Theresa Maffeis

Teresa Maffeis, figure de l’aide aux migrants et de l’écologie, est morte

Une triste nouvelle. L’infatigable Teresa Maffeis, militante des droits de l’homme, figure de l’aide aux migrants et de l’écologie niçoise, nous a quitté ce 4 février 2022 à l’âge de 73 ans. En 1991, elle avait fondé l’Association pour la démocratie à Nice (AdN), dont elle était restée présidente. Nous avions réalisé un entretien chez elle, dans un appartement du vieux Nice, par une belle journée ensoleillée de novembre 2017. Le voici. Un hommage lui sera rendu ce dimanche 6 février en gare de Menton Garavan à 17h30 avant la commémoration de toutes les personnes mortes sur les chemins de l’exil, aux frontières ou dans la Méditerranée, rassemblement auquel Thérésa Maffeis avait prévu de participer. Repose en paix.

« On a créé l’ADN en 1991 quand Jean Marie le Pen a annoncé sa candidature dans les Alpes Maritimes » : Theresa Maffeis

En tant que fondatrice de l’ADN, pouvez vous nous parler du moment fondateur, du contexte qui a vu naitre votre organisation ?

Je suis Co-fondatrice ! Nous on est une association particulière on s’est créé 1991 quand Jean Marie le Pen a annoncé sa candidature dans les Alpes Maritimes.

Nous avons été trois fondateurs, Michel Cangoulex, Arnaud Binoche, et moi même. Et nous sommes sur des statuts collégiaux sans président. On a du mal à l’obtenir mais ils ont fini par l’accepter. En s’appelant « association pour la démocratie », avoir un président ne nous semblait pas démocratique (rire). C’est un point de vue que ne partagent pas toutes les associations. (grand rire)

Vous avez réussi à créer une organisation plutôt horizontale ?

Oui comme on n’a pas de Président, on se réunit, on fait des choses, et la parole de chaque personne compte. C’est vrai que c’est souvent moi qui suis interviewé parce que je suis assez active. Moi je viens du milieu associatif en général.

Logement social, enfants roms, droits des femmes, écologie : Theresa Maffeis, militante de tous les combats

Par exemple quand on a créé l’ADN, j’étais plutôt dans des associations qui s’occupaient déjà des migrants. On faisait de la formation, de l’information, j’avais créé moi même une association de formation pour les enfants des quartiers, un peu naturellement. Mes deux amis qui ont eu l’initiative de créer ça, sachant que moi j’étais déjà dans ce milieu là, ils m’ont appelés et c’est comme ça, qu’on a créé ensemble l’ADN. Je tiens à le préciser car on me met tout le temps fondatrice alors que je suis co fondatrice, c’est important car c’est eux qui m’ont appelés car j’étais connue dans le milieu militant mais ce n’est pas moi qui ait fondé l’ADN.

Thresa Maffeis roms

Très connu dans le milieu militant à Nice ?

Oui car je m’étais déjà beaucoup occupé du logement social, je m’occupe beaucoup des enfants roms qu’on scolarise, du collectif de droits des femmes, je suis aussi beaucoup dans les milieux de défense de l’environnement.

« Je ne fêterai pas avec Monsieur Macron les 50 ans de mai 1968, à l’époque on pouvait mettre le ministre dans la piscine ! »

D’où vous vient cet engagement militant ?

J’étais à Nanterre en 1968, donc si tu veux je ne fêterai pas avec Monsieur Macron les 50ans de Nanterre (rire). Si tu veux j’ai été formé à cette école là de Nanterre. Il n’y avait pas d’interdit, on avait même mis le ministre dans la piscine, ce que les étudiants ne feraient peut être pas maintenant (rire). Tu hésites (rire) ?

Suite à un rassemblement en hommage à Rémi Fraisse, J’ai des amis antifascistes qui se sont fait matraqué dans le métro et 48 heures de garde à vue, donc on ne peut plus du tout mettre le ministre dans la piscine je te le confirme !

_(grand rire).

Même à Porte de la Chapelle, ne serait-ce que distribuer des petits déjeuner c’est compliqué…

Je sais ! Moi en 68 c’était un mouvement d’émancipation des étudiants, j’étais très jeune, je venais de la province, on était un peu sur tous les domaines et c’était très formateur. Des gens qui sont restés comme moi, qui sont restés militant dans l’âme, d’autres qui ont virés politiques comme Cohn Ben Dit (rire).

J’avais fait une émission télé avec Cohn Ben Dit et en off je lui avais dit qu’il avait beaucoup changé, il m’avait répondu qu’il était devenu politique.

Ce qui se passe dans la Roya, à Vintimille, ça m’intéresse beaucoup, j’ai vu à la fête de l’Huma Cédric Herrou venir parler de la situation dans la région.

Oui, mais nous on est pas dans cette mouvance là.

« Une fois j’ai bu l’eau de la lance du camion à eau des flics »

De très nombreux DVD, quelques livres, et beaucoup de photos. J’ai prévu des questions sur le capital culturel à la fin de l’entretien. Je vois une photo de l’enquêté tout de vert vétue, devant un rang de CRS.

CRS 2

Beaucoup de gens m’ont photographié avec des flics. Une fois j’ai bu l’eau de la lance des flics. Cette photo est superbe (rire). J’ai une collection notamment en Italie. D’ailleurs si tu as la patience de regarder sur mon Facebook il y en a beaucoup (elle me renverra à plusieurs reprises sur le site internet, son Facebook, ou son site personnel, signe de son importante activité militante également sur internet). C’est devenu une manie Facebook !

Comment vous expliqueriez que le FN est aussi implanté dans la région ?

Un élément quand même. Une région où il y a beaucoup de pieds noirs. Ils ont gardé une nostalgie de « la France aux Français », ce qui explique un vote très à droite, voire extrême droite. C’est ici que se fait la fête des pieds noirs. J’ai pas dit que tous les pieds noirs étaient comme ça, j’ai beaucoup d’amis pieds noirs. J’étais délégué à l’action sociale pour un grand groupe, et j’ai rencontré beaucoup de gens qui revenaient d’Algérie et qui avaient encore ce discours de la France aux Français et qui avaient le portrait de la Pen chez eux.

En lutte contre le Front National à Nice depuis 1976

Ça fait combien de temps que vous habitez à Nice ?

J’ai été embauché à Paris en 1975, on m’a viré à Nice en 1976.

Pour vous quels sont les moyens les plus efficaces pour lutter contre l’implantation des idées du Front National ? Comment mène-ton la bataille culturelle contre l’extrême-droite ?

Alors nous on est un peu particulier à l’ADN, on est sur le terrain, on est pas tellement dans des conférences, pas tellement dans ça, on est plutôt à la rencontre. Par exemple je m’occupe des familles roms, on va dans les camps et on scolarise les enfants. C’est à dire que quand tu scolarises un enfant rom, tu lui donnes une chance. Si on arrivait à faire que ces populations exclues soient intégrées, ça peut faire changer le regard.

J’avais créé aussi une association de quartier pour s’occuper des femmes étrangères. On s’était rendu compte qu’elles n’étaient pas très considérées, restées un peu entre elle, ne parlaient pas trop la langue. Je trouve que laisser une communauté entre elle, je comprends moi je suis italienne, mais il faut aussi pouvoir parler aux autres. Quand on a créé cette association beaucoup de voisins rouspétaient « encore des arabes », alors on a eu une idée ! On fonctionnait beaucoup sur la culture. On a fait un petit film organisant la rencontre des enfants avec des des travailleurs de différents secteurs, les enfants leur posant des questions sur leurs métiers, et les rapports ont changé.

« Nous » (Nice, ouverture, union, solidarité) pour casser les barrières

On n’avait pas trop de chauffage, quelqu’un a apporté un chauffage, les relations se sont détendus (avec le voisinage). On est allé voir des personnes que personne n’allaient voir, des vieux métiers dont je me souviens même plus, ces gens là quand ils nous ont vu arriver ils n’étaient pas très chaud mais quand ils ont vu que les gamins avaient préparés des questions, qu’ils s’intéressaient, là il y a eu un dialogue qui s’est établi qui état très intéressant.

C’était dans le cadre de quelle association ce dialogue ?

_Ça s’appelait « Nous » (Nice, ouverture, union, solidarité). C’était elles les femmes qui avaient choisis ce nom là.

« Si vous n’êtes pas là, qui va s’occuper d’eux ? »

C’était ciblé vraiment sur les femmes et les enfants ?

Le soutien scolaire et l’aide aux enfants. Le préfet m’a appelé pour me dire « si vous n’êtes pas là qu’est ce que vont devenir les gens du quartier ? ». Il avait appelé la CAF, tous les financeurs.

Ça devenait très difficile au niveau des aides des subventions, on a arrêté, et puis j’avais une image tellement négative que c’était un peu difficile. Le Maire d’avant avait refusé la subvention, mais le préfet m’avais appelé pour me dire si vous n’êtes pas là, qui va s’occuper d’eux ?

Vous aviez une image négative auprès de qui ?

J’ai toujours une image négative car je ne sais pas pourquoi, je suis considérée comme infréquentable. Je n’ai pas compris pourquoi. Même avec certaines associations, le précédent Maire étant un ancien du FN, les gens avaient peut-être peur de perdre leur subvention. J’ai toujours été considérée comme quelqu’un de révolutionnaire, alors que je ne suis pas révolutionnaire, je suis active dans la société actuelle ce qui est différent.

« J’ai toujours été considérée comme révolutionnaire, alors que je suis simplement active dans la société actuelle »

Jacques Peyrat (maire de Nice de 1995 à 2008), a été au Front national ?

Il était au RPR et il est passé FN. L’intégration pour l’intégration ne m’intéresse pas, ce que je souhaiterais c’est qu’ils puissent s’exprimer, qu’ils aient une place dans la société. Je rencontre beaucoup de jeunes qu’on a aidé, qui travaillent, qui ont créé des entreprises. Alors qu’ils n’auraient pas eu cette chance si on ne les avaient pas aidés, nous et d’autres.

C’est vraiment important pour que les gens aient un autre regard. Une fois j’ai été arrêtée avec un jeune maghrébin. Le jeune m’a dit « tu vois on aurait pas dû prendre ce risque ». Et au final le policier lui demandait juste un constat pour l’accident à côté. Tu vois la peur quand t’es exclu, nous on voulait que ces jeunes aient une existence, ils te remercient encore de les avoir aider.

« Je trouve qu’on ne va pas assez à la rencontre des autres »

« Nous » c’est finis ?

On a laissé l’association à quelqu’un qui a mal… ça c’est mal terminé. Moi je n’arrivais plus à tout suivre, je travaillais. J’étais Présidente car il en fallait une. « Nous » l’idée qu’on avait eu, c’était que les femmes reprennent l’association mais laisser les gens s’organiser parfois c’est difficile.

C’était dans quel quartier de Nice ?

La route de Turin (quartier populaire).

Comment on mène la bataille culturelle ?

Quand on s’est battu contre Jean Marie le Pen on a fait beaucoup d’actions culturelles. On a demandé à des artistes très connus. Armand, un grand artiste Niçois, Ernest Pignon et tous ces gens là (me montrant des tableaux accrochés à ses murs). On leur a demandé de faire des portraits des étrangers passés sur Nice, exposition qui a eu beaucoup de succès, c’est ce qui a financé nos actions. Nous l’ADN on ne demande aucunes subventions. Pour être libre.

Thresa maffeis MIGRANTS 1

La rencontre avec l’autre. On essayait d’aller un peu dans tous les quartiers, de parler aux gens, ça nous paraissait important d’être sur place. Si tu commence à faire des petits groupes pour faire des manifestations c’est pas suffisants.

Lors des grosses manifestations on faisait venir des musiciens, des artistes, des entrepreneurs expliquer leurs positions par rapport à l’extrême droite.Toutes les catégories de population. Moi c’est un peu ma vocation aussi d’aller à la rencontre de l’autre. Maintenant on passe par Facebook mais on ne va plus voir l’autre. Facebook ça sert à des choses mais pas forcément à ça.

L’ADN est ce que ça a pris la suite de « NOUS » ?

Rien à voir. Moi j’ai créé l’ADN en même temps que j’avais « NOUS » qui devenait vraiment très très lourd.

C’est pour ça que vous avez privilégié l’ADN ?

Non. Je suis restée plus de dix ans, je n’ai pas vraiment la notion du temps, mais il faut aussi un moment que les femmes se prennent en charge et qu’elles essaient de faire quelque chose. Je n’ai pas envie de materner tout le temps les gens.

J’ai vu que vous étiez à Réseau éducation sans frontières (RESF) ?

Effectivement. Je suis également aussi membre du COVIAM.

Le problème à Nice, c’est que les militants sont âgés

Quel est le profil sociologique des militants, retraités, étudiants ?

Le problème qu’on a, je ne sais pas si c’est qu’à Nice, c’est que même à RESF, le monde militant ici est assez âgé. Souvent des professeurs, des actuels ou des anciens, venant d’autres associations, pas beaucoup de jeunes.

Je donne des cours avec le BAAM (Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants), il y a beaucoup d’étudiants qui y militent, mais à Nice pas du tout d’étudiants dans les associations ?

Pour les roms par exemple on est que 2 ou 3, c’est ma catégorie d’âge.

Vous diriez que ces militants ont plutôt fait des études ?

Beaucoup d’enseignants, c’est le monde militant qui est comme ça. En 1992 contre le Pen père il y avait énormément de jeunes. Ici à Nice les jeunes sont moins militants, et moins dans la durée surtout.

Il y a un groupe anti fasciste à Nice ?

Assez restreint quand même.

RESF c’est pour ce qui est de l’enseignement, COVIAM pour l’aspect juridique ?

J’accompagne les demandeurs d’asiles à la préfecture le mercredi, on ne le faisait pas avant, mais on s’est aperçu qu’il y avait des textes pas appliqués. On les accompagne pour qu’ils aient un peu plus de chance d’avoir leurs papiers.

On a fait un procès à Estrosi contre l’interdiction des drapeaux, et on a gagné !

Vous avez des juristes avec vous ?

Alors nous à l’ADN, moi j’ai eu pas mal de procès, que ce soit contre Estrosi ou contre Peyrat. Estrosi quand il a interdit les drapeaux quand il y a eu les championnats de foot. Les algériens sont sortis avec les drapeaux car ils ont gagnés ce qui me paraissaient normal, il a fait un arrêté interdisant les drapeaux. Avec les droits de l’homme on a fait un procès et on a gagné.

Moi je suis italienne, je supporte toujours l’Italie, c’est comme ça (sourire), tu vis dans un pays tu vis avec ça. Mes parents étaient là pour l’Italie. Ça ne veut pas dire que tu n’aimes pas ton pays mais c’est quelque chose ancré en toi, notamment dans le sport en tout cas (rire). Après le reste c’est autre chose. J’ai un ami roumain on s’est engueulé car c’était Italie Roumanie (rire).

Elle me demande, je lui confirme qu’on a un côté chauvin quand ce sont des athlètes français.

C’est quelque chose d’affectif. Rien d’anti français. Je milite avec les Italiens et les Français pour les migrants.

Partie 2. Italie, ONG, Eglise, Organisation de l’ADN

Partie où on va évoquer le lien avec l’Italie, les ONG italiennes, le rôle de l’Eglise, l’organisation propre de l’ADN vis à vis de la préfecture, se démarquant d’autres associations, des ONG, et un retour à la fin sur le rôle déterminant de la culture.

Justement pour en venir au lien entre l’Italie et la France, j’ai vu que vous étiez à Kit en Sac, que vous collectez et apportez des vêtements à Vintimille ?

_Alors quand en 2015 il y a eu la fermeture de la frontière en Juin, il a fallu qu’on s’organise. Les migrants dormaient dehors, gros besoin en alimentation et en vêtement. Un collectif des migrants 06 qui s’est constitué. Je gère la collecte, car je vais souvent en Italie je connais les besoins. Des gens qui donnaient des tas de choses qui ne servaient à rien. Donc je gère la collecte au fur et à mesure des besoins. J’ai fait une liste de collecte qui est sur le site de l’ADN. Et ça fonctionne assez bien car j’ai des gens de toutes les villes du monde, demain je rencontre des gens qui arrivent de Suède pour apporter des choses.

J’avais cru comprendre que cette collecte passait par le réseau catholique ?

_Alors là le réseau catholique… Quand il y a eu l’appel du Pape à soutenir les migrants, en Italie les églises se sont ouverte pour accueillir les migrants. Toutes les églises ont aussi mises les annonces des besoins. On m’appelle à chaque fois qu’il y a des choses. L’appel du Pape une bouffée d’air frai. Dans ma famille on est tous catholique mais on était pas des pratiquants. Mais c’est vrai qu’en Italie quand les migrants airaient dans les rues, une église qui a prise tous les enfants, il y a eu jusqu’à mille personne qui dormaient dans les cours d’églises. Quand j’apporte les vêtements je travaille avec la charitas, qui est l’équivalent du secours catholique italien, on travaille avec l’évêque qui développait un discours pro migrant et ça c’est intéressant, je pense que ça a été un déclic important.

Je me suis toujours demandé si il n’y avait pas eu l’appel du Pape, ce que serait devenu les les migrants en Italie.

Vous pensez que le fait d’être catholique favorise l’engagement en faveur des migrants ?

_Je pense que l’appel du Pape n’a pas marqué que les catholiques mais si tu veux le Pape c’est quand même le chef de l’église donc ils ont obéis. Il y a un évèque en Italie qui s’appelle Monseigneur Souaita, quand une jeune fille a été happé par un camion, il a fait une homélie extraordinaire, tu lira, c’est très émouvant « qu’ils arrivent de pays où ils ont souffert, qu’ils arrivent dans des pays où la devise c’est liberté, égalité, fraternité, mais que c’est pas pour eux ». Cet enterrement est vraiment poignant. Ce discours de l’évêque était politique presque. Ça c’était très fort. Ça n’empêche que beaucoup de catholiques en Italie ne sont pas d’accord. Je me rappelle d’une dame qui était arrivée à l’église quand elle a vu qu’il y avait tous les noirs, elle a changé. Mais il y a quand même eu cet élan de solidarité,

C’est de la solidarité uniquement humanitaire si tu veux, tu ne peux pas demander à l’église de faires des manifs, mais une solidarité himanitaire essentielle à la survie des migrants.

Sans parler forcément de l’Eglise, de l’institution, est ce que vous dans vos réseaux militants il y a une sur-représentation de personnes de confession catholiques ou non ?

_Non, non, non, ça ne joue pas du tout parce que, moi je pense que ça joue beaucoup sur l’humanitaire. Moi je le vois bien, des actions auquel le secours catholique ne pourrait s’associer. C’est un problème des grosses organisations nationales ou internationales, qui ont quand même des réticences à… Si tu veux c’est assez bizarre car on travaille avec eux, je travaille avec beaucoup d’associations mais ils ne vont pas me mettre en avant, eux c’est pas des militants…

Ce sont plus des ONG ?

_Oui plus des ONG, eux veulent pas se mouiller.

J’avais une question justement, vous considérez que l’action de grosses ONG comme Charitas International ou la Croix Rouge Italienne (les deux ONG présentes à Vintimille) est plus efficace que des plus petites associations ?

_C’est pas du tout le même combat. Charitas distribue des vêtements, donne à manger ectera, elles ne vont pas faire des actions politiques. C’est le rôle des militants (prise de distance à la fois de l’église, des politiques, des ONG). C’est pas les églises ni même les ONG qui vont faire ça, nous militant on est libre.

Qu’est ce que vous entendez par actions politiques ?

_C’est pas les églises qui vont provoquer les manifestations, c’est pas dans leur gènes. Nous on peut se le permettre. Enfin on doit le faire (militantisme comme un devoir), c’est quand même un compélment. J’ai beaucoup de relations dans les églises, on se respectaient, mais au niveau des instances nationales ça ne peut pas passer. Je vois pas des grosses ONG se mettre avec l’ADN, on a la réputation de révolutionnaire, qu’on a pas de limites, qu’on demande l’avis à personne.

Cette réputation de révolutionnaire de votre organisation vient d’où ?

_Ah je n’en sais rien du tout. Il y a plus pacifique que moi. On a toujours été comme ça l’ADN. Nous on est une association particulière, quand on fait une manifestation on ne prévient pas la préfecture. Alors que les autres associations ont encore ce côté un peu légaliste.

Nous on déclare aucunes manifestations.

Pourquoi ?

_Parce qu’on est libre. Pourquoi on déclarerait ?La liberté c’est pas de dire au préfet on va faire ça. Quand il y a eu la trève hivernal, on a fait une manifestation « le logement social ça cartonne », on a demandé à tout le monde d’apporter un carton et on s’est installé sur la place Massena, la police est venu, a demandé qui est responsable, et comme il n’y a pas de président tout le monde se lève. Ils sont dans l’incapacité d’arrêter tout le monde.

(revenir sur cette forme d’organisation de l’ADN qui se veut horizontale). Nous pas question qu’on ne déclare quoi que que ce soit on la jamais fait, les autres associations ont du mal à comprendre. On est pas non plus dans la violence. Mais c’est comme si le fait de ne pas répondre au désirata de la police faisait que l’on nous considère comme ça (violent, révolutionnaire). Tu vois une fois on avait fait un effet, on avait mis sur notre site une manifestation qu’on avait pas l’intention de faire et quand on est arrivé sur place on était mort de rire. Des flics partout (rire). On avait rien fait du tout (rire). Ils en peuvent plus, quand ils m’arrêtent ils ne me mettent pas en garde à vous ils me disent c’est trop compliqué avec vous. (fou rire). Nous ça nous semblait naturelle : on est des citoyens, on a le droit de s’exprimer, on voit pas pourquoi on va demander l’autorisation à la préfecture. Ça ne me serait jamais venu à l’idée.On estime d’être dans le juste, ils sont là quand même et puis ça les agace beaucoup mais ils respectent car ils en peuvent plus. Moi je n’ai jamais été arrêté (ton fier)

On va parler de la Roya. Elle me coupe.

Quand il y a eu l’arrêt anti mendicité, Peyrat (l’ex maire), une camionnette patrouillait dans la ville et les montait au Mont Chauve. Et donc nous on avait imaginé de demander à des gens en voiture de monter et des les redescendre. Ça a vraiment fait le buzz. Beaucoup de gens se proposaient. Il y a un réalisateur qui a fait un film la dessus, il m’a demandé de venir à Paris car personne ne voulait croire qu’il s’était passé ça à Nice, qu’on puisse faire ça. On a fait un film, enfin pas la dessus. Un réalisateur qui avait fait un film la dessus qui avait eu beaucoup de prix, qu’on avait emmené avec nous. (passage pas clair, je la coupe)

Comment s’appelle ce film ?

_Alors « quand tu descendra du ciel » ça s’appelle. C’était éric guirado qui avait fait ça, et il avait fait un court métrage avant, la même chose en court métrage, qui s’appelait « un petit air de fête », il avait le prix à New York, partout. On avait travaillé avec lui.

Ça rentrait dans notre obsession de la culture. Que les gens voient et sache.

Les gens ont su. En 2011 révolution tunisienne, ils sont arrivé en Italie, exactement la même chose qu’avec les migrants, bloqués ectera, mais là c’était différent parce que eux c’était des sans papiers pas des demandeurs d’asiles. Le président Italien leur avait donné un parmis de séjour humanitaire, voulait dire qu’ils pouvaient circuler, enfin c’était assez compliqué. Nous on était les seuls à avoir filmé les mobilisations de cette période là. En 2011. Après on est parti en Tunisie, on est parti à la recherche des gens, on a fait un film, qui s’appelle « les naufragés de la révolution tunisienne », tu verra une page qui s’appelle comme ça sur Facebook. Ce film est passé un peu partout, acheté par des musées. C’est un témoignage culturelle mais c’est aussi pour que quelque chose reste. Que les gens puissent avoir des repères sur ce qui s’est passé à certaines périodes et puissent savoir un peu. Tu ne peux pas te mobiliser sans laisser des traces.

Partie 3. épineuse question du rapport aux médias

L’enquêté se présente comme « une bonne cliente », de faite parle facilement, a du mal à déléguer, faire voir d’autres bénévoles, met en avant que son image de militante est moins efficace qu’un papier mettant en avant d’autres acteurs permettant de s’identifier. Dit en même temps refuser beaucoup d’interviews, mais faire appel aux médias pour visibiliser une action ou une expo, et que les autres militants ont du mal à parler. La longueur de ses réponses fait ressentir comme un besoin de justification de son omni-présence dans les médias, elle est sur le terrain, elle sait ce qui se passe donc elle se sent légitime à parler. Met en avant son expérience avec les médias.

Quand on tape son nom sur google : un article sur elle dans l’Humanité, dans le Monde, la Croix, des vidéos d’elle sur Youtube, Daylimotion, son nom cité dans des dizaines d’articles, de radios, de télés… Le site de l’ADN qui s’affiche, son blog sur Médiapart, son facebook, son twitter… une très forte visibilité, entretenu donc.

En parlant de traces, vous avez des liens avec les médias ?

_Les médias m’appellent « la bonne cliente ».

Déjà vous parlez facilement

Oui c’est ça. Au début ça n’a pas été simple. Pour deux raisons. Un parce que je suis active. Mais deux parce que je connais tout le monde. Des médias qui m’appellent pour m’interviewé sur plein de sujets. Et quand on m’appelle, par exemple pour les manifestations sur les droits des femmes, même si j’en fait partie, je les orientait vers quelqu’un d’autre parce que si c’est toujours moi qui parle t’a l’impression que c’est moi qui fait tout. Par exemple sur la collecte, les journalistes voulaient m’interviewer en train d’apporter des choses là bas en Italie. Moi j’ai dit non, vous ne pouvez pas m’interviewer que moi, parce que tout ce qu’on apporte en Italie c’est pas moi qui les apportes, c’est d’autres gens. J’avais demandé à pleins de gens qui s’occupaient de ça, elle avait fait deux pages pour montrer que pleins de gens venaient. J’avais fait la même chose pour les roms. Ils voulaient m’interviewer, quand ils m’ont interviewer j’ai dit que des instits allaient sur les camps, sans donner leur nom. Si tu montres aux gens, que les gens peuvent faire des choses, si c’est Teresa Maffeis militante, les gens se disent c’est une militante c’est facile. Elle avait fait deux pages dans Nice Matin en montrant tous les bénévoles, je l’avais orienté vers l’église aussi pour qu’ils témoignent, ça donnait une autre image des chose, pleins de gens…

Que les gens puissent s’identifier à d’autres. J’ai la réputation de militante et c’est pas bon, tout le monde me dit « toi c’est pas pareil t’es une militante ». Je vois pas pourquoi moi c’est pas pareil. Je trouve que c’est plus positif. Je refuse beaucoup de chose, notamment actuellement. Quand il y a des sujets d’actualités, les profs de l’école de journalisme sont des journalistes que je connais, ils viennent me voir. Je trouve que c’est important de réorienter, recevoir aussi les jeunes, les étudiants, et cetera, pas que de recevoir la presse. La dernière fois des gamins du collège, leurs profs leur avaient donné un sujet ils étaient là terrorisé. Le problème c’est vrai que je suis souvent interviewé, c’est vrai aussi que je fais beaucoup de chose, mais j’essaie de doser. Tu vois en ce moment ça fait des semaines que j’ai simplement, car on a fait une exposition sur les migrants, si tu as le temps de voir c’est magnifique, c’est moi qui leur ai demandé l’interview, on a été sélectionné par un festival de photos et ça me semblait important de remercier un le poto, et qu’on était aussi dans la création.

Sinon le rapport que j’ai à la presse c’est un peu pénible parce que ils disent toujours « on veut que ce soit toi ». C’est difficile aussi car quelque fois j’ai dit à d’autres gens de l’ADN mais ils ne se sentent pas de parler.

Deux questions. Comment vous avez développé ces réseaux avec les journalistes ? Elle me coupe.

_Les journalistes, alors déjà quand on fait des actions c’est des actions différentes. Quand on allait chercher les SDF ils savaient que c’était nous qui étions à l’initiative. Des journalistes qui sont arrivés jusque du japon on en avait tous les jours je veux dire.

Du Japon ?

_Ah oui, oui. On en a eu du Japon, des états unis. Si tu veux quand tu es sur le terrain et que tu fais les choses tu va plus facilement parler aux journalistes. Si t’es dans un réseau tu fais des choses avec d’autres, tu n’es pas plus légitime que quelqu’un d’autre. Mais ça c’est une autre initiative. Avec ma voiture je decsendais donc je connaissais le pourquoi, donc c’est vrai qu’ils avaient une vision plus complète des choses (avec moi?).

Il y a des choses pas besoin que ce soit moi. Je trouve ça dégoutant de dire que c’est moi.

Pourquoi les autres membres de l’ADN se censurent-ils ?

Parce que c’est pas simple de parler à la presse. Parce qu’ils ont peur de dire quelque chose qui va pas. Ça m’est arrivé au début. Au début j’avais été interviewé par TF1 et quelqu’un m’appelle «tu te rends comptes de ce que tu as dit Térésa ? ». Ils avaient coupé. Oh la vache. J’ai appris en faisant. J’ai appris qu’il fallait faire des phrases courtes. Qu’il fallait pas de phrases longues car après ils choisissent. Moi j’avais été appelé par Pujadas car il faisait une grosse émission politique, il y avait Hollande et tout ça, il avait demandé à des gens de régions venir poser certaines questions. Les journalistes d’ici leur avait dit « appelez Térésa ». J’ai vu comment les autres n’ont pas réussis à rentrer dans le débat, ils étaient terrorisés. Pujadas a vu que moi j’arrivais, j’ai pu faire passer mes questions. C’est assez compliqué. Ça fait peur aussi. Le rapport à l’autre. Et puis eux ils veulent pas que tu parles des heures. Moi je te parle beaucoup pour développer mais tu sais très bien.

Comment avez eu tous ces contacts avec la presse, ça a commencé au niveau local ?

Quand on s’est créé contre le Pen on a fait tellement d’actions différentes et puis il y avait le Pen… On y allait chacun notre tour, c’était différent (Chacun des fondateurs de l’ADN).

Moi j’étais tellement impliqué dans de choses différentes, on faisait des actions originales, forcément ils en entendaient parler donc je suis devenue un peu une référente du monde associatif.

Partie 4 – question migratoire

Vous considérez que le combat écologique et le combat pour les migrants est lié ?

Moi je considère que le combat des migrants c’est le combat des droits humains en gros, mais pour moi l’écologie c’est fondamental je veux dire. Que ce soit la nourriture, moi je fais partie des gens qui participons aux financement des terrains pour mettre des jeunes agriculteurs. Je pense que c’est l’avenir, on va crever si on ne fait pas attention.

Vu de Paris, la figure médiatique de la région c’est Cédric Herrou (elle me coupe)

_Parce qu’il s’est fait prendre (rire).

Comment vous considérez l’association « Roya Solidaire », est ce qu’elle a contribué à mettre à l’agenda ou du moins rendre visible ce problème des migrants dans la région, et est ce que en même temps il y a eu une coordination entre cette association et la votre ?

_Alors c’est un peu compliqué avec Cédric Herrou. Moi je le connais depuis longtemps. C’est quelqu’un qui est très festif, qui faisait une fête dans son village, nous allions aux fêtes un peu alternatives, on avait un rapport par là. Mais ce n’est pas un militant, c’est un solidaire, c’est différent.

C’est quoi la différence entre militant et solidaire ?

_Moi je pense qu’un militant ne réagira pas de la même façon qu’un solidaire. Moi quand je passe des gens j’agis en militante, je ne me suis jamais faite arrêté.

Le solidaire se fait prendre ?

_Le solidaire c’est quelqu’un en empathie et qui va essayé de les aider. Tu peux leur apporter à manger et cetera, les migrants moi me dise « Teresa merci pour ce que tu fais mais nous ce qu’on veut c’est passer ». Donc si tu veux beaucoup de solidaires se sont fait prendre parce qu’ils en mettent beaucoup, qu’ils veulent en faire passer beaucoup. C’est tout à fait louable (ce que font les solidaires) mais ça n’a rien changé à la situation des migrants. Là seule chose qui veulent c’est passer donc tu en passe quelque uns il en est arrivé 340 000, jamais tu arrivera à faire passer 340 000 personnes.

Les solidaires les font passer dans leur voitures ?

_Oui comme les militants.

Mais donc la distinction se trouve où ?C’est le fait de ne pas se faire prendre ?

_Ba oui c’est ça (rire).

Ça voudrait dire qu’ils voudraient volontairement se faire prendre ?

Non c’est pas ça, c’est que eux ils agissent spontanément. En tant que militant je fais attention je ne prends pas les mêmes routes. C’est un peu compliqué mais je veux dire on a pas le même réflexe. Plein de gens qui disent moi je ne me fais pas arrêté car je m’appelle Teresa Maffeis mais j’y crois pas du tout à ça. Tu vois dans le procès de Pierre Alain Manoni, quand il s’est fait prendre (léger rire, signification ?), dans le lot quelqu’un lui a dit « je connais Térésa. Et nous on était la bas on donnait des cours de français.

Dans la Roya (ou agissent les solidaires)?

_Non en Italie. On avait des gens qui voulaient passer en France, on leur donnait des cours de français. Pour rigoler je leur avait dit tu sais en France on fait la photo d’école, et on met des chaises, pour détendre l’atmosphère. À chaque cours ils voulaient tous se mettre sur des chaises on faisait des photos, moi je les ai reproduis et je leur ai donné. Le type était avec la photo de Térésa dessus.

Et dans le procès de Pierre Alain, il dit « j’ai un des élèves de Térésa » etcétéra. T’aurais pu penser que ça va te faire du tord, que ça apparaisse dans les contre rendus du procès mais c’est pas grave car je suis persuadé que les juges savent tout ce que je fais.

Comment expliquez vous que Cédric Herrou se fasse arrêté et pas vous ?

_Je pense qu’ils (les solidaires) en ont prit beaucoup, et puis lui les a hébergé chez lui, et puis je crois qu’il en fallait quelque uns qui se fassent arrêter. C’est tombé sur lui car c’est vrai qu’il en a passé beaucoup. Donc un moment ils ont voulu donner un exemple pour empêcher de passer les gens. Je pense que si ils m’avaient arrêté moi, ils auraient encore dit c’est une militante c’est pas la même chose, alors que lui c’est quelqu’un qui milite quelque part d’une certaine façon mais qui est solidaire. Lui il a vu que les gens avaient besoin de passer, humainement il les a passé. Arrivé à un moment ils ont fait un exemple. Mais pleins ne se sont pas fait arrêter. Je pense que les flic savent ce que je fais. Je pense que c’est un tord de penser que les gens se mobiliseraient pour moi.

C’est peut être à cause de votre poids médiatique ?

_Moi j’ai dit que si je me fait arrêter je ne veux pas de mobilisation. J’ai déjà eu cinq, six procès, contre des Maires, je suis toujours allé toute seule au tribunal. Moi en tant que militante j’ai eu des procès. Ça fait partie de ma vie militante, pas besoin de mobiliser les gens pour ça, je les ai tous gagner. Ça me paraît tellement naturel de faire ça, pas besoin qu’on vienne te dire c’est bien, c’est pas bien.

Il a apporté plus de lumière ?

_Non il n’a pas apporté plus de lumière. Il a apporté plus de lumière sur les gens pour obtenir l’asile, les faire passer etcétéra, ça c’est indéniable. Après, il a donné un peu l’exemple, d’autres l’ont fait ça c’est bien. Mais le problème c’est pas que Cédric Herrou et tout ça, c’est que la seule chose que veulent les migrants c’est la liberté de circuler. Et ça personne ne l’a obtenu ni grâce à Cédric, ni grâce à moi. Ils font des contrôle dans les trains, ils les renvoient etcétéra. Quand il y avait les tunisiens, on faisait des mobilisations où on se couchait sur les voix etcétéra. On ne le fait plus tellement. Avec les italiens on a finit par tout bloquer. L’époque a aussi changé

Vous aviez bloqué comment ?

_On s’est tous allongé sur les voix de chemin de fer, on a arrêté les trains, ducou ils ont arrêté les expulsions.

Comment vous expliqueriez ce succès médiatique de Roya Solidaire, par des formes de mobilisations ?

Moi je vois que je suis beaucoup appelé par des journalistes qui voudraient me filmer dans la Roya. Moi je leur dit je n’ai aucune raison d’aller dans la Roya puisque je suis militante sur Nice, je vois par pourquoi j’irai me filmer avec Cédric Herrou. Si tu centralises sur la Roya… Il y a aussi d’autres gens. Dans les Alpes Maritimes tu ne peux pas savoir le nombre de gens qui en ont passés, qui les héberge etcétéra. Les journalistes m’ont dit tu comprends, c’est un personnage pour eux plus médiatique, la ferme etcétéra, c’est comme moi ils m’ont toujours considéré comme plus médiatique parce que j’étais différente. Quelque part il est différent. Ils se sont centralisé sur lui, mais d’autres se sont fait arrêté et il y a eu moins de mobilisation que pour lui. L’avantage de cette période, pendant qu’il bloquait la Roya on a pu faire ce qu’on voulait. Moi j’ai beaucoup aidé des mineurs à passer. Il y en a un qui m’a écrit hier, ça y est il est en Angleterre il est à la fac. J’aurais aussi pu me faire arrêter.

Pensez vous qu’il y a des quotas à l’OFPRA ou lors de leur appel ?

_Alors moi j’ai actuellement une famille érythréenne, que j’ai hébergé là, on les suit depuis le 4 février. Je suis pas toute seule on est trois, donc on s’occupe d’eux. On a fait pour eux les démarches d’asiles. Ils sont dublinés. Ils sont assignés à résidence. Ce sont des gens qui ne parlent absolument pas la langue et qui n’auraient pas pu respecter tout ça. Quand ils devaient allé pointer on était obligé d’aller les chercher car ils oubliaient etcétéra. La femme a été très malade on a trouvé quelqu’un qui la soigne. On a mis l’enfant à l’école. Et donc quand il y a eu l’entretien de réadmission de cette famille en Italie (car ils sont dublinés, en vertu du règlement de Dublin obligation de déposer sa demande d’asile dans le premier pays européen où tu entres), j’étais présente. On avait plus qu’à espérer de tomber sur un juge qui soit humain. Et effectivement le faite qu’on est mis l’enfant à l’école. Moi c’est un réflexe quand je vois un Rom ou un migrant dans la rue je le met à l’école, je ne peux pas accepter qu’il reste à la rue comme ça. Le gamin a pesé dans la balance. Mais le préfet a fait appel. Ça va être un gros truc. Le préfet a fait appel en disantq ue l’école était obligatoire à partir de 6 ans et que le gamin avait 5 ans, il faut le faire quand même. On attend l’appel, l’enfant est toujours à l’école. Nous on est trois de l’ADN c’est vraiment lourd, on s’en occupe volontiers, si il arrivait quelque chose je pense qu’on prendrait l’enfant avec nous, on séparerait la famille. J’en discute avec l’avocat, on va briser cet enfant, on peut pas le laisser des mois, il s’est habitué à l’école, il n’a plus peur de la police, on peut pas le renvoyer comme ça dans un no man’s land, ça va le briser

Comment vous expliquez ce taux de rejet aussi important des demandes d’asiles, par un quotas ou par des fonctionnaires qui auraient intériorisés ces normes de rejet ?

_Ce sont tous des dublinés. La famille dont je viens de te parler, on s’est rendu compte qu’ils avaient déjà demander l’asile en Italie. Si on arrive au délais de temps (six mois) ils pourront demander l’asile. Beaucoup de gens qui ont demandés l’asile ici qui sont dublinés et qui ont été ramenés en Italie hein.

Et pour ceux qui ne sont plus dublinés (qui ont dépassé le délais de temps) un quota vous pensez ?

_On en a pas. Alors ce qu’il se passait en 2015 quand ils arrivaient, il y avait très peu d’empreintes, les italiens avaient tendance à ne pas prendre, il y en avait tellement… Beaucoup de gens qui n’avaient pas d’empreintes qui sont passés, qui aujourd’hui sont en Angleterre, en Allemagne, qui sont intégrés. Parce qu’ils n’avaient pas d’empreinte.

Partie 5 : Parcours militant

On va revenir maintenant sur votre parcours personnel si vous voulez bien. Vous me disiez toute à l’heure que vous avez fait Mai 68…

_Olala (rire). Alors moi je suis d’origine italienne. J’étais dans une ville qui s’appelait Orléans. C’est une ville où j’ai un peu souffert, « les ritales c’est des voleurs », moi en tant que gamin j’ai un peu souffert.

Vous êtes arrivés quand en France ?

_Moi je suis né en France, ma sœur en Italie. Quand ils sont arrivés en France, on était quand même un peu les voleurs… Fin bon c’est pas très grave. Et moi quand j’étais à Orléans, quand j’ai du choisir pour aller à l’Université, je voulais pas du tout rester en France, enfin à Orléans, c’est vraiment une ville qui m’avait un peu, une ville de province un peu fermé. J’avais, j’avais (parle de manière moins fluide que dans le reste de l’entretien). Je voulais faire médecine t’a qu’à voir. Et j’ai pris quelque chose qui n’était pas à Orléans. La seule chose qui n’était pas c’était l’Italien, donc j’ai pris l’Italien. J’étais prof d’Italien pendant un mois mais ça m’a gavé. J’ai choisi Nanterre tout à fait par hasard. Et je suis tombé pile poil. J’ai toujours le chic. J’étais vachement active, des étoiles plein les yeux et tout ça en 68, je me suis fait arrêter pas mal de fois aussi. Et j’ai gardé un peu de 68, c’était quand même un mouvement, après tu peux analyser il y a pas eu que du bien, mais c’était quand même un mouvement où on était aussi avec les gens, les ouvriers etcétéra, et j’ai pas eu l’évolution de certains, les Cohns Bendits, j’aurais pu effectivement… C’est vrai que c’était très formateur, je suis arrivé assez jeune à Nanterre, il y avait des mettings avec Sauvageot (militant syndicaliste) et Cohn Bendit, je ne comprenais rien de ce qu’ils disaient. Ils avaient lu Marx et tout ça. Moi j’ai jamais lu tout ça (rire). Je comprenais rien (rire). On était deux avec une copine d’Orléans on comprenait rien de ce qu’ils racontaient. Et on est parti dans ce mouvement là, et c’est là qu’on a rencontré les gens, la violence, la police etcétéra…

Si je récapitule vous êtes parti d’Orléans grâce à l’Italien, et vous êtes arrivé par hasard à Nanterre

_C’était formateur (Nanterre) quand même hein. C’était une époque où tu avais l’impression qu’on avait le pouvoir de faire des choses. On avait occupé la Sorbonne, un tas de choses comme ça. On s’était battu pour que les garçons rentrent dans les dortoirs dans les filles. Ça j’ai un peu regretté car ça nous a bien fait chier après (grand rire).On s’est dit on était mieux entre nous. Je plaisante mais quand t’es jeune… C’était chiant (grand rire).

Vous considérez que cet engagement s’explique par ce moment là à Nanterre, ou…

_Moi quand j’étais à Orléans au Lycée, j’étais déjà un peu tout le temps en rébellion, je veux dire j’étais déjà un peu comme ça. J’essayais de changer les choses. Quand tu es jeune comme ça tu ne comprends pas bien. Le fait d’avoir été confronté un peu, pas à l’exclusion total mais au rejet, moi je me suis toujours dit, parce que j’ai quand même eu une carrière assez brillante car j’ai été cadre. Quand j’ai arrêté l’enseignement j’ai été dans une grosse boite et quand je suis arrivé je ne comprenais pas la soumission. Les chefs c’était des hommes et les filles étaient traités… c’était affreux, donc moi j’essayais de défendre un peu tout le monde.. J’étais allé à Paris défendre une fille avec un avocat, je ne sais pas ce qui m’avait prit, et elle avait été réintégré. Quand tu souffres d’injustice. Moi j’ai eu après l’éducation, un bon salaire etcétéra, une fonction où j’avais beaucoup de vacances donc j’avais du temps. Je me suis dit tu ne peux pas vivre simplement pour toi, tu as déjà subis ça, essaye d’aider les autres. D’où la création d’association d’insertion, d’aider les gens qu’étaient dans la rue etcétéra. Quand tu as souffert de ça… à Nice j’ai commencé par aider les personnes âgées au niveau médicale, au niveau sociale, et tout ça.

C’était dans le cadre de votre profession ?

_Oui, oui, j’étais délégué à l’action sociale.

Et c’était quoi la grosse boite que vous avez évoqué ?

_Maintenant elle s’appelle Malakoff. Qui est dirigé par le frère de Sarkozy, ce qui fait rire tout le monde. (rire). Quand j’ai été embauché dans la boite j’ai fait faire la première grève, donc si tu veux je faisais quand même parti des gens, même si j’avais un poste important…

Si tu veux j’étais à Orléans, quand ils m’ont virés (en 1976), ils m’avaient fait faire tous les services et j’avais foutu un peu le bordel dans tous les services. Ils m’ont convoqué en me demandant si je voulais signer ma démission j’ai dit pas question, j’étais très bien payé. Et donc ils m’ont envoyé à Nice.

Ça c’était à Malakoff ?

_Ça ne s’appelait pas comme ça à l’époque. Ça s’appelait CIPS, après ça a été racheté. Ça c’est les caisses de retraites, après j’étais à Orléans. Ils étaient un des groupes qui ont été repris par Malakoff, je suis pas resté longtemps, j’ai fait tous les services, et ils m’ont demandé où je voulais allé. J’ai dit comme ça au hasard, enfin pas vraiment au hasard, comme je suis d’Italie, je leur ai dit pourquoi pas, j’ai voyagé dans le monte entier mais j’avais jamais été en vacances à Nice, c’était pas mon truc. Et donc j’ai dit j’irai bien à Nice, proche de l’Italie mon pays d’origine, et ils m’ont créés un bureau pour moi toute seule. J’ai été toute seule pendant des années jusqu’à ce que le groupe grossisse et que je sois avec d’autres.

C’était des études sur le vieillissement ?

_Alors moi j’étais délégués à l’action sociale. Donc au début j’étais chargée de m’occuper des personnes âgées, de leur devenir, au niveau sociale, médicale. On faisait des informations. Après ça s’est développés. Je me suis occupé des groupes de retraites. Quand tu es dans le privé tu as la sécu plus des groupes comme le notre. Et donc ça a un peu évolué, je me suis occupé des salariés qui adhéraient au groupe. Des handicapés. Un métier très intéressant. Moi j’avais pas mal de pouvoir financier d’aider les gens. J’ai mis du temps à partir à la retraite, j’avais du mal à quitter ce métier.

Vous avez fait tout l’engament dont nous avons parlé, en parallèle de votre métier ?

_Tout le monde se demandait comment je n’avais pas pu ne pas être viré. Quand je suis parti d’Orléans je voyais cette majorité de filles qui baisaient la tête sans arrêt pour avoir une augmentation. Moi quand je faisais quelque chose elles ne me suivaient pas, car elles avaient peur de perdre je ne sais quoi. Elles n’avais pas grand chose à perdre. Ça m’a un peu… Au début je ne comprenais pas trop bien. Les gens ont cru que j’avais couché avec le directeur, je plaisante à peine. Ils ne comprenaient pas qu’avec tout ce que j’avais fait, je pouvais avoir ce poste de cadre, alors qu’elles elles attendaient toute leur vie d’avoir une position qu’elle n’auront jamais car quand tu baisses la tête tu n’as rien. Si elles m’avaient suivi je n’aurais pas été la seule à avoir ce poste de cadre. Ça c’est le monde du travail où j’avais trouvé les gens très soumis. Ils n’avaient pas la notion de se mettre ensemble, pouvoir faire des choses ensemble, un côté très individualiste. Comment je peux être augmenté, ça à mon avis c’était une erreur. Moi je n’ai jamais été augmenté mais c’était un choix. J’avais un bon salaire je n’allais pas me battre pour une augmentation.

Quand vous dites vous mettre ensemble j’ai l’impression que c’est un peu toutes les luttes qui convergent : les migrants, l’écologie, le féminisme. Est ce que vous avez l’impression que certaines luttes se rejoignent ?

_Le problème de tous ensemble je n’y crois pas du tout. Quand il y avait le Pen, le lancement de l’ADN c’était vraiment tous ensemble. Nous à l’ADN on était connu, une affiche très connu sur les culs. On avait beaucoup d’artistes. Les gens sentaient un grand danger. Quand tu parles des mouvements antifas, nous on en faisait partie, là tout le monde était ensemble, parce que Jean Marie le Pen à l’époque on s’est fait fracasser, et puis ce qu’ils préconisaient c’était quand même l’horreur. Petit  petit je pense que les gens se sont habitués. La première fois que Marine le Pen est venu à Nice tu n’entendais plus vraiment les gens. Moi je pensais que spontanément les gens allaient allé. Je me suis retrouvé toute seule devant le truc. Les luttes anti fafs, nous on en est spécialistes, mais les gens se sont habitués, les gens l’expriment par le vote et encore. Quand il y a eu le Pen (Jean Marie) tous les jours des gens qui faisaient des choses. Aujourd’hui les gens ont du s’habituer je ne sais pas mais… On a du mal à mobiliser pour ça.

C’était plus facile de mobiliser au lancement de l’ADN ?

_C’est pas que c’était plus facile, c’est que les gens avaient conscience du danger. C’était plus physique. Un fou furieux.

C’est le changement du Front National ?

_Les gens ne se sont pas rendu compte que c’est le même, il s’exprime différemment, mais c’est exactement les mêmes. Jean Marie le Pen représentait quand même tout ce que les gens pouvaient détester dans le monde. Quand tu vois quelqu’un comme Marion Maréchal, un peu l’équivalent du Jean Marie, là elle s’est un peu retiré, mais quand elle va revenir moi je pense que ça va faire mal. C’est vrai qu’il y a moins de luttes. Je me souviens quand le Pen venait la des milliers de gens qui venaient de toutes les régions. On travaillait beaucoup avec le Var, avec Marseille, des souvenirs de manifs énorme, énorme. Aujourd’hui quand t’es 150 les gens disent que c’est bien. On est quand même une ville de 350 000 habitants.

150 c’est une manif réussi ?

_Je plaisante mais t’arrives plus. Les formes ont changé. Le fait de faire des actions culturelles apportent plus de choses je pense que faire des manifs à 150. Mais on a du mal à mobiliser.

Est ce que vous avez le sentiment d’être valorisé pour votre engagement ?

Non, non. Je pense que je dois être cordialement détesté par beaucoup de gens. J’en suis certaine.

Vos proches sont au courant de tout ce que vous faites ?

_Ah ba oui.

Vous avez un réseau militant qui s’est créé autour de vous ?

_Ça dépend. Si tu parles des proches, tous les gens que je connaissais à Nice sont tous partis. Nice c’est une ville… J’étais beaucoup dans le milieu culturelle mais c’était difficile pour les artistes de vivre, parce que quand même au niveau subvention, reconnaissance, c’est quand même pas simple. Donc beaucoup d’associations ont disparus, il y en a presque plus, tous mes amis artistes sont partis dans d’autres villes. C’est pas facile quand tu es artiste de vivre, de trouver des squattes etcétéra. Moi je suis beaucoup dans le milieu chercheur car mon mec est sismologue. Tous nos amis chercheurs ont demandés leur mutation ailleurs. Les amis qu’on avait sont partis. Les gens te connaissent mais toi tu les connais moins qu’avant. On avait beaucoup d’amis avec qui on faisait d’autres choses que militer et là un peu moins. Il y avait des jeunes qui m’avaient dit on partira jamais ils sont partis. C’est pas une ville où tu t’éclates vraiment.

Les cercles qui sont restés ce sont que des militants ?

_Non, beaucoup de militant qui sont partis ailleurs aussi. Quand tu fais des manifs tu retrouves les mêmes qu’avant. Ce qui fait que c’est un peu âgé. Très peu de jeunes. Tu retrouves les mêmes réseaux qui reproduisent les mêmes choses. On devrait, c’est difficile à dire, mais on devrait modifier nos formes d’actions.

Justement je voulais revenir sur les formes d’actions, vous parliez d’une exposition de photo toute à l’heure..

_Justement l’exposition de photos, on fait du cinéma aussi.

Ces formes là permettent peut être de sortir des réseaux et d’atteindre un public plus large ?

_Voilà, exactement. On fait des films aussi. Une association, pas des militants, il y a eu un thème, on a fait un film qui s’appelait « Flat Mer 2047 ». C’était un Super 8, on avait imaginé un extraterrestre sans papier. Ce qui est intéressant c’est que tous les gens qui venaient voir ces films là ne s’attendaient pas à voir un film militant. Il y a aussi le travail artistique. On a appris un peu tout seul à faire ça. On a présenté ces œuvres dans des milieux différents. L’expo photo, on a été sélectionné, on a fait 20 lieux. Un village nous a demandé de la faire, 150 habitants, mais on y va. L’expo retrace ce qui s’est passé. Tu t’aperçois qu’en fin de compte les gens ne connaissent pas du tout ce qui se passe. Ils sont là depuis 2015, ils ont été à la rue. Les gens ont beaucoup entendu la Roya ça c’est clair, mais pas le reste. Ils ont une vue d’ensemble car l’expo s’arrête aujourd’hui. J’ai vu des gens pleurer. Quand tu vois 1000 personnes dans une cour etcétéra. Que ce soit l’image ou la parole on a eu vachement de retours. Le village où on est allé vote à 90% FN. Et j’ai pas eu d’insultes ni de rien.

Le problème vient peut être des organisations militantes qui sont peut être trop fermés sur elles mêmes ?

_Je pense qu’il n’y a pas assez d’union en fin de compte. Tu crée des collectifs et tu t’aperçois en fin de compte que les gens vont garder leur particularité. Moi par exemple j’appartiens au groupe des mineurs isolés, je fais des choses, d’autres en font d’autres, et c’est un peu dommage. Si on faisait tous ensemble ce serait plus efficace. Il y a plein d’assos qui se recrée aujourd’hui, c’est ingérable. Chaque assos participe mais sur les migrants il faudrait qu’il y ait une union totale mais ça se fera pas.

Pourquoi pas ?

_Résoudre le problème de la frontière et l’asile on est tous incapable de le faire, et pas que à Nice. Regarde Calais. Tout le monde fait des choses. Des fois des reportages. Mais le but à atteindre c’est que les gens puissent circuler. Et ça même avec l’union on l’aura pas. À part être des millions dans la rue, ce qui n’arrivera jamais pour les migrants je pense, la volonté du gouvernement est telle que je ne vois pas. Si on arrivais à être beaucoup beaucoup, mais pas que Nice, regarde à Calais, à Paris, qu’est ce qui se passe à Paris ils sont toujours en dessous des ponts ?

Paris c’est des barrières sous le métro aérien, des blocs de pierre à Porte de la Chapelle sous le périphérique. On est invisible. C’est pour ça que ça m’intéresse quand vous parlez d’expo photos, de films, pour toucher un public plus large. J’ai l’impression qu’à Paris les gens ne savent même pas ce qui se passe…

_Comme pour l’expo photo, les gens ne savaient pas…

Et pourtant c’est une ville à 90% Front National. Ça montre bien que les gens n’ont pas accès à l’information, que ce n’est pas qu’une question d’opinion politique ?

_Moi je vois. Sur la collecte des gens bien de droite qui sont à mon avis très sensible. Des gens qui ont des villas ici, et qui les accueille.

Des gens de droite ?

_Oui des gens qui ne sont pas de notre bord.

L’engagement militant ce n’est donc pas une question de bord politique ?

_Non moi j’ai vu sur la collecte. Sur la sensibilisation au problème des migrants, c’est pas que des militants (de gauche), plein de gens qui m’ont appelés qui n’avaient jamais milité, qui les ont accueillis chez eux, qui les ont nourris, logés chez eux et les ont fait passer.

C’est pas plus un engagement de gauche ?

_Non ils vont quand même s’engager et faire des choses symptomatiques. Quelqu’un qui n’est ni militant ni rien qui vit vachement bien et qui dit j’en ai pris trois. La sensibilisation au problème des migrants n’est pas un apanage de la gauche. Moi par exemple je m’occupe des migrants, quelqu’un qui est élu de Nice paye les cantines. Des gens qui m’appellent, je n’en suis pas revenu. Qui ne vont pas aller au delà de ça, mais qui vont quand même les héberger, les faire passer, c’est déjà beaucoup. Un acte assez fort.

Ils vous appellent ?

_Pas que pour la collecte. Ils appellent pour demander des conseils sur comment faire passer…

Si des gens aussi diversifié vous appellent, vous ne trouvez pas que vous avez une image quand même valorisé dans la société de par votre engagement militant ?

_Moi je ne trouve pas. Pour les migrants, les gens me voient plus comme une humanitaire qu’une militante. C’est dans le monde militant que c’est plus difficile, il y a des concurrences, c’est compliqué.

C’est plus au sein du monde militant que c’est compliqué, des questions d’égo ?

_Pas des questions d’égos, mais chacun ses formes d’actions. Pas concurrence non plus. Moi quand les gens me voient, ils me disent je sais pas comment tu fais c’est bien etcétéra. Moi la dernière fois j’étais avec quelqu’un du collectif droit des femmes, je lui dit « tu sais j’ai l’impression que les gens ne m’aiment pas beaucoup. Elle me répond oui oui les gens ne t’aiment pas du tout ». Je pensais pas qu’elle allait me dire ça (rire peiné). Ce serait intéressant un jour de demander.

C’est le fait d’être dans cette région là, à Nice ?

_Je pense le fait aussi d’être aussi médiatisé. Les gens doivent penser que je fais des choses pour être dans les médias. Ce qui n’est pas tout à fait vrai (donc pas totalement faux?). Certains fois quand il y a besoin oui, mais pour les migrants, pour l’expo photo, j’ai simplement appelé car c’était intéressant que les gens la voie. La dernière fois France 2 m’appelle pour être filmé dans la Roya j’ai dit écoute non. Tu va fausser tout le truc.

Vous êtes trois Président de l’ADN, mais on ne vous voit que vous, ducou pas la base militante ?

_On est trois à s’occuper de cette famille, on ne veut pas en parler. On pourrait très bien faire l’histoire je te fais pleurer dans les chaumières. Mais ça c’est pas mon truc. Moi je pense que l’intérêt de cet famille, on en parle pas trop. Après quand il y aura le procès on verra. Mais que la presse n’aille pas frapper à leur porte tous les quatre matins. C’est pas bon pour eux, ils ont déjà assez souffert. Si on montre qu’ils sont hébergé ça attire aussi des animosités. Comme pour les roms. Si tu veux être médiatisé, j’appelle c’est pas compliqué. Mais ça je fais pas. (est ce qu’elle s’adresse à moi?). Ça fait trois quatre mois que je refuse de parler à la presse. Si on dit ils ont soufferts etcétéra, ça suffit on l’a assez dit.

Pour vous les formes d’actions les plus efficaces c’est plus… (elle me coupe)

_Des fois le médiatique sert. Que Cédric ait été médiatisé ça a servi. Il faut savoir avoir une retenu. Quand le mec de la Roya m’a dit tu devrais allez dans la Roya, je lui ai dit tu devrais aller en Italie car vous ne parlez plus tout des migrants. Lui est allé. Il m’a téléphoné je te remercie car c’est vrai qu’on avait un peu oublié quand même. Savoir aussi à un moment si tu te fais médiatisé, tu peux pas faire ça tout le temps, faire aussi des choses à la rencontre des autres, comme les expos. Si tu es tout le temps, ça fait « c’est elle, c’est elle », ça n’a plus de sens. Les gens dont on veut améliorer le sort c’est des migrants. Donc faut que ça soit eux. Moi je les connais je pourrais leur dire va parler à la presse mais je fais pas ça.

Dernière question plus personnelle. Quand vos parents sont arrivés en France, vous avez des souvenirs d’enfance de tensions ? (pour la faire dévier de son rapport aux médias dont elle a besoin de parler, pour obtenir des informations plus précises sur ses capitaux culturels et économiques, les raisons de son engagement)

_A l’époque on était des voleurs, macaronis etcétéra, quand il y avait un vol quelque part on venait chez nous, mais à la limite ce n’était pas si grave. Moi une chose m’avait frappé. Quand mon père est arrivé en France, on a pas compris pourquoi, il ne parlais plus.

(1heure28, -18). Je ne sais pas si c’est la coupure entre son pays… Et (silence) c’était assez triste de le voir comme ça. Puis après on a compris un petit peu, je pense qu’en Italie il vivait autrement. Mon père comme il n’y avait pas assez à manger il allait faire du travail au noir. C’est une image qui m’est resté. Mon père était peintre en bâtiment. Il partait le soir avec son vélo avec la planche pour tapisser… Et puis quand tu es petit tu n’as pas conscience des sacrifices que font tes parents. Il avait était dénoncé par des voisins alors que c’était pour nous donner à manger quoi. C’est l’image qui se reproduit tout le temps, des migrants qui essaient de faire des petits boulots.

Vous pensez que ça a joué dans votre engagement ?

_Je pense aussi, quand tu voyais tes parents… Ma mère avait qu’une envie c’était de retourner en Italie mais c’était plus possible car il y avait les enfants. Mon père qui parlait plus qui faisait que travailler, il était exploiter comme ça (dégoût). Mes frères et sœurs en étaient moins conscient mais ça m’avait vraiment frappé. Tu te dit qu’est ce qu’il a vécu, après quand tu grandis pour poser des questions c’est trop tard. On a jamais su ce qu’il avait vécu vraiment réellement.

C’était pas non plus au niveau des migrants mais quand tu as ça, t’as cette image là du père, des parents, de la famille, qui est bafoué et que tu aimes tes parents ça fait de la peine. T’as pas envie que ça se reproduise sur les autres.

Et votre mère en a souffert aussi ?

_Alors ma mère c’est différent parce qu’elle elle aurait vraiment aimé rentrer en Italie. Mais bon ça ne s’est pas fait. Elle a eu beaucoup d’enfants, elle n’en voulait pas tant que ça. Elle se plaignait tout le temps de faire à manger. Elle a eu une vie de merde quoi.

(silence). Elle est morte dans un accident, c’est terrible. (silence)

Toute à l’heure vous parliez de l’importance de Nanterre, le fait que Cohn Bendit avait lu Marx, vous diriez que pour vous ça n’a pas joué ?

_Alors justement moi je n’ai pas de culture politique vraiment. Je lis beaucoup mais je n’ai pas une grosse culture politique. Quand je suis arrivé à Nanterre justement, les discours c’était compliqué franchement je comprenais rien. Et moi j’ai plutôt une culture de terrain. Effectivement j’ai lu un peu des choses politiques mais ça ne me passionne pas bien. Moi je réagis simplement en fonction de ce que je ressens. Ce que je ressens pour les autres. J’ai lu beaucoup sur Louise Michel ou des choses comme ça, mais c’est vrai que ça ne m’a pas influencé car c’est pas ma base culturelle moi. C’est un peu à l’instinct, c’est : j’agis en fonction de ce que je ressens humainement, ce qui fait que je suis devenu militante comme ça mais pas militante parce qu’un tel a dit ça ou un tel a dit ça. Je serai incapable de… (silence)

Vous me racontiez toute à l’heure justement que vous aviez eu affaire au monde politique, à travers les verts, aux conseils municipaux, vous ne vous sentiez pas à l’aise dans ce monde là ?

_Tout à fait, le monde politique c’est… (grimace). Une fois un journaliste municipale me pose une question : « est ce que un jour vous envisagez la politique ? ». Et j’étais à côté d’un mec du PC et en rigolant le journaliste demande « est ce que vous voudriez adhérer au PC ? ». Le mec du PC a dit spontanément « surtout pas elle ». Mais spontanément tu vois donc ça résume un peu… On fait partie des gens qui n’ont pas les mêmes repères que les autres, t’es différent, quelque part tu restes encore différent.

Peut être parce que vous êtes dangereuse pour eux ?

Non parce que t’es différent. T’es incontrôlable. Si tu veux moi j’ai fait ce que je sentais etcétéra. Par exemple quand je me suis occupé des SDF les politiques n’avaient pas bien compris. On avait chercher à les redescendre (du mont Chauve où les SDF avait été envoyé suite à l’arrête mendicité du maire de Nice Jacques Peyrat en 1996). Comme moi je suis plus dans l’action, pas dans la réflexion, enfin ma réflexion m’est personnelle, pas dans la réflexion politique en tout cas, c’est pas simple pour eux. J’ai assisté à deux trois réunions politiques j’ai tout de suite compris que j’étais pas de ce monde là moi. Tous les gens qui te disaient Térésa si tu va dans les mouvements politiques on va changer les politiques. Tout le monde dit ça. C’était la période. Si tout le monde adhère à un parti politique, ça va les changer. Il y a des gens qui ont adhéré à des partis politiques..

Et c’est eux qui ont changé

_(éclat de rire) C’est eux qui ont changé. C’est ça le problème (voix très contente).

J’ai eu un stage chez Emmaüs Défis, je suis très content. J’ai fait la campagne de Jean Luc Mélenchon, je suis pour une redistribution des richesses, pour une transition énergétique, pour une sixième République

Moi aussi je suis pour tout ça ! (voix contente)

Repose en paix Thérésa.

Entretien réalisé par Pierre Joigneaux.