant en nouveau monarque. La communication de l’actuel Ministère de l’Intérieur vise l’extrême-gauche et les écologistes en oubliant totalement la violence de l’extrême-droite, laquelle se déchaîne aussi contre les manifestants eux-mêmes, comme le révèle Libération le 31 mars 2023. La situation rappelle dangereusement l’Italie des années 70.

Et cette communication autour de la violence en marge des manifestations tourne parfois même au grotesque, comme avec cette publication Twitter de la Préfecture du Bas-Rhin, au soir du 30 mars 2023, qui annonce que la police a saisi des cailloux dans des haies, presque comme s’il s’agissait d’une preuve d’un attentat brillamment déjoué. Mais cette fois, il ne faudra pas 10 ou 20 ans pour connaître la vérité. Internet existe, les smartphones permettent de prendre des enregistrements du direct, pouvant être utilisées comme preuves contre le récit officiel. Seul le mensonge permanent peut encore faire gagner du temps aux autorités en pleine dérive autoritaire.

Hautes autorités policières et relations toxiques

Il est extrêmement étonnant de découvrir que de grands responsables des services de renseignement et de maintien de l’ordre ont entretenu et entretiennent encore des liens avec le crime organisé et divers trafics, notamment sur le continent africain, avec le concours de mafieux originaires de Corse et de Marseille.

Beaucoup de gens connaissent le rôle que le Service d’Action Civique a joué dans l’ombre pendant des années, et ses crimes les plus graves comme la Tuerie d’Auriol, autre grande barbouzerie des années 1980. Que Charles Pasqua, qui en fut l’un des grands directeurs, a été aussi bien pendant quinze ans un grand cadre au service d’une immense firme, celle des alcools Ricard, qu’un proche de personnalités liées à la mafia corse et marseillaise. L’un de ses grands amis était Étienne Léandri, indispensable à la pègre des années 1960, et dont le riche palmarès doit logiquement inquiéter. Qui est ce dernier ?

Étienne Léandri, vendeur de cocaïne des années 30 à Marseille, collaborateur, membre du service de renseignement des SS, s’évade en Italie puis travaille avec la CIA et Lucky Luciano, parrain emblématique de l’Après-Guerre. Il devient proche de Pasqua dans les années 70, voire avant. Dans les années 1980, il met en place des financements illégaux au RPR puis dans les années 1990, la vente de matériel policier de la SOFREMI (laquelle relève du Minsitère de l’Intérieur) en Amérique du Sud, lui permet d’encaisser 20 millions de francs qu’il partage avec le fils de Charles Pasqua. Il organise aussi un véritable racket d’État sur Alstom en 1994 (Histoire secrète de la corruption, 2014, de Jean Garrigues et Yvonnick Denoel).

Le retour des socialistes au pouvoir en 1988 provoque des enquêtes et la découverte que le conseiller de Pasqua, Daniel Léandri, était installé dans le bureau voisin du patron de la DGSE (Les parrains corses, Jacques Follorou et Vincent Nouzille, 2004). Daniel Léandri gérait des dossiers liés à des chefs d’État Africains. Ces révélations n’ont pas empêché son retour en 1993 sous Balladur, lorsque ce dernier à réinstallé Pasqua au Ministère de l’Intérieur, après un court mais intense séjour en 86-88.

Beaucoup plus récemment, comment un homme tel que Christophe Castaner a t-il pu devenir Ministre de l’Intérieur, le premier flic de France, alors qu’il était dans les années 1980, le protégé d’un des plus grands malfrats marseillais ? Christian Oraison, dit « Grand Blond » était effectivement l’un des chefs des braqueurs de la Dream Team, groupe de malfrats très actif à la fin des années 90.

Comment se peut-il que le frère de Michel Tomi, parrain des parrains corses, puisse être l’actuel directeur des brigades motorisées de la Préfecture de police de Paris ? Paul-Antoine Tomi, recruté par l’ancien chef du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, a été mis à l’écart de la DGSI pour ses liens avec la mafia corse en 2016, mais cela ne l’a en rien empêché de continuer ses activités dans le cadre de la répression des Gilets Jaunes. Ni d’être récompensé pour son action en 2019 malgré des débordements. Débordements qui ont continué après cet épisode, puisqu’il a été filmé en janvier 2021 par un journaliste de Brut en train de frapper des manifestants à terre.

Bernard Squarcini a lui-même été photographié en présence de Michel Tomi en avril 2012. Ce dernier, ancien associé de Charles Pasqua, s’est fabriqué tout un empire dans les jeux, les casinos et même le fret aérien au Gabon et au Cameroun. Comme un retour de Françafrique mais aussi de France à fric, quand on sait que le groupe de Michel Tomi, Kabi, a une fortune estimée à 600 millions d’euros. Il existe un lien avéré entre milieux d’argent et mafia, entre politique et milieux d’argent, et même une connexion entre les trois, symbolisée par les casinos et salles de jeux. En 1988, Pasqua avait d’ailleurs autorisé les casinos du littoral azuréen d’installer des machines à sous, ce qui était interdit auparavant sous pression de la gauche, même en version Gaston Deferre (Compromissions, de Pierre Péan, 2015).

Bernard Squarcini a lui aussi eu des relations toxiques. Proche de Charles Pasqua et de son poulain en politique, Nicolas Sarkozy, Squarcini a travaillé pour une autre forme de mafia, celle des grands patrons, en utilisant sa propre boite de conseil, Kyrnos, pour entrer au service de LMVH. Il a supervisé l’espionnage de François Ruffin pour Bernard Arnault, et a continué d’avoir de l’influence après son départ des services de renseignement. Il a notamment supprimé le fichage S d’un oligarque russe, Andrei Skoch. Squarcini a été mis en examen pour plusieurs motifs, détournement de fonds, trafic d’influences, faux en écriture publique mais aussi détention de dossiers secrets sur différentes affaires (HSBC, Cahuzac, Mohammed Merah…).

L’un des « barbouzes » politico-financiers préférés de Nicolas Sarkozy, Alexandre Djouhri, a été fiché S pour trafic d’armes en Afrique. C’est chez lui, à Londres, qu’un deuxième Alexandre, Benalla, est venu en visite après son départ de l’Élysée. Djouhri, actif dès les années 1980, était sans surprise un proche de Charles Pasqua, mais aussi de Mouammar Khadafi, après « avoir commencé » en tant que braqueur de bijouteries en 1981. Il a même été impliqué dans les règlements de comptes musclés autour des affaires de la famille Delon, en 1986. Son casier judiciaire restera très longtemps vierge grâce à l’action de Bernard Squarcini. De l’époque Pasqua à celle la macronie, en passant par les années Sarkozy, les mêmes méthodes perdurent et se transmettent, comme de génération en génération dans la droite dure.

Bavures, violences, une direction irresponsable ?

Que ce soit dans les attentats ou en marge des manifestations des dernières années, de multiples négligences ont été révélées par les enquêtes aussi bien journalistiques que judiciaires.

Nous pourrions commencer avec l’Affaire Merah. Le terroriste, auteur de plusieurs crimes en mars 2012, était surveillé depuis un an déjà, ses liens avec le djihadisme connus, pourtant la DGSI n’a pas pris en compte l’avis des agents toulousains. La DGSI était à l’époque dirigée par Bernard Squarcini. Plus stupéfiant encore, Mohammed Merah a pu rentrer et sortir de son domicile sous surveillance alors qu’il avait déjà commis des meurtres, une résidence dans laquelle la police a découvert plus tard la présence de la carte de visite d’un garde du corps de Nicolas Sarkozy. De même, comment se fait-il que l’ancien garde du corps d’Emmanuel Macron ait été photographié en 2015 en compagnie du logeur de DAESH, celui qui a abrité les futurs tueurs du Bataclan ?

Une autre affaire a aussi alimenté des suspicions, celle de l’attaque terroriste du 14 juillet 2016. Des internautes n’ont pas vraiment cru au concept de radicalisation expresse, et surtout, ont désigné de graves failles dans la sécurité, alors que l’état d’urgence avait été déclaré depuis le mois de novembre de l’année précédente, suite à l’attentat du Bataclan. Le chauffeur du camion a pu commettre cette attaque alors qu’il avait précédemment été filmé à plusieurs reprises, en repérage, par les caméras de surveillance de la ville de Nice, qui est, il faut le rappeler, la mieux dotée de France à ce niveau. La Promenade des Anglais était de plus facilement accessible et aucun obstacle n’a ralenti la progression du camion, qui s’est arrêté « tout seul », lorsqu’il a calé en ralentissant sur 5e vitesse. Pour ajouter au discrédit des autorités, la SDAT, sous-direction antiterroriste, a par la suite ordonné la destruction des bandes d’enregistrement des caméras niçoises. La suspicion peut encore être renforcée lorsqu’on sait que l’état d’urgence devait expirer à peine 6 jours plus tard et que dans la même journée du 14 juillet, François Hollande avait évoqué sa fin prochaine.

En plein épisode des Gilets Jaunes, malgré une présence policière exceptionnelle, un jeune homme de 29 ans, fiché S depuis deux ans et multirécidiviste, sortie de prison en Allemagne, a pu abattre cinq personnes prises au hasard à Strasbourg, le 11 décembre 2018, avant de prendre la fuite en taxi devant les forces de l’ordre. Toutes ces affaires, dont la liste n’est pas exhaustive, relèvent au mieux de la grave négligence, et alimentent logiquement toutes sortes d’idées autour de complots présumés. Puis viennent enfin les apparitions répétées de casseurs lourdement équipés, lors des mêmes manifestations des Gilets Jaunes. Pourtant soutien de la Loi Sécurité Globale, la syndicaliste et policière Linda Kebbab confirme l’existence d’un grand laisser aller de la part des autorités, qui n’arrêtent pas les black blocs, et qui ne font pas de recherche préventive alors que c’est tout à fait possible. La dénonciation ne date pas d’hier, Linda Kebbab avait déjà alerté en 2019, mais le signalement lui avait valu une « menace d’enquête IGPN ».

Concernant les violences perpétrées par les forces de l’ordre elles-mêmes, l’ancien sous-préfet, Laurent Bigot, a raison. Il y a dans les forces de l’ordre un réel problème. L’épreuve de résistance et de gestion du stress en situation difficile a été abandonnée. La qualité du recrutement devient plus qu’hasardeuse. L’organisation et le commandement agressifs tendent a créer par réaction chez les manifestants un sentiment antiflic pour des générations. Au-delà de LFI et de la NUPES, tout le monde a raison de dire qu’au vu des violences gratuites constatées, il y a des éléments qui ne méritent pas d’appartenir à la police. Cette dernière fait globalement un travail admirable au quotidien. Alors ne laissons pas quelques brigades radicales et ultra-violentes venir la discréditer.

Par Victor Gueretti

Crédits photo : « Les « voltigeurs » avaient été postés à proximité de la manif’ », Jeanne Menjoulet, Flickr, CC BY 2.0