Sacré personnage. Qui a déjà croisé la route de Michel Hernando sait que les fondations de La France insoumise (LFI) sont tenues par un cœur immense. Né le 7 janvier 1952 « en criant et en levant le poing », insoumis, Michel Hernando l’a toujours été.
À peine 16 ans et le jeune adolescent convainc sa mère, alors employée d’EDF, de poser une journée de grève le 13 mai 1968. Élevé dans une famille de « cathos de gauche », enfant de chœur au cœur vaillant, c’est bien mai 68 qui déclenche en lui l’insoumission. Fondateur du comité d’action de son Lycée Vauban à Courbevoie, Michel traîne depuis petit avec des amis plus âgés, « toujours meneur ». Et déjà avec le sacré caractère qui ne l’a pas quitté 50 ans après.
À ses 18 ans, « émancipé par sa mère », le jeune homme démissionne de l’école et passe le bac en candidat libre. Bac E en poche, le bachelier s’inscrit aux Arts et Métiers. Apprenant le bizutage pratiqué dans l’école d’ingénieur, il quitte les Arts et Métiers et commence à travailler comme réparateur d’ascenseur. Le début d’une incroyable carrière professionnelle qui le verra réaliser plus d’une demi-douzaine de métiers différents.
58 personnes syndiquée en une nuit chez Air France, une grève de la faim de 69 jours : l’incroyable carrière insoumise
Barman, animateur, photographe, fondateurs de 3 entreprises de bâtiment, gérant d’une station service, d’un restaurant, taxi… Le CV est tellement fourni qu’il faudrait plus d’un roman pour faire tenir toutes les aventures de Michel Hernando. Une constante cependant : « un trop gros cœur, trop dans le social ! ».
En une nuit chez Air France, Michel Hernando aura réalisé l’exploit de syndiquer… 58 personnes. La direction avait « oublié les droits des salariés ». Mauvaise idée avec Michel dans les parages. Président du syndicat des stations-services d’Île-de-France, Michel Hernando effectuera en 1986 une grève de la faim de 69 jours pour ses camarades et contre les pétroliers. Taxi G7 en 2005, Michel convainc ses clients de clubs d’affaires de voter pour le « non » au référendum pour une constitution européenne. Avec des affiches et de la colle dans le coffre du taxi.
Le tournant politique de 2005
2005 marque un tournant dans l’engagement politique de Michel Hernando. Son militantisme politique s’écrivait jusqu’à alors au parti socialiste (PS) « abandonné et rejoint plusieurs fois ». Une première fois de 1979 à 1984, avant d’être déçu par la tournant de la rigueur « quand Fabius est arrivé ». Puis de 1997, avec l’arrivé de Lionel Jospin au pouvoir, jusqu’en 2008. Le « PS venait de Jaurès » et Michel Hernando pensait, malgré les déceptions des gens qu’il rencontrait dans sa section, qu’il y avait « encore des vrais socialistes » au PS. 2005 marque donc une rupture.
La nuit après le travail, Michel Hernando sort la colle du coffre du taxi et placarde des affiches pour le « non » dans les rues de Paris. Son frère lui parle alors de « Pour la République sociale (PRS) », jeune association politique que vient de fonder Jean-Luc Mélenchon (en mai 2004). Le début d’une grande histoire entre les deux hommes. Il le reconnait, à ce moment-là, Jean-Luc Mélenchon avait été « moins médiatisé comme ministre, on parlait plus de Jospin et d’Aubry ».
Michel Hernando reçoit alors les « bouquins de PRS ». Il le répète à l’envi : « dans électeurs, il y a lecteur ». Ce gros lecteur s’enfile entre 4 et 5 bouquins par semaine. Son bureau en témoigne. Il y trône notamment le dernier livre de François Ruffin, dédicacé à Michel qui est venu filer des coups de main au député insoumis à Amiens. Celui qui a été très marqué par le centenaire de la Commune en 1971, deuxième évènement politique majeur pour lui après mai 68, se sent « communiste dans l’âme » mais pas proche du tout du « parti, aux ordres de Moscou » qui « après avoir obtenu la hausse du SMIC en 68, a laissé tomber les étudiants ».
Déçu du parti socialiste, méfiant à l’égard du parti communiste, Michel Hernando trouve son bonheur avec la création du parti de gauche (PG) en 2008 par Jean-Luc Mélenchon lors de son départ du PS. Il prête alors son resto pour les réunions. On ne peut « pas être adhérant sans être militant : un mollusque, ça adhère à un rocher et ça ne bouge plus ». Michel s’investit alors de plus en plus. Bénévole au siège du PG, pancartes, point fixe en manif, travaux, responsable de la librairie… On ne l’arrêtera plus.
Un triangle rouge de plus de 100m2 hissé au sommet du terril d’Hénin-Beaumont
À l’« usine », le siège de campagne du Front de gauche pour la présidentielle de 2012, Michel Hernando devient responsable des travaux, du matériel, le directeur logistique. Le « responsable des trucs qui ne se voient pas, pas marqués sur la photo ». Lors des législatives qui suivent, il ira se « battre contre le Front national » sur les terres de Marine Le Pen, chez elle à Hénin-Beaumont. Michel Hernando sourit : « des ponts complets d’autoroutes, de 50 à 70 mètres de long, recouverts d’affiches de Jean-Luc Mélenchon ». Avec son camarade de toujours Michel Laboudigue, les deux compères vont hisser un triangle rouge, symbole de la lutte antifasciste et pour la réduction du temps de travail, de plus de 100 mètres carrés au sommet du terril (colline de déchets miniers) de Hénin-Beaumont. Sacré souvenir.
Rebelote pour les élections européennes de 2014. Pendant deux mois, nuit et jour, Michel Hernando sillonne en camion le sud-ouest où s’est présenté Jean-Luc Mélenchon. Les prémices des caravanes insoumises lancées par Mathilde Panot lors de la campagne présidentielle des insoumis en 2017. Il a hâte que ça recommence : des camions envoyés aux quatre coins de France avec des insoumis sillonnant toutes les régions du pays. Pour lui il n’y a pas de secret, il faut aller à la rencontre du peuple, labourer les terres populaires.
Responsable des « trucs qui ne se voient pas »
Anecdote maison de Michel Hernando : c’est au cours d’une réunion qu’Alexis Corbière a proposé la 21ème lettre de l’alphabet grec, le fameux « Phi ». Jean-Luc Mélenchon propose alors de rendre le symbole plus rond, plus arrondi. C’est la naissance du célèbre symbole des insoumis. Clin d’œil à la sagesse et à la 6ème République (le Phi à l’envers donne un 6). La France insoumise est née.
Et Michel Hernando participe aux fondations. Matériel, drapeaux, affiches, tracts, meetings, déplacements : tout passe par le camion de Michel. La performance physique du sexagénaire est digne des travaux d’Hercule. Michel Hernando c’est ça : un coeur énorme qui soulève des montagnes.
Le 16 avril 2017, après l’incroyable meeting pour la Liberté à Toulouse (plus de 70 000 personnes !), et à deux jours de la première mondiale du meeting en multi-hologramme, Michel Hernando fait une folle proposition à Jean-Luc Mélenchon. Le lendemain, le lundi 17 avril, est libre. Les insoumis ne sont pas encore vraiment « rentrés dans Paris ». Michel Hernando souffle alors une idée à Jean-Luc Mélenchon : et si on entrait dans Paris en péniche, avec des escales pour faire des discours au peuple parisien. Chiche, Jean-Luc Mélenchon accepte. Ce seront plusieurs dizaines de milliers de Parisiens qui suivront la péniche au long de sa traversée parisienne.
Son visage s’illumine à l’évocation de ces souvenirs de 2017. « Passeur », « transmetteur », « aiguillon », Michel Hernando a un rôle à part dans la maison insoumise. À l’aube de la campagne présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon et les insoumis peuvent compter sur lui. Dans l’ombre, le responsable des « trucs qu’on ne voit pas » est un maillon vital dans la galaxie insoumise : sans Michel, tout s’effondre. Mais Michel Hernando est comme toujours fidèle au poste, premier levé, dernier couché. Et « pratiquement » toujours de bonne humeur. La force tranquille des insoumis.
Par Pierre Joigneaux.