Bloc Lorrain

L’association Bloc Lorrain menacée de dissolution… pour des appels à « détruire le capitalisme »

« Bloc Lorrain ». Ce nom ne vous dit rien ? C’est une association libertaire nancéienne, très active en Lorraine, organisant de nombreuses actions de solidarité. Elle est dans le collimateur du ministère de l’Intérieur. Fin octobre, ce dernier l’a menacée de dissolution par courrier.

Pour quels motifs ? Des appels à « détruire le capitalisme », la formation d’une équipe d’infirmiers bénévoles pour soigner des manifestants, la « dénonciation des violences policières » ou encore l’utilisation du sigle « ACAB »… Un peu léger comme argumentaire pour dissoudre une association placée sous le régime de la loi de 1901. « C’est un glissement dangereux, cela nous fait peur. C’est une atteinte grave aux libertés qui est en train de se passer », estime Kevin Grillo, président de l’association, auprès du média Basta !. Pourquoi cette association fait-elle si peur à Gérald Darmanin ? Notre article.

Le Bloc Lorrain mène de multiples actions de solidarité

Plus de 100 repas distribuées chaque semaine dans les rues de Metz et de Nancy en maraude, distributions de produits de premières nécessités à plus de 200 étudiants, aide à des réfugiés dans leurs démarches administratives, actions pour appeler à la sobriété énergétique, ramassage de déchets en milieux ruraux et urbains… Les actions de solidarité du Bloc Lorrain sont multiples.

Au mois de septembre, des militants du collectif « s’étaient introduits, sans violence, sur le site de la centrale à charbon de Saint-Avold, avec une poignée de banderoles pour dénoncer la remise en service de l’installation et l’usage de charbon importé des quatre coins du monde » (Basta !). Il regroupe 200 adhérents de tous âges. Mais qu’est-ce qui fait si peur à Gérald Darmanin et à ses collègues du ministère de l’Intérieur ?

Les reproches tirés par les cheveux du ministère de l’Intérieur concernant le ☺Bloc Lorrain

Le ministère de l’Intérieur aurait-il des problèmes avec la liberté d’expression ? Certains de ses reproches adressé au collectif Bloc Lorrain plaident en ce sens. « Vous ne désavouez à aucun moment les paroles ou les actes de vos militants, vous les encouragez comme le montre votre dénonciation des violences policières », peut-on lire dans le courrier adressé à l’association (via le média Contre-attaque). Dénoncer les violences policières serait désormais un délit ? Le ministère de l’Intérieur reproche même au Bloc Lorrain d’utiliser le sigle « ACAB » (All Cops Are Bastards ; Tous Les Policiers Sont des Salauds, ndlr).

La création d’une équipe street medics (une équipe d’infirmiers bénévoles pour soigner des manifestants, ndlr) « vient clairement démonter une véritable préparation à l’affrontement », selon le ministère de l’Intérieur. Rien que ça. Le collectif anticipe peut-être simplement la répression policière qui pourrait s’abattre sur eux ? Ou le Bloc Lorrain a-t-il pleinement conscience des méthodes violences utilisées par les forces de l’ordre ? Des restrictions graves aux droits des manifestants, un usage « disproportionné » de la force par la police avaient été dénoncés à la fois par l’ONU et par le Parlement européen.

« Détruire le capitalisme » : une opinion politique mise en cause dans les motifs de dissolution avancés ?

Appeler à détruire le capitalisme n’est pas un appel à la violence. C’est une opinion politique exprimant une rage contre un système économique particulier : le notre. Un système responsable de la destruction du vivant des corps humains, broyés à cause des logiques funestes de rentabilité à tout prix. De par sa tradition libertaire opposée à l’autoritarisme, quoi de moins étonnant pour le Bloc Lorrain que de porter ces idées ?

« Ce sont des idées qui leur sont reprochées », déplore Christophe Sgro l’avocat du collectif auprès de Basta !. Le gouvernement se baserait sur une trop large interprétation de la loi « séparatisme » qui permet de dissoudre des associations ou des groupements qui provoquent « à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ».

« Dire ‘je veux crever le capitalisme’ n’est pas un appel à des agissements violents envers des biens et des personnes. Le capitalisme n’est pas une personne, ce n’est pas non plus un bien, défend l’avocat du Bloc Lorrain. Sinon, n’importe quel propos peut être mis en cause sur la base de cet article à partir du moment où vous contestez le système. »

Les motifs invoqués par le ministère de l’Intérieur sont flous. Il touche du doigt les principes de bases de la liberté d’expression. Face à cette menace de dissolution, quelques centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Nancy samedi 5 novembre 2022 pour montrer leur opposition ferme à ce projet. Si la dissolution est confirmée, le Bloc Lorrain ira déposer un recours devant le conseil d’État. Leurs ressources sont minces pour supporter les frais de justices. Ils ont créé une cagnotte car ils ont besoin d’aide. Affaire à suivre.