Ce mercredi 8 septembre 2021 s’ouvre à Paris un procès historique, celui des assassins qui ont perpétré les attentats terroristes du 13 novembre 2015. Six ans après cette journée qui nous a toutes et tous plongés dans l’effroi, personne n’a oublié cette soirée d’horreur. Stade de France, Bataclan, terrasses du 10ème et 11ème arrondissements, 131 vies nous ont été enlevées. 4 000 personnes ont été blessées. Sans compter les cicatrices indélébiles que cette atrocité a laissé chez beaucoup plus d’entre nous.
Qui a financé ? Qui sont les complices ? Quelle géopolitique ?
6 ans après, nous avons toutes et tous besoin de ce procès, non seulement pour rendre justice, mais pour faire éclater toute la vérité. Qui a rendu possible ces attentats ? Qui les a financés ? Car les complicités qui ont rendu possibles ces attentats doivent aussi être étudiées. Ce procès va être l’occasion de remonter les réseaux pour les éradiquer.
Ce procès doit aussi permettre de tirer les leçons des interventions armées. Car notre ennemi a un nom, il a un visage, et il n’est pas sorti de terre par magie. Daech a bien été l’un des résultats des interventions militaires en Irak et en Syrie. Alors que l’Afghanistan est un idéal-type des conséquences des interventions militaires américaines, ce procès peut-être l’occasion de poser des questions géopolitiques, sur ces interventions armées qui peuvent in fine augmenter le vivier des terroristes.
Ce procès doit également être le moment de démasquer ceux qui ont collaboré avec l’ennemi. L’actualité est ici brûlante : la Cour de cassation vient en effet de rouvrir le débat sur la complicité de crimes contre l’humanité de l’entreprise de ciment Lafarge après que celle-ci a avoué avoir indirectement financé l’État Islamique pour poursuivre l’exploitation d’une cimenterie en Syrie. Ceux qui ont collaboré doivent être traités comme des ennemis de notre pays.
Renforcer les moyens du renseignement humain, priorité absolue dans la lutte antiterroriste
On ne peut regarder ailleurs. C’est l’élément décisif dans le combat antiterroriste : les renseignements humains. Sur 59 attentats déjoués entre 2013 et 2019, 58 l’ont été grâce au travail vital de nos services de renseignements.
Et il est vital d’insister sur ce point : l’urgence absolue dans la lutte antiterroriste est bien de renforcer nos moyens humains de renseignement. La Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS) ne compte ainsi que 28 personnes dans tout le pays. Insuffisant.
Nous manquons cruellement d’officiers de police judiciaire, de professionnels d’excellence dans le renseignement disposant des moyens nécessaires pour mener les enquêtes de long terme pour démanteler les réseaux terroristes, mais également les réseaux de trafic d’armes et les circuits financiers qui les alimentent. L’inverse de la politique « du chiffre », ultra court-termiste, à l’honneur au Ministère de l’Intérieur.
Rappelons-ici un seul chiffre : entre 6 et 11 millions d’armes circulent actuellement sur le territoire français. Plutôt que de continuer à empiler les lois antiterroristes les unes après les autres, 17 lois en 30 ans, il est temps d’en réaliser un bilan. Le procès permettra de creuser plusieurs questions. D’où sont venues les armes des assassins ? Qui les a payé ? Il serait temps d’enfin donner les moyens à nos services de renseignement pour pourchasser ces réseaux qui financent et arment ces assassins.
L’unité nationale, meilleure réponse à opposer aux objectifs des terroristes
Enfin, ce procès doit être l’occasion de nous poser la question du dessein des terroristes. Quel est l’objectif qu’ils recherchent ? 6 ans ont passé, et si l’émotion est encore vive, ce long procès qui s’ouvre peut être le moment pour essayer de dépasser nos passions, et pour nous poser rationnellement la question.
Il nous faut à tout prix refuser aux assassins terroristes la représentation des musulmans. Car l’objectif des terroristes est bien de fracturer la population française. Ne laissons jamais accepter l’idée qu’ils représenteraient une religion. Anders Behring Breivik, le terroriste qui a assassiné 77 personnes en Norvège en 2011 l’a fait soi-disant au nom de la religion catholique. Et, bien évidemment, il ne représente en rien les catholiques.
Pour être fort face à l’ennemi, la première condition est l’unité nationale. Leur objectif est bien de nous diviser, en traçant une ligne de démarcation entre les musulmans et les autres citoyens français. Mais face aux stratégies de fracturation identitaires, la plus forte des réponses sera toujours l’unité du peuple. Chaque jour, dans nos vies respectives, opposons-leur la fraternité républicaine. N’oublions jamais cette leçon fondamentale : la volonté des terroristes est de nous diviser. Et pour leur faire échec, il faut y résister. Toujours.
Par Pierre Joigneaux.