Désintox : la vision du « compromis » par la macronie ? Le 49.3


Compromis. Alors que ce lundi des motions de censure sont examinées à l’Assemblée nationale après l’annonce de l’utilisation de l’article 49.3 par le gouvernement, différents ministres ont défendu la présence d’un soi-disant « débat » et l’aboutissement à un « compromis » pour justifier leur décision. « Le débat a eu lieu » sur le budget, explique Bruno Le Maire. « Le texte […] a été nourri, complété, amendé, corrigé même, suite aux débats de ces derniers jours », se félicite de son côté Élisabeth Borne. Petit détricotage en règle des arguments de la macronie. Désintox argument par argument. 

La vision du « compromis » selon Macron

Argument n°1 : « Le compromis se lit dans le texte finalement proposé : 100 amendements ont été retenus ! », jubile un partisan de la majorité sur Twitter. Pourrait-on ainsi dire que l’opposition jouerait la comédie sur le manque de compromis ? Pas vraiment… Selon France Info, sur les 117 amendements retenus, 98 sont issus de la majorité, contre 5 de la NUPES (dont 0 pour LFI) et 0 pour le RN. Dans les amendements rejetés, nous avons une mesure de soutien pour les résidents d’EHPAD qui ne payent pas d’impôts, une pour les bénévoles d’association ne payant pas d’impôt, et bien sur celles sur la surtaxation des super-dividendes (proposée par le Modem) et l’exit tax. 

Des mesures de justice sociale qui auraient conforté ces belles paroles prononcées en 2012 par l’ex-président dont l’actuel fut conseiller puis ministre de l’économie : « Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance ! ». Ce « tri » des amendements par la majorité n’est pas la norme dans l’histoire de la 5ème République. », explique un membre du groupe PS, qui ajoute : « si on prend la réforme des retraites de 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe avait intégré au texte final l’ensemble des amendements votés à l’Assemblée. Cela avait été aussi le cas sur la loi travail en 2016 par le gouvernement de Manuel Valls. ». 

Argument n°2 : « Faire de l’obstruction parlementaire pour empêcher l’examen de tous les articles et de toutes les contributions pertinentes (dont les vôtres) c’est chercher un compromis ? Ou chercher à imposer un recours à un article de la constitution dont le but est justement d’éviter ces problèmes ? ». Mais qui a réellement fait de l’obstruction parlementaire ?

Eric Coquerel explique comment la majorité a joué la montre. « Afin d’éviter le débat sur l’impôt sur la fortune, ils nous ont fait passer trente-huit minutes sur un amendement pour finalement le retirer deux jours après, c’est dire s’il était important… Ils ont fait traîner les débats, car je crois qu’ils ne voulaient pas arriver à l’examen des articles les plus essentiels sur les superprofits, sur la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (qui retire 8 milliards d’€ à l’État au bénéfice des plus grandes entreprises) ou sur les collectivités locales, où ils risquent d’être minoritaires. ». 

Il conclut avec un pied de nez à la première ministre : « Quand madame Borne dit que les oppositions bloquent, c’est incroyable ! D’ailleurs je remarque que Bruno Le Maire a dit le contraire mardi en estimant que les débats s’étaient bien passés. ». En plus, seuls 4 articles sur 26 furent examinés, ce qui invalide définitivement la volonté de compromis : quand on cherche l’accord, on va au bout de l’issue ». 

Pour le PLF, le cadre fixé par le gouvernement était contraint : ni impôt, ni dépenses nouvelles, rien non plus qui ne pénalise « l’attractivité de la France ». Au-delà des paroles sur le pouvoir d’achat des français, la majorité reste bloquée, par idéologie, dans une logique de détérioration implicite des services publics et du porte-monnaie des classes moyennes et populaires pour ne pas pénaliser la sacro-sainte « attractivité de la France », c-à-d les profits des ultra-riches. 

L’article 49.3 permet au gouvernement d’engager sa responsabilité sur un projet de loi. Il n’est pas anticonstitutionnel en soi, car fait pour passer outre des blocages ou des manœuvres qui empêcheraient que se forme, sur tout ou partie d’un texte, une majorité, comme cela fut le cas pour les 28 utilisations du 49.3 par le gouvernement Rocard. L’utiliser pour contourner la volonté exprimée par l’Assemblée Nationale n’est pas du tout dans l’esprit et la lettre de l’article.

Texte de la motion de censure de la Nupes.

Par Renaud Geoffroy