La réforme Blanquer fait chuter la part de filles et des classes populaires en mathématiques

Jean-Michel Blanquer est sûrement le ministre de l’Éducation nationale qui a été le plus rejeté de tout le corps enseignant. Sa réforme du lycée a été un échec cuisant, et a eu des conséquences sur les mathématiques en France. Classée avant-dernière au classement de l’OCDE, la France a un niveau en mathématiques qui pourrait encore baisser. En cause, les jeunes, filles ou issus des classes populaires, qui abandonnent cette matière. Pour Blanquer, circulez, il n’y a rien à voir, sa réforme est une glorieuse avancée civilisationnelle. Notre article.

Mathématiques : Blanquer est remonté dans le passé

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Une image vaut mieux qu’un long discours. Après deux ans d’application de sa réforme, Blanquer a réussi l’exploit de retourner en 1994 grâce à une machine à remonter le temps bien huilée. Au cœur du mécanisme : la spécialisation précoce, c’est-à-dire l’obligation donnée à chaque enfant de choisir l’essentiel de ses matières dès l’année de première et de nouveau en terminale. Conséquence logique, le poids de la reproduction et des normes sociales s’accentue.

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L’enrobage suintant d’autosatisfaction du ministre qui va, bondissant de plateau télé en matinale de radio, scander joyeusement : « le nombre d’heures en spécialité mathématiques a augmenté ! », ne trompe plus personne.

Le niveau des élèves français en mathématiques menace encore de s’effondrer.

Le niveau des élèves français est le dernier de l’UE et l’avant-dernier de l’OCDE. Dans le tronc commun des deux dernières années de lycée, deux petites heures de sciences, qui mélangent, sans lier, la biologie, la physique, la chimie et les mathématiques. Si les élèves sont encore 67% à choisir la discipline comme spécialité en première, ils ne sont plus que 37% à la conserver en Terminale. Qui choisit cette spécialité « d’élite » ? Oh surprise ! Les enfants de familles aisées (47% des effectifs) et les garçons (deux fois plus nombreux que les filles).

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Face à ce résultat aussi affligeant que prévisible, la question se pose : Jean-Michel Blanquer est-il bête ?

Politiquement, c’est probable : pas la peine de revenir sur son choix de villégiature ou ses sorties sur la « grève contre le virus ». En revanche, il connaît très bien le système de l’éducation, n’ignore rien du poids des inégalités sociales et de genre. Alors ? Il s’en fout ? Pire, il aime ça.

Son rêve : remplacer ces professeurs râleurs par des ordinateurs entièrement dévoués à la cause de leur créateur. Débarrassé du vieil idéal poussiéreux de l’émancipation humaine, le système Blanquer amènera chaque enfant à se développer pleinement, suivant son destin social. Aux petits garçons les sciences, les inventions, l’aventure. Aux petites filles, le soin, le lien et la couture. Aux enfants nantis, les longues et théoriques filières d’excellence. Aux classes populaires, l’apprentissage rapide et « professionnalisant » pour se plier docilement aux besoins des patrons. Pour toutes et tous, la perspective réjouissante de devenir de bonnes petites ressources humaines malléables aux exigences de gavage du capitalisme sauvage financiarisé.

Il y a urgence à rompre avec ce système. Il y a urgence à donner les moyens humains et financiers à toute la communauté éducative, enfants, parents, personnels d’aller vers l’émancipation. Il y a urgence à permettre aux générations futures de s’extraire du carcan des déterminismes sociaux et de cultiver leur sagesse et leur créativité. Il y a urgence à appliquer le programme l’Avenir en Commun.


Par Ulysse Kummer