Une bombe médiatique. Le Président de la République se serait dit « intéressé » par les mesures du polémiste d’extrême droite sur l’immigration, et lui aurait demandé « une note sur son plan sur l’immigration ». L’information est bien évidemment à prendre avec des pincettes : il s’agit d’un extrait de « la France n’a pas dit son dernier mot », le nouveau pamphlet d’Éric Zemmour, dont Le Figaro publie aujourd’hui des extraits. Notre article.
France Télévisions chez Ruquier, CNews chez son ami Pascal Praud, reçu sur RTL par Alba Ventura, sur RMC BFMTV chez Jean-Jacques Bourdin… Éric Zemmour est partout. Sur toutes les ondes. Chaque jour de cette rentrée. L’homme condamné à trois reprises par la justice pour incitation à la haine fait vibrer les éditorialistes (cf compilation ci-dessous). L’insoumission alerte depuis de longs mois sur la zemmourisation médiatique. Cette rentrée en est une révoltante illustration.
Le délinquant multirécidiviste a beau avoir quitté Le Figaro, le temps de la promotion de son livre, le quotidien se charge de continuer ses chroniques à sa place. « À huit mois de l’élection présidentielle, la sortie de son nouveau livre est l’événement de la rentrée. La France n’a pas dit son dernier mot va totalement perturber les schémas de campagne prévus par les candidats » : voici le chapô, tout en légèreté, de l’article du jour du côté du Figaro. Un média qui ne se cache même plus d’être en campagne.
Dans cet article pour faire saliver ses lecteurs sur le « livre évènement de la rentrée », le quotidien d’extrême droite choisit d’en publier un extrait. Le passage concerne un échange entre Emmanuel Macron et Éric Zemmour. Ces propos auraient été tenus en mai 2020 à l’occasion de l’échange téléphonique entre les deux hommes à la suite de l’agression du polémiste.
« Je lui dis qu’il y a toujours des individus bons ou méchants, peu importe, mais je crois aux inconscients collectifs qui nous dirigent, et l’inconscient collectif de ces populations musulmanes est de coloniser l’ancien colonisateur, de dominer l’infidèle au nom d’Allah. » À ces mots, selon l’auteur, Emmanuel Macron lui aurait concédé avoir « raison sur ce point », mais que « s’il parle comme moi, on va à la guerre civile ; je lui dis qu’on va de toute façon à la guerre civile si on continue la politique qu’il suit ». Le plus savoureux de cet échange reste le moment où Éric Zemmour lui parle de son projet : « Je lui dis : j’ai un plan si vous voulez, il y a de nombreuses mesures à prendre. » Il me coupe : « Ça m’intéresse. » Et à la fin de la conversation, le chef de l’État le relance : « Au fait, votre plan, faites-moi une note. « Je fais mine de ne pas comprendre : « Quel plan ? » Il enchaîne, amusé de m’avoir bousculé : « Mais voyons, votre plan sur l’immigration, mon secrétariat vous contactera » ».
Le Président de la République convaincu que les « populations musulmanes » sont là pour « coloniser » la France ? Emmanuel Macron « intéressé » par le « plan sur l’immigration » d’un homme condamné à deux reprises pour incitation à la haine envers les musulmans ? Quand on se rappelle de l’interview du chef de l’État à l’Express où ce dernier vante Philippe Pétain et Charles Maurras, de sa terrible attaque contre le droit d’asile au début du quinquennat avec la loi Asile et Immigration, de sa stratégie de diversion identitaire, de l’immigration parachutée dans le grand débat suite au mouvement des gilets jaunes à la loi séparatisme après le mouvement historique contre la réforme des retraites, si ces propos du chef de l’État constitueraient un scandale, ils sont malheureusement crédibles.
La stratégie de la République en marche est à peine dissimulée depuis de long mois : protéger Marine le Pen, mettre à l’agenda politique ses thématiques de prédilection, pour se faire élire ensuite face à elle. La recette n’est pas nouvelle : faire monter l’extrême droite pour ensuite se poser en rempart au second tour. Les sondages de la présidentielle de 2017 valident cette stratégie du Président de la République : Emmanuel Macron était largement en tête au second tour contre Marine le Pen. Ce n’est plus le cas. Emmanuel Macron n’est plus une digue à l’extrême droite, c’est un trampoline.
Voilà ce que se disent bon nombre de ceux qui ont voté Emmanuel Macron en 2017 pour faire « barrage » à Marine Le Pen. La Une du Journal Libération du 28 février 2021 avait provoqué un vent de panique au sein de la majorité : « 2022 : j’ai déjà fait barrage, cette fois c’est fini ». Aux témoignages d’« électeurs de gauche entre colère et déception » dans les colonnes du quotidien, avait succédé une déferlante d’internautes annonçant sur les réseaux sociaux qu’eux non plus, ils ne voteraient ni Macron ni Le Pen en 2022.
70% des Français refusent en effet un duel Le Pen / Macron en 2022. Pas sûr que cette révélation sur les propos qu’auraient tenus le chef de l’État ne leur donne plus envie. Face aux trois blocs de droite (LR -LREM -RN) imposant les thématiques sécuritaires et identitaires à l’agenda médiatique, face au fantasme de nombre d’éditorialiste pour un homme condamné à trois reprises pour incitation à la haine, à la zemmourisation médiatique insupportable dans le pays, une (très) bonne nouvelle : un programme de rupture écologique, sociale et politique est plébiscité dans le pays. Face à la zemmourisation en marche, la formation d’une « union populaire » derrière ce programme devient vitale.
Par Pierre Joigneaux.