Maximilien Robespierre s’opposa farouchement à la guerre, jusqu’à ce qu’elle devienne irréversible auquel cas la Révolution aurait été perdue. Robespierre n’a cessé de dénoncer la guerre comme un cheval de Troie d’une contre-révolution intérieure, au bénéfice du roi Louis XVI. Par cette position, il s’opposait aux Girondins. Ainsi, la scission du club des Jacobins était inévitable. La guerre commençant, la France et sa révolution étaient en danger. Notre article.
Robespierre contre la guerre
Le 20 avril 1792, la guerre est déclarée contre le roi de Bohème et de Hongrie. Les monarchies environnantes réagissent et une véritable levée de boucliers se déclenche. La France révolutionnaire doit alors faire face à toute l’Europe. Cette décision, prise par l’Assemblée, a été débattue durant quatre mois, opposant principalement les députés Brissot et Robespierre. Le premier désirait la guerre, le second l’abhorrait. Maximilien sera un opposant farouche de ce conflit mais, isolé, il ne convainc pas. En revanche, lorsque la guerre devient irréversible, il souhaite qu’elle soit totale sinon la Révolution sera perdue. Il est paradoxal de constater que la guerre a accéléré son ascension politique alors que jusqu’au bout il l’a refusée et combattue.
Deux ans plus tôt, en mai 1790, Robespierre perçoit déjà les dangers d’une guerre décidée exclusivement par le roi et ses ministres. Il propose alors que les prérogatives relatives à la paix et à la guerre soient remises entre les mains des représentants de la Nation. Il fait preuve de modernité politique à l’heure où aucune Constitution ne régit le fonctionnement des institutions. S’il n’est pas entendu par ses contemporains, aujourd’hui « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ».
La guerre est perçue comme le mobile d’un plus grand dessein, celui d’une contre-révolution intérieure, qui plus est lorsque l’ensemble des officiers des armées françaises sont tous aristocrates. Robespierre dénonce ces manigances : « Louis XVI va précipiter la France dans la guerre, dans l’espoir que, la France n’étant pas prête, la guerre tournera mal et que la défaite lui rendra son peuple repentant et son pouvoir absolu ». Car tout en préparant la guerre, le roi enjoint secrètement l’électeur de Trèves de lui résister.
Les enjeux sont trop importants pour que Maximilien s’y engage à moitié. Même si, usant d’une « froide raison et triste vérité, [il a la] certitude de déplaire », il s’oppose vivement à toute attitude belliqueuse dans son discours du 2 janvier 1792 au club des Jacobins. La veille, Brissot a enflammé l’auditoire en vantant la supériorité et le rôle de la Nation française dans l’assistance qu’elle doit apporter aux peuples encore soumis aux tyrans.
Robespierre lui rétorque alors que « personne n’aime les missionnaires armés ». Il est accusé de lâcheté, mais pire encore, de défiance envers le peuple français. Mais c’est bien en ses dirigeants qu’il n’a pas confiance : « que la tyrannie attaque [les Français] ouvertement, ils seront invincibles ; mais le courage est inutile contre l’intrigue ». Il sait que le règle de la raison est longue à s’installer et cette guerre ne profiterait qu’aux ennemis de la Révolution. Pendant quatre mois, il dénonce les manipulateurs de l’opinion publique qui promettent une guerre rapide et salvatrice. Il dénonce les brissotins, La Fayette et ses amis, la cour de Louis XVI et le roi lui-même, mais rien n’y fait – cette guerre durera des années et porte en elle les germes des conflits européens à venir.
Robespierre et la scission du club des Jacobins
La scission du club des Jacobins est inévitable. Cette rupture est déterminante puisque se distinguent alors les brissotins ou Girondins des Jacobins. Robespierre n’est pas seul dans sa démarche. Billaud-Varenne, Marat et Camille Desmoulins luttent ensemble. Quant à Danton, sa position est ambiguë : dans un premier temps, il défend ouvertement Robespierre face à Brissot, mais rapidement il se range du côté de l’opinion publique. L’historien Albert Mathiez n’hésite alors pas à dire qu’il « n’était pas, comme Robespierre, un homme à braver l’opinion quand il croyait avoir raison ».
Fort du soutien de la majorité des députés, les Girondins sont réclamés par le roi pour former un gouvernement. Rolland, Brissot et Dumouriez sont ministres. Maximilien sait que la guerre va accroître la puissance de l’exécutif et que les Girondins, alors dans les instances de décisions, décident du sort de la Révolution. Il critique ouvertement leur angélisme hypocrite : « Est-ce le peuple ou le génie de la liberté qui dirigera le plan qu’on nous propose ? C’est la cour, ce sont ses officiers, ce sont ses ministres. » Le peuple, enfin libre de sa destinée, doit à nouveau confier son sort aux mains d’une minorité, Robespierre ne peut le supporter.
La suite des événements et notamment la désertion prévue du général Dumouriez qui rejoint les Autrichiens lui donne raison. La France n’était définitivement pas prête et, dès le début de la guerre, ses armées sont en déroute. La Révolution est en danger.
Par Simon Mauger