Laurent Binet met des mots sur la politique, l’Histoire et l’Humain depuis plusieurs années déjà. Il est à la fois écrivain, Goncourt et journaliste. En 2017, il appelait Benoît Hamon à se désister, au profit de Jean-Luc Mélenchon pour que la gauche puisse prendre le pouvoir. Aujourd’hui, il s’engage aux côtés de Jean-Luc Mélenchon et intègre le Parlement de L’Union populaire. Un nouveau soutien de poids. Notre portrait.
Laurent Binet : Goncourt du premier roman en 2010
En 2010, il reçoit le Goncourt du premier roman pour HHhH (il faut comprendre “Himmlers Hirn heißt Heydrich”, ou “Le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich« ). Ce premier roman raconte l’opération militaire pendant laquelle Reinhard Heydrich, connu comme le Boucher de Prague, alors vice-gouverneur en Bohême-Moravie, est exécuté par trois résistants tchécoslovaques. Cinq années plus tard, les lecteurs le retrouvent avec La Septième fonction du langage, un roman qui revisite la mort du critique, auteur et sémiologue Roland Barthes : il aurait été assassiné !
Un écrivain engagé dans les pas de François Hollande…
Si sa plume a su conquérir les lecteurs de romans, ses écrits ont également rythmé le quinquennat de François Hollande. Le 22 août 2012, quelques mois après la victoire de celui qui se révélera être le premier fossoyeur de la gauche que nous connaissons aujourd’hui, Laurent Binet publie Rien ne se passe comme prévu, son journal de campagne. A l’entrée du 8 novembre 2011 il écrivait : “Je suis officiellement censé suivre le candidat comme son ombre, la presse affirme que François Hollande a trouvé son Yasmina Reza et que je ne le lâcherais pas d’une semelle mais, en général, je découvre son emploi du temps dans le journal”.
Pendant plusieurs mois, il suit le candidat socialiste et raconte ses déplacements, ses passages dans les médias, les discussions avec les membres du PS ou les autres candidats. Il y décrit également le monde des médias, la réalité du travail de journaliste. Un livre atypique qui incarne la politique, écrit une page d’Histoire. Déjà dans ce journal, on trouve des mots sur Jean-Luc Mélenchon : “Pendant que Hollande reprend sa déambulation, je file à la Bastille pour assister au grand rassemblement de Mélenchon. Quand j’arrive la place est bondée au point qu’il est impossible d’avancer, ou même d’entendre le discours. J’attrape des bribes, laïcité, Lumières, parité, Louise Michel… L’Internationale résonne rue du faubourg Saint-Antoine”. C’était le 18 mars 2012.
… Jusqu’aux désenchantements et à la rupture
Si malgré quelques hésitations, l’écrivain finit par voter pour François Hollande, il déchante rapidement, comme des millions de Français et le fait savoir dans une tribune intitulée François Hollande ? « Plaisir de trahir, joie de décevoir” (juillet 2014).
Dans cette tribune, il revient sur les premières réformes menées et écrit : “Politiquement, le déroulement des opérations a été au contraire remarquablement rectiligne : des premières semaines (ratification du traité européen, hausse de la TVA, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) aux dernières en date (intermittents, pénibilité), l’inconcevable succession de reniements s’est égrenée avec une formidable constance”. Quelques lignes plus loin, il étudie les causes de cette trahison, voici son analyse : “L’Histoire se souviendra de ces hommes comme de la cinquième colonne du Medef, je crois que la cause est entendue. L’explication n’est sans doute pas à chercher très loin : ni soumission ni incompétence mais complicité de classe, tout simplement”. Une déception qui lui permet de conclure que la gauche ne mourra pas… Mais qu’elle ne peut plus vivre avec le Parti socialiste.
Laurent Binet : un soutien de Jean-Luc Mélenchon dès 2017 et toujours fidèle
C’est dans cette continuité qu’il poursuit son engagement en soutenant Jean-Luc Mélenchon en 2017. Un soutien qui prend de nouveau la forme d’une tribune publiée dans Le Monde : “Une vraie gauche pourrait accéder au pouvoir”. Dans ce texte, il analyse la défaite de Manuel Valls à la primaire du PS comme une “remise à sa place de la gauche de droite”. En d’autres termes, la victoire de Benoît Hamon, c’est le rejet de la déchéance de nationalité, du CICE, de la loi travail, pour ne pas refaire de manière exhaustive le triste bilan de la mandature précédente. Une clarification bienvenue qui ne résout rien pour une victoire de la gauche puisque le candidat investi n’est rien d’autre que successeur de François Hollande.
Pour que la gauche vive, le Parti socialiste doit mourir. “A ce stade, Benoît Hamon n’a qu’une possibilité pour regagner la crédibilité que lui interdit son statut de candidat socialiste, mais elle implique un geste historique : dissoudre le PS. Il n’y a aucun moyen d’échapper à ce dilemme – sauf à oublier, par exemple, que Myriam El Khomri ou Manuel Valls sont officiellement candidats socialistes aux législatives”, précise l’écrivain dans sa tribune. Il s’agit concrètement d’un appel à ce que Benoît Hamon se désiste, au profit de Jean-Luc Mélenchon. Ce désistement était la condition nécessaire pour qu’une vraie gauche accède au pouvoir. Un texte aux allures prophétiques quand on voit ce qu’il est advenu au soir du premier tour en 2017.
Par Marion Beauvalet.