SNCF

Le patron de la SNCF a-t-il masqué la hausse des prix des billets de train ?

Controverse sur les prix de la SNCF. L’Insee annonce une hausse de 14,6% sur un an. Le patron de la SNCF, Christophe Fanichet, affirmait à l’inverse que les prix avaient baissé de 7% sur la même période. Comment l’entreprise ferroviaire parvient-elle à produire de tels chiffres pour contredire l’analyse du service spécialisé dans l’étude statistique ? Surtout, cette polémique ne masque-t-elle pas le vrai problème ? Le prix des billets de train empêche la majorité de la population d’y avoir accès. La seule solution durable de transport de masse sur longue distance est accaparée par une minorité privilégiée. Les ménages populaires qui ont encore l’audace de vouloir partir en vacances doivent se rabattre sur l’avion ou la voiture, aggravant, contre leur gré, la crise écologique.

Alors que l’heure devrait-être à l’investissement massif pour garantir au peuple un moyen de transport propre et abordable sur son territoire, après une insurrection populaire sous le slogan “fin du monde, fin du mois, même combat”, le gouvernement Macron préfère regarder passer les trains. 

En 2022, la hausse des prix est LE sujet politique majeur en France. Pour partir en vacances, le coût pour se déplacer est un obstacle majeur. Les témoignages pullulent sur les réseaux sociaux. Chaque départ est minutieusement calculé, comparé. Et plus d’une personne sur deux renonce. Trop cher. Tout a augmenté. Il ne reste rien après avoir payé le loyer, le plein pour aller travailler et les courses pour se nourrir et se laver. Parfois, souvent, il ne reste rien avant même d’avoir subvenu aux besoins les plus fondamentaux. 

Dans ce décor de catastrophe sociale, l’INSEE et la SNCF se livrent une bataille des chiffres. 

En avril 2022, l’Institut national d’études et de statistiques chargé d’informer sur l’évolution des indices des prix, annonce que celui du «transport de passagers par train» a augmenté de 14,6 % entre avril 2021 et avril 2022. La riposte de l’entreprise mise en cause ne se fait pas attendre. Le pédégé annonce que les prix ont baissé de 7% en un an. 

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Bataille des courbes entre l’Insee et la SNCF

Qui a raison ? Est-il possible que ce soient les deux comme l’affirme BFMTV, chantre du “en même temps” ?

Affirmer la véracité de deux propos aussi contradictoires relève tout au moins de la gageure intellectuelle, si ce n’est de l’insulte à la logique la plus élémentaire. Soit les prix augmentent, soit il baisse. Alors, attelons-nous à dénicher le tartuffe de l’histoire. 

Chaque organisme n’utilise pas la même méthode pour calculer son prix. L’entreprise ferroviaire calcule le panier moyen avec une méthode simple : diviser le chiffre d’affaires total de la vente des billets de train par le nombre de billets achetés. Résultat, le prix moyen d’un billet a baissé entre 2021 et 2022. Basique. Imparable semble-t-il. 

Pourtant, depuis 2018, l’Insee, service public de la statistique et de l’étude des données chiffrées en France, a jugé nécessaire d’investir dans une technologie de pointe pour analyser précisément l’évolution des prix de la SNCF. En effet, sous couvert de “modernisation”, l’entreprise ferroviaire a totalement abandonné la lisibilité des prix qui prévalait jusqu’en 2007 pour adopter la méthode du “yield management”. Autrement dit, les prix varient en permanence en fonction de la demande. 

Finie l’égalité républicaine où chaque kilomètre en train coûtait le même prix aux citoyens, bienvenue dans le monde sauvage du capitalisme ultralibéralisé.

Pour y voir clair, l’Insee a donc dû mettre au point un robot qui analyse en permanence l’évolution des prix des billets de trains en ligne. Le service Check News de Libération nous dévoile en détail le fonctionnement : Quotidiennement, un robot recueille les prix des billets avec quatre antériorités d’achat (deux jours, dix jours, trente jours et soixante jours avant le départ du train), suivant deux profils de consommateurs (avec ou sans carte de réduction) et différents horaires dans la journée pour un échantillon de 250 trajets. Cette méthode de collecte concerne les trains grandes lignes et les trains régionaux”. Résultat : une hausse de 14,6% sur un an. 

L’explication est finalement assez simple : les Français ont moins de pouvoir d’achat, ils ont donc payé des trajets moins chers. 

Ainsi, malgré la hausse de chaque billet de train, le prix moyen dégringole. Aucunement le résultat d’efforts intenses, presque de cadeau de l’entreprise ferroviaire, non juste le résultat logique d’une crise sociale. Plus personne ne peut se payer les prix plein pot, les usagers s’arrachent donc les promotions, et quand il n’y en a plus, ils renoncent à voyager. Simple, basique. Des réductions alléchantes pour quelques gueux chanceux. A côté de ça, des billets que seule la bourgeoisie peut se payer et vous obtenez un patron tout heureux de pouvoir annoncer que grâce à sa bonne gestion, les prix ont baissé. Habile.

Face à la crédibilité du travail de l’Insee et la grogne des usagers, Christophe Fanichet a dû faire locomotive arrière. 

Sa nouvelle ligne de défense : les prix ont baissé par rapport à 2019 (avant donc le lancement du dérangeant robot analyseur de l’Insee). Seulement voilà, le problème n’est pas là. C’est trop cher. Beaucoup trop cher. Complètement en décalage avec les aspirations du peuple et les nécessités du temps. Si c’était encore plus cher en 2019, et bien c’était juste plus honteux encore à ce moment-là. Surtout, si la moindre baisse prix des billets est directement répercutée sur le prix de l’unique source d’eau du train, on ne voit pas bien ce qu’y gagnent les voyageurs, en particulier pendant les canicules, dont le nombre augmente chaque année.

Finalement, ce sont les générations futures qui paieront la facture de ce démantèlement programmé d’un service public qui faisait autrefois la fierté de notre pays. Avec des tarifs aussi exorbitants, la SNCF décourage d’utiliser un moyen de transport écologique. Malgré la hausse des prix du carburant, les voyages en voiture et surtout en avion sont bien plus abordables. 

Le monde va à la catastrophe climatique, et ce n’est pas en jouant sur des tableaux excel pour grappiller quelques malheureux centimes par-ci par-là que la France sera à la hauteur de l’enjeu qui menace la civilisation humaine. Le train est l’unique solution durable pour le transport de masse et sur longue distance. Le peuple doit pouvoir en jouir pleinement et simplement pour travailler, s’enrichir et prendre soin de ses proches. Il est temps de rétablir la souveraineté populaire sur le service des transports.

Il ne faudra pas compter sur Macron pour cela. Son gouvernement préfère regarder passer les trains. 

Huttwil2017