Caroline Colombier est l’autre visage de l’alliance capital-fasciste à l’Assemblée nationale. Sa nomination à la délégation parlementaire du renseignement comme seule élue d’opposition par LREM a marqué une étape décisive et glaçante dans les mains tendues par la minorité présidentielle. Mais aussi une promotion inespérée pour cette militante historique du Front national de la première heure alors qu’elle avait 15 ans, autrefois dans le secret de son passé au parti de Pierre Bousquet et de Jean-Marie Le Pen, aujourd’hui dans celui du secret-défense face aux sujets les plus sensibles de la République.
Au second tour des élections législatives, le RN a percé le plafond de verre du Palais Bourbon. Le chef de l’État a une lourde responsabilité dans la crise qui s’ouvre : pendant 5 ans, la stratégie politique macroniste a consisté à faire monter l’extrême-droite. Macron a joué avec le feu, il s’est brûlé. La période qui s’ouvre est décisive. Le RN a aujourd’hui près de 90 députés, il est temps de les démasquer.
Douzième épisode de notre série sur les 89 députés du RN. Portait de Caroline Colombier.
Caroline Colombier fait ses débuts au Front National de la jeunesse (FNJ)
Caroline Colombier a 15 ans lorsqu’elle souhaite rejoindre le Front National. À l’époque, en 1974 (ou 1973, selon les informations qu’elle donne), c’est encore un regroupement groupusculaire de l’extrême-droite française cherchant à unifier les groupes de rue comme Ordre Nouveau derrière un front électoraliste. À peine un ou deux ans plus tôt, Pierre Bousquet, ancien Waffen-SS de la Division Charlemagne déposait les statuts du futur parti lepéniste avec Jean-Marie Le Pen à Paris. À l’époque, le tortionnaire de la guerre d’Algérie n’est encore que peu de choses face à la frange organisée de néo-nazis, négationnistes et nationalistes révolutionnaires qui occupent les instances dirigeantes du micro-parti autour de François Duprat notamment.
À peine trois ans plus tard, Caroline Colombier sera candidate, selon ses dires, aux législatives à Paris. Vu la date qu’elle évoque, il se pourrait que ce fut aux municipales. Pas d’autres précisions. À l’époque, la frange nationaliste révolutionnaire contrôle la plupart des candidatures dans la capitale et Pierre Bousquet est un des candidats officiels du Front National, comme le négationniste François Duprat. A ce moment-là, elle rejoint le Front National de la jeunesse, et l’on entendra pas parler de son engagement politique jusqu’à son élection, 45 ans plus tard, en tant que députée RN de la 3e circonscription de Charente.
Une élection sous les ors du journalisme
Le Monde n’a pas manqué de bons mots à l’égard de cette étonnamment discrète vice-présidente du groupe RN nommée par Marine Le Pen en personne. Sur le perron, à l’occasion de l’arrivée des députés RN à l’Assemblée nationale, dans un article aux ordres de la tolérance à afficher envers ce « joyeux désordre » prêt « à franchir la rue les séparant de leur nouvelle vie de parlementaire, d’écharpe tricolore et de respectabilité », les journalistes viennent recueillir son émotion. Elle dit avoir « des palpitations, c’est incroyable ! » (ce qui fournira un bon intertitre), en « tremblant de joie » soulignent les journalistes. Elle dira même qu’elle « représente tous les Français, même la gauche, si elle est patriote et va dans le bon sens. »
Le même journal la retrouve une semaine après à l’occasion d’un petit portrait. « Émue, très émue », aimable retraitée qui dit avoir « décidé de [se] remettre dans la politique pour [ses] idées, pour [ses] enfants, [ses] petits-enfants », et ne veut que « représenter les Français, et le peuple », selon ses mots. Ils ne manquent pas de l’interroger en tant que belle-sœur de Jacques Colombier, député européen RN surnommé « bébé Le Pen » (père, NDLR) poursuivi pour détournement de fonds publics et proche de Bruno Gollnisch, ancienne tête des traditionalistes au Front National. L’occasion pour elle de rappeler qu’elle a « adhéré au RN avant qu’il se lance ! »… en 1975. Effectivement, elle fut encore plus précoce sur son ancrage dans l’extrême-droite la plus historique.
La consécration par Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, en personne
Ce qui fera définitivement connaître Caroline Colobmier se déroule le 28 juillet dernier. Un mois après l’élection de la honte de deux élus RN aux postes de vices-présidents de l’Assemblée nationale par les députés de la minorité présidentielle, avec bulletin de vote, on apprend au détour du Journal Officiel que Caroline Colombier est nommée à la Délégation parlementaire au renseignement. Stupeur : la macronie a préféré nommer une élue RN comme seule élue d’opposition, qu’un ou une élue France Insoumise, à la seule délégation dont les travaux sont soumis au secret-défense. De plus, c’est la présidente de l’Assemblée Nationale en personne, Yaël Braun-Pivet, qui est en charge des nominations. Elle a choisi d’y faire inscrire Caroline Colombier.
Le scandale est total. Non seulement la délégation au renseignement travaille sous secret-défense, mais elle traite des dossiers les plus sensibles de la sécurité nationale, des projets de terrorisme aux menaces vitales en tout genre. Et l’extrême-droite ne manque pas d’y être bien intégrée, à l’heure où elle projette des attentats dans toute l’Europe. Un risque énorme qu’a voulu courir Yaël Braun-Pivet, pour montrer toute la bonne volonté du gouvernement et de sa minorité à l’Assemblée envers l’extrême-droite (en excluant la France Insoumise et la NUPES, qui avaient eu le tort de les faire plier au premier tour des législatives).
Un symbole de la collusion LREM-RN à l’Assemblée nationale
A l’heure où la minorité présidentielle et le RN viennent de voter main dans la main la Loi de Programmation de sécurité intérieure et se draguent à travers la loi toxique sur l’immigration de Darmanin, cette promotion inattendue a marqué les esprits à l’extrême-droite. Valeurs Actuelles n’a pas manqué de souligner comment, avec cette « belle surprise, […] le Rassemblement national continue donc de s’imposer à l’Assemblée Nationale pour faire valoir ses idées. » Sans compter la nomination de Frank Giletti, un autre député RN, comme rapporteur du budget de l’armée de l’Air, une autre fonction clé.
Ainsi, Caroline Colombier est l’autre visage de l’alliance capital-fasciste à l’Assemblée nationale. Devant les caméras, il y a celui des tolérances et des amabilités réciproques sur des élus « bien cravatés » et « respectables », des votes main dans la main contre le peuple, l’augmentation des salaires, le blocage des prix, le rétablissement de l’ISF. En coulisses, dans les affres du secret-défense autour des sujets les plus sensibles de la République, il y a le nom et le visage de cette militante des heures les plus sombres du Front National. Pour le pire.
Par François Jarlier